Une famille se déchire pour son autonomie et pour éviter la prison à un père violent. L’audience de jeudi de la 9e chambre correctionnelle était très chargée émotionnellement.
A. est un père et un mari violent. Il comparaissait jeudi à la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour une série de faits de coups et blessures et de menaces au domicile familial de Pétange. Le prévenu ne conteste pas les faits. Il n’aurait pas supporté que ses filles adolescentes et son épouse cherchent à s’émanciper. «Cela créait des tensions. Il fallait appliquer ses règles. Au début de notre mariage, il était déjà comme ça avec moi», raconte N., 47 ans, à la barre. «Je couvrais les filles quand elles sortaient. Avoir un petit ami, discuter avec un garçon, il n’en était pas question.» «Votre mari est un tyran, avance la présidente de la chambre correctionnelle pour tenter de lui faire prendre conscience de la situation vécue, tant que vous ne direz pas non, il continuera.»
Les premiers faits remontent à mars 2017. Les derniers à décembre 2021. Entre ces faits, A. a été expulsé du domicile familial à quatre reprises. En guise de preuves d’amour, l’homme de 56 ans traite son épouse de «pourriture», la menace de mort, la frappe et lui crache au visage. Ses filles C. et S. ont droit au même régime de violence physique et verbale. Le père de famille sème régulièrement la terreur à son domicile, selon les rapports d’enquête. «J’aimerais qu’il laisse mes filles vivre leur vie et qu’elles soient indépendantes», espère N. avant de fondre en larmes. Elle décrit une vie étouffée, sous emprise à espérer qu’A. change. «Il ne changera pas, la prévient la présidente. En exerçant cette peur sur vous, il vous fait taire.»
Assis sur le banc des prévenus, A. regarde ses pieds. Le moteur de N. sont ses cinq enfants. Ils l’aident à supporter la violence, l’adultère, l’enfermement. C., 22 ans, ne trouve pas «normale» la manière de fonctionner de son père, mais lui trouve des excuses. «Il a des moments de colère parce qu’il s’inquiète pour nous. Il a toujours été là pour nous», témoigne la jeune femme. Et d’insister : «On ne vit pas dans la peur.» «Il vous tire par les cheveux, vous plaque à terre et vous donne des coups de pied dans le thorax. Un autre jour, il vous attrape par le cou et frappe votre tête contre le mur», lui rappelle la présidente en relisant ses déclarations à la police. «Ce n’est pas vrai. Il ne l’a pas fait», dit-elle pour tenter de protéger son père et lui éviter une peine de prison ferme. Elle différencie les problèmes de couple de ses parents de sa relation avec son père.
«J’ai peur pour mes enfants»
Sa jeune sœur, S., entendue ensuite, a confirmé timidement les agissements de son père. Elle affirme que c’est C. qui a prévenu la police après que leur père les a agressées parce qu’elles étaient sorties. Une tension est palpable dans la salle d’audience. «L’ambiance est invivable à la maison. Les disputes sont quotidiennes. Cela a joué sur nos études», témoigne la jeune femme de 21 ans qui annonce que sa maman a demandé le divorce. «C’est une très bonne chose.» Les enfants seraient au sein d’un «conflit de loyauté», selon l’avocat de la partie civile, Me Noël, qui demande 5 000 euros de dommages et intérêts.
A. indique ne pas avoir voulu «détruire sa famille». «J’ai peur pour mes enfants, pour leur sécurité», tente-t-il de se justifier. «Tout ce qui s’est passé, c’est pour leur bien.» L’homme dit avoir bien pris soin de son ménage. «Je prenais tout sur mon dos. C’était devenu trop.» Le prévenu s’excuse et dit regretter les faits. Il aurait voulu protéger ses enfants des dangers du monde extérieur et a tout fait pour qu’ils ne manquent de rien. «Pourquoi donner une carte de crédit à ma femme alors qu’il n’y a pas d’argent sur le compte en banque ?», tente-t-il pour se défendre.
Le représentant du ministère public estime que le prévenu ne changera pas d’attitude seul. Les infractions qui lui sont reprochées doivent être retenues à sa charge. Il a requis une peine de 14 mois de prison et une amende appropriée à son encontre. Il ne s’est pas opposé à un sursis probatoire total, à condition qu’il règle ses problèmes d’agressivité. C., sous le choc, pleure. La présidente tente de l’apaiser en lui expliquant ce qu’est un sursis probatoire.
L’avocat du prévenu demande au tribunal de ne prononcer qu’une amende à son encontre. «Le tribunal veut empêcher que les faits ne se reproduisent», l’interrompt la présidente. «Ce n’est pas un tyran, c’est un homme qui a fait des erreurs», temporise l’avocat qui ne s’oppose pas à un sursis probatoire, mais se demande «s’il sera encore nécessaire une fois que les parties auront divorcé». Un divorce qui, selon lui, arrive trop tard. L’avocat décrit un homme simple qui ne fait que travailler et a une vision simple de la famille où le père se charge de tout.
La famille d’A. sera fixée sur le sort de son patriarche le 25 mai prochain.