Accueil | Actualités | Affaire Grégory : le couple Jacob est sous les verrous, mais l’énigme n’est pas résolue

Affaire Grégory : le couple Jacob est sous les verrous, mais l’énigme n’est pas résolue


"C'est le bluff de la dernière chance", lance l'avocat de Marcel Jacob, Me Stéphane Giuranna. "Ils ont secoué une dernière fois le cocotier de la vallée de la Vologne, mais rien n'est tombé."(photo AFP)

Le mystère de l’affaire du petit Grégory sera-t-il enfin percé ? Son grand-oncle et sa grand-tante sont sous les verrous pour enlèvement suivi de mort mais la justice ne désigne pas pour autant l’assassin de l’enfant.

La semaine qui s’achève a ramené la France trois décennies en arrière avec l’annonce surprise, mercredi, de trois interpellations dans les Vosges. Et relancé ce dossier resté une énigme depuis la découverte du corps du garçon de quatre ans, pieds et poings liés, dans les eaux de la Vologne le 16 octobre 1984.

Vendredi à Dijon, Marcel et Jacqueline Jacob, 72 ans, ont été mis en examen et écroués. Placée en garde à vue également, la belle-soeur du père de Grégory, Ginette Villemin, 61 ans, avait été remise en liberté jeudi.

Les soupçons se fondent notamment sur des rapprochements graphologiques ou lexicaux – la récurrence de l’expression « le chef » pour désigner Jean-Marie Villemin – dans une affaire qui regorge de lettres anonymes. Les enquêteurs pensent avoir identifié les fameux « corbeaux » et qu’ils ont joué un rôle dans la mort de l’enfant, compte-tenu de leur degré de connaissances des faits et de l’absence d’alibis le jour du drame.

Des écrits de Jacqueline saisis chez les Jacob doivent faire l’objet d’une nouvelle comparaison d’écriture. Mais la défense des deux septuagénaires, jamais inquiétés jusqu’alors même si leurs noms figuraient dans les méandres de la procédure, demande des preuves là où elle ne voit que conjectures.

« C’est le bluff de la dernière chance », lance l’avocat de Marcel Jacob, Me Stéphane Giuranna. « Ils ont secoué une dernière fois le cocotier de la vallée de la Vologne, mais rien n’est tombé. » « Ils recommencent les mêmes erreurs, c’est du grand n’importe quoi », dénonce-t-il, allusion aux nombreux rebondissements qu’a déjà connus le dossier.

« Clan Laroche »

Bernard Laroche, premier suspect de l’affaire, avait été tué en 1985 alors qu’il était inculpé pour le meurtre de Grégory, par le père de l’enfant, son cousin. Le juge Lambert chargé alors de l’instruction venait d’opérer un revirement en reportant ses soupçons vers la mère, Christine Villemin, finalement innocentée en 1993 au terme d’un non-lieu retentissant.

Et depuis mercredi, c’est le « clan Laroche » qui est revenu sur le devant de la scène : Marcel Jacob et Michel Villemin, frère de Jean-Marie et défunt époux de Ginette, étaient en effet très liés à Bernard Laroche, respectivement leur neveu et cousin.

Le procureur général Jean-Jacques Bosc est affirmatif: « à l’évidence, Grégory a été enlevé du domicile de ses parents et retenu un certain temps jusqu’à sa mort » et les personnes qui ont participé à cette séquestration « sont les auteurs du crime ».

Mais il admet que l’enquête n’est pas achevée: « nous ne savons pas en l’état du dossier très précisément de quelle façon est mort Grégory (…) il y a encore des zones d’ombre qu’on pourra peut-être éclaircir ».

Et Me Giuranna de pointer là une « nette reculade ». Rendez-vous est pris mardi matin devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel à Dijon, qui doit se prononcer sur la poursuite de la détention, pour remettre en cause les mises en examen.

Nouvelles auditions à venir

Reste à savoir si l’accusation en a gardé sous le coude.

Le procureur général de Dijon « n’a pas révélé, c’est évident, l’intégralité des éléments du dossier », estime l’avocat des époux Villemin, Thierry Moser, « très confiant » dans la résolution de l’affaire.

« Nous avons des éléments troublants, nombreux, précis, concordants, significatifs, à l’encontre des époux Jacob mais également à l’encontre d’autres membres de la cellule familiale que je ne citerai pas. »

L’utilisation d’un logiciel d’analyse criminelle a permis de repasser au peigne fin les 12.000 pièces du dossier et de pointer des incohérences auxquelles les deux suspects ont été confrontés. Mais ils sont restés muets en niant toute implication.

D’autres peuvent-ils parler, en particulier sur les personnes ayant effectué des repérages avant le crime, un homme à moustache – comme Bernard Laroche – parfois accompagné d’une femme, ainsi que l’a rappelé le procureur général ?

En 1984, Murielle Bolle, la jeune belle-soeur de Bernard Laroche, avait affirmé qu’elle était avec lui le jour du meurtre et avoir assisté à l’enlèvement de Grégory, avant de se rétracter trois jours plus tard.

La suite de l’enquête devrait passer par de nouveaux interrogatoires. Avec les limites de l’exercice, plus de 32 ans après le drame.

Le Quotidien / AFP