Ils donnaient rendez-vous à des vendeurs contactés sur Marketplace et s’enfuyaient avec leurs smartphones. Alpha et Mario sont accusés de vols avec violence et sous la menace d’une arme.
Alpha se cache derrière ses dreadlocks. Il passe sa main à travers pour les lisser devant son visage. La présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lui avait pourtant demandé quelques minutes plus tôt de le dégager quand il s’adressait à elle. Sur les réseaux sociaux, ce joueur de football semi-professionnel se fait appeler James Remington. Quand il s’est fait arrêter en flagrant délit par la police le 28 octobre 2022, il a prétendu s’appeler Paolo Mendes. Avec Mario, son complice présumé, il est entre autres accusé de vols à l’aide de violence et de menaces.
La nuit du 14 octobre 2022, cinq individus attaquaient trois jeunes sur une aire de pique-nique à Niederkorn pour leur voler leurs smartphones. Le 27 octobre 2022, Alpha et Mario auraient volé les smartphones de deux personnes à Bascharage et à Hesperange et tenté d’en voler un troisième à Bascharage. «James Remington répondait à des annonces sur la Marketplace de Facebook et fixait des rendez-vous aux vendeurs», explique un enquêteur de la police de Differdange. «Ils leurs volaient leurs smartphones sous la menace d’une arme à feu.»
L’ami d’une des victimes a tendu un piège à James Remington et a prévenu la police, qui s’est déployée autour du lieu de transaction à Bascharage. «J’ai quadrillé la zone à pied en civil. Deux individus m’ont abordé pour me demander s’ils avaient rendez-vous avec moi. J’ai répondu qu’ils avaient rendez-vous avec eux en montrant mes collègues qui arrivaient de partout», poursuit le policier. «Ils ont pris leurs jambes à leur cou.»
Alpha est arrêté. Mario a couru pendant deux mois avant d’être retrouvé à Aubange en Belgique. À son domicile, les policiers belges ont saisi «des quantités énormes, qu’on saisit rarement», de stupéfiants, selon la présidente. Quatre kilogrammes de cannabis, 600 grammes de cocaïne, 30 000 euros et des munitions. «Ils menaient un commerce florissant d’après les photographies trouvées sur leurs téléphones. Il est étonnant qu’ils doivent commettre ces types de vols», a constaté la juge. On les voit poser avec des liasses de billets et des paquets de stupéfiants. Les enquêteurs ont trouvé de nombreux liens qui les unissent.
«J’ai vu une arme»
«J’ai reçu un coup à l’arrière de la tête et les deux jeunes hommes ont pris la fuite avec mon smartphone, s’est souvenu une des victimes présumées du duo. Cela s’est passé très vite.» Sur le banc des prévenus, Alpha tripote toujours ses tresses avec méticulosité tandis que les témoins se succèdent à la barre. Une deuxième victime présumée rapporte avoir également été contactée par un certain James Remington, qui voulait acheter son iPhone pour 1 750 euros. «Un des deux hommes me l’a arraché des mains et ils ont pris la fuite. Mon fils et moi avons essayé de les rattraper. Un des deux a sorti une arme à feu», a rapporté la victime présumée, qui a reconnu Alpha derrière son rideau de dreadlocks. «C’est lui qui a pris le téléphone. L’autre avait l’arme.»
En panique, le témoin a eu peur pour sa vie et pour celle de son fils. «Je ne savais pas si le pistolet était vrai ou factice. Ils auraient pu nous tuer. Ils ont chargé l’arme.» Il les a vus monter à bord d’une voiture noire qui les attendait au pied du château de Hesperange et partir sur les chapeaux de roues.
Le soir du 14 octobre 2022, cinq auteurs présumés, auxquels Alpha prétend ne pas appartenir, sont arrivés en Renault Clio blanche sur une aire de jeux entre Differdange et Lasauvage où Alex, son amie et la sœur de celle-ci étaient réunis pour un barbecue. «Ils me paraissaient louches, alors j’ai vite caché mon smartphone sous mes pieds. Ils n’ont pas insisté quand je leur ai dit que je n’en avais pas», raconte la sœur. C’est avec ce téléphone que les trois jeunes ont prévenu la police une fois leurs assaillants partis avec deux smartphones et 350 euros.
«J’ai vu une arme», note une des jeunes femmes. «Ils nous ont séparés. L’un d’eux faisait le guet le long de la route et un autre a fouillé dans mon sac.» Un troisième a pointé une arme sur le front d’Alex pour lui extorquer son smartphone avant qu’il ne reçoive des coups de matraque dans le dos. Les jeunes n’ont pas osé opposer de résistance à la bande d’assaillants vêtus de noir et cachés par leurs capuches.
L’affaire se poursuit demain après-midi. Le prononcé est fixé au 13 juin.