Pour avoir retiré plus de 33 000 euros avec des cartes bancaires volées dans des lieux festifs de la capitale, quatre hommes ont comparu cette semaine devant le tribunal correctionnel. L’addition les attend : le parquet a requis jusqu’à six ans ferme et des amendes conséquentes à leur encontre.
« Franchement, on n’a rien gagné, Madame. C’était pour le loyer, le manger, les vêtements…» À quelques exceptions près, la litanie des quatre prévenus entendus jeudi après-midi ne changeait guère. Les retraits qu’ils ont effectués en 2016 et 2017 à l’aide de cartes bancaires volées dans les lieux festifs de la capitale, c’était pour pallier leurs difficultés financières. Car sans papiers et sans travail, difficile de vivre.
«Si on passe son temps à chercher des gens à voler, il est clair qu’on n’a pas le temps de travailler. Surtout si on sort jusqu’à 4 h, c’est difficile de se lever le matin…», leur a objecté la présidente. L’affaire sur laquelle se penchait la 13e chambre correctionnelle depuis mercredi est volumineuse. Il est question de 25 victimes. Toutes auraient été victimes du fameux phénomène dit du «shoulder surfing» : dans des bars bien fréquentés de la Ville-Haute (notamment rue de la Loge), les auteurs repèrent le code secret par-dessus l’épaule des clients, sous l’effet de l’alcool ou de la fête, qui règlent leur addition au comptoir. Après avoir dérobé leur carte dans un moment d’inattention, ils courent aux distributeurs de billets et retirent le plus d’argent possible. D’abord, de grands montants y passent, puis de plus petits. Jusqu’à ce que la carte bloque.
Identifiés grâce aux images aux distributeurs de billets
Entre 490 et 3 850 euros ont à chaque fois été subtilisés. L’enquêteur a chiffré le dommage à 33 627 euros au total, en précisant toutefois que le tribunal est uniquement saisi des faits où il y a des photos des caméras de vidéosurveillance des distributeurs de billets à l’appui. Des fois, les caméras n’ont pas fonctionné ou les images de mauvaise qualité n’ont pas permis d’identifier les auteurs des retraits frauduleux… Avec certains accessoires – des lunettes noires Dolce & Gabbana, un béret et une veste en cuir – ils pensaient rendre leur identification plus difficile… Sans succès. À l’aide d’enquêteurs belges d’Arlon et d’un appel à témoins de la police sur Facebook, les prévenus Mohamed M. (41 ans), Mehdi M. (34 ans), Mohammed O. (35 ans) et Billel K. (26 ans) ont finalement été arrêtés. À part le dernier cité, tous se trouvent encore en détention préventive à Schrassig.
Si, à la barre, ils n’ont pas contesté avoir effectué certains retraits, à la question de savoir comment ils procédaient, ils sont restés très évasifs. Ils n’auraient pas volé eux-mêmes les cartes, mais c’est notamment un dénommé «Kader» de Nancy qui les leur aurait filées. Leur refrain : «Je n’ai rien gagné.» La présidente n’a pas manqué de les mettre en garde : «Mais ici vous allez gagner quelque chose.»
« Tout pour la frime, peu importe les victimes »
Vendredi matin le parquet a requis entre 18 mois et 6 ans de prison ferme ainsi qu’une amende conséquente contre les quatre prévenus. Il demande au tribunal de retenir la circonstance aggravante de l’association de malfaiteurs. Même si les hommes avaient régulièrement changé leurs rôles respectifs, il y en aurait toujours eu un qui repérait le code secret de la victime dans le bar, un qui volait la carte bancaire et un autre qui se chargeait de courir au distributeur pour retirer l’argent. Bref, ils auraient bien agi en bande organisée.
« Tout pour la frime peu importe les victimes », a encore qualifié la représentante du parquet le comportement de Mohamed M. poursuivi pour douze faits au total. Le profil Facebook et un certain nombre de selfies de ce dernier avaient attiré l’attention des enquêteurs. Le quadragénaire s’y présentait, par ailleurs, comme le PDG d’une importante société de transports…
Prononcé le 27 février.
Fabienne Armborst