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Wang Bing : «Lorsque je me lance dans un projet, je suis porté par le hasard des rencontres»


En plus de «Jeunesse» («Le Printemps»), Wang Bing présentera hors compétition à Cannes un autre documentaire, «Man in Black». (Photo : AFP)

Le maître chinois du documentaire d’observation, Wang Bing, raconte en exclusivité au Quotidien les origines de son nouveau projet, Jeunesse, coproduit au Luxembourg et dont la première partie sera présentée en compétition officielle au 75e Festival de Cannes.

Wang Bing a fait au Luxembourg un passage éclair, mais intense. Documentariste à l’œuvre hors normes et sans égale, le cinéaste chinois s’est enfermé dans une salle de montage du Filmland, à Kehlen, pour finaliser Jeunesse (Le Printemps), premier volet d’un film en trois parties avec lequel il concourra, dans cinq semaines, pour la Palme d’or du Festival de Cannes.

D’une durée de 3 h 30 (le film complet est estimé à neuf heures), Jeunesse (Le Printemps) suit, pendant un an, le quotidien précaire de jeunes travailleurs âgés de 17 à 20 ans à Liming, une gigantesque cité ouvrière à proximité de Shanghai, la ville la plus riche de Chine.

Lorsque est tombée l’annonce de la sélection cannoise, jeudi matin, Wang Bing allait mettre le point final à son film, coproduit au Luxembourg par Les Films Fauves, dans les studios de Kehlen. Le maître documentariste se livre en exclusivité au Quotidien sur cette nouvelle œuvre monumentale et ses méthodes de travail.

Votre nouveau film en compétition au Festival de Cannes, Jeunesse, observe la vie de jeunes ouvriers de la province rurale du Yunnan qui travaillent et vivent dans des conditions précaires près de Shanghai. Ce chemin et cette observation, vous les aviez déjà réalisés dans un précédent film, Argent amer (2016). Pourquoi y être revenu?

Wang Bing : En 2014, j’ai commencé le tournage d’Argent amer, qui a duré deux ans. J’ai l’impression d’avoir passé trop peu de temps sur les lieux que j’ai filmés, sans doute parce que les personnages que j’ai suivis pour ce projet étaient peu nombreux. D’une certaine manière, je crois qu’Argent amer était une base de travail pour Jeunesse, que j’ai tourné sur cinq ans, de 2014 à 2019.

La quantité de travail et de rushes était énorme, car je n’ai pas seulement tourné à Liming, mais tout le long du fleuve Yangtse (NDLR : le troisième plus long du monde, qui court sur près de 6 400 km). Je voulais faire un film qui soit beaucoup plus large, en termes géographiques, mais aussi de narration.

Avec Argent amer, je m’étais tenu à suivre des amis, des personnes que je connaissais déjà, des adultes. Jeunesse m’a donné la possibilité d’élargir mon propos à tout un groupe de jeunes gens.

Comment avez-vous procédé au tournage sur cette période de cinq ans?

De 2014 à 2016, j’étais continuellement sur place, et j’ai filmé en continu, tous les jours, sans m’arrêter. Après cette période, j’y suis retourné de manière ponctuelle, pour tourner de nouvelles images ou faire des reshoots.

Qu’est-ce que vos observations, vos rencontres, vous ont appris tout au long du travail sur Jeunesse?

Avant de commencer ce projet, je n’avais aucune idée de ce que j’allais filmer. Je vais à la rencontre de gens et, simplement, je filme ceux que je trouve intéressants. Je n’ai pas de règles, comme on peut en avoir lorsqu’on fait de la fiction – choisir telle actrice, par exemple. Toutes les personnes que je filme sont des gens ordinaires, et lorsque je me lance dans un projet, je suis porté par le hasard des rencontres.

En revendiquant que vous ne filmez que ce que vous voulez, aspirez-vous à trouver une forme aboutie de liberté artistique?

C’est difficile de dire ça… La plupart du temps, ces choix sont tout à fait subjectifs.

Comment s’est opéré votre rapprochement avec le Luxembourg et Les Films Fauves?

Jeunesse est majoritairement produit par une société française (NDLR : Gladys Glover Films). C’est elle qui est à l’origine du rapprochement avec Les Films Fauves. Puis nous avons eu le soutien du Film Fund Luxembourg. Notre travail au Luxembourg consiste à réaliser l’étalonnage du film, et nous y avons aussi finalisé le sous-titrage.

Vous présenterez un second film à Cannes cette année, en séance spéciale : Man in Black. De quoi s’agit-il?

Man in Black est un film sur le compositeur chinois Wang Xilin, que j’ai filmé durant trois jours au théâtre des Bouffes du Nord, à Paris. On s’intéresse à son histoire personnelle, qui n’est pas seulement racontée, d’ailleurs. Wang Xilin aura 86 ans cette année, c’est une personne assez âgée, mais nous nous fréquentons depuis des années et avons développé au fil du temps une très bonne relation d’amitié.

J’ai conscience que c’est un projet assez inattendu de ma part, mais il est né avant tout d’une envie personnelle, celle de faire un film, pas seulement avec lui, mais pour lui. Et puis, j’aime énormément ses œuvres symphoniques. Bien sûr, on les entend dans le film.

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