Accueil | A la Une | Voyants au rouge pour l’artisanat

Voyants au rouge pour l’artisanat


Le manque de personnel actuel et à venir plombe l’avenir du secteur artisanal. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Les entreprises artisanales souffrent entre inflation, pénurie de matériaux, énergie coûteuse, manque de main-d’œuvre, coûts salariaux. L’inquiétude monte.

La Chambre des métiers a fait un point sur la situation économique de l’artisanat au deuxième trimestre 2022 et a tenté de se projeter jusqu’à la fin de l’année. Encore une fois, le constat est inquiétant car les voyants passent au rouge sur de nombreux domaines. Le deuxième trimestre 2022 a ainsi été marqué par un contexte inflationniste généralisé qui est difficile à gérer pour tous les acteurs économiques, souligne la Chambre des métiers. En particulier, les entreprises artisanales se voient confrontées à une explosion de leurs dépenses sur tous les fronts, selon elle. «Cette situation risque de susciter des problèmes de liquidités et de rentabilité», ajoute la note d’analyse. Les résultats de l’enquête de conjoncture de la Chambre des métiers montrent que l’indicateur de l’activité commence à stagner à un niveau significativement inférieur à celui qu’il avait connu avant la crise sanitaire. De surcroît, les chefs d’entreprise prévoient une baisse de cet indicateur pour le troisième trimestre 2022, traduisant leur inquiétude face à la situation économique actuelle.

À court terme, l’inflation élevée peut engendrer des problèmes de trésorerie, alors que les entreprises doivent préfinancer les surcoûts. Il faut rappeler qu’après deux années de pandémie, les réserves financières de nombreuses entreprises artisanales sont épuisées et ces nouvelles difficultés financières pourraient mettre en péril la survie de certaines entreprises d’ores et déjà fragilisées, poursuit la Chambre des métiers. Par ailleurs, cette situation a pour conséquence de réduire davantage les marges bénéficiaires subissant déjà les effets d’une concurrence (internationale) intense. Ainsi, les entreprises artisanales ne peuvent souvent pas transmettre la totalité de leurs surcoûts aux clients, soit parce que le contrat ne prévoit pas de clause de révision des prix, soit par souci de maintenir des prix compétitifs.

Des entreprises écartelées

Les entreprises artisanales se voient confrontées à une explosion des coûts sur plusieurs fronts, à savoir à travers les hausses des prix de l’énergie et des matériaux, ainsi que les augmentations des dépenses de personnel. La guerre en Ukraine et les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont entraîné une envolée et une volatilité importante des prix des intrants, difficilement gérables, en ce sens que l’établissement d’un devis constitue désormais un exercice périlleux, analyse la Chambre des métiers. La majorité des prix des matériaux et matières premières utilisés par l’artisanat demeure à un niveau très élevé comparé à celui noté avant la crise sanitaire. En guise d’exemple, les chefs d’entreprise doivent débourser en moyenne 93 % de plus pour le bois et 86 % de plus pour le blé de mouture (production de farine) qu’en janvier 2020. Par ailleurs, les prix de l’énergie fossile sont montés en flèche à la suite de l’agression militaire russe en Ukraine, même s’ils ont légèrement diminué lors des mois estivaux. Or, ce conflit a des conséquences imprévisibles pour les pays européens, surtout en ce qui concerne l’approvisionnement en produits énergétiques pour l’hiver prochain.

À la suite des tensions inflationnistes, mais également en raison d’une pénurie structurelle de main-d’œuvre (qualifiée) qui exerce une pression constante sur les salaires, les dépenses de personnel s’accroissent rapidement, continue la Chambre des métiers. L’enquête de conjoncture confirme que le pourcentage d’entreprises déclarant que l’activité est gênée par un manque de personnel, a fortement augmenté. Au deuxième trimestre 2022, ce taux s’élève à 36 % et ce malgré une situation économique très incertaine, les secteurs de l’alimentation et de la construction étant les plus touchés. Il faut aussi noter que lors des 10 prochaines années, entre 22 000 et 25 000 personnes partant à la retraite devront être remplacées. Par conséquent, il est nécessaire que l’artisanat se donne les moyens afin d’attirer et de fidéliser des ressources humaines compétentes tout en veillant à augmenter la productivité.

Après la récente poussée de l’inflation, deux tranches indiciaires ont été déclenchées en l’espace de seulement 7 mois, à savoir en octobre 2021 et en avril 2022. Les mesures décidées et consignées dans le dernier accord tripartite poursuivent, entre autres, l’objectif de maintenir le pouvoir d’achat des ménages tout en prévoyant des mesures soutenant les entreprises en cette situation difficile, avec, en l’occurrence, la modulation de l’index. Il est urgent de trouver des solutions pour freiner une évolution que l’artisanat n’a plus connue «depuis plus de 40 ans», pointe du doigt la Chambre des métiers. Concernant l’indexation, les entreprises se montrent actuellement très inquiètes, sachant que les prévisions relatives à l’inflation au deuxième semestre 2022 et en 2023 ne laissent pas non plus présager une accalmie de la situation. «Dans ce contexte exceptionnel, il faudra trouver des solutions à la hauteur des défis auxquels est confronté l’artisanat, le 1er employeur du pays et acteur incontournable dans la mise en œuvre de la transition énergétique», conclut la Chambre des métiers.