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Violences fondées sur le genre : un plan national enfin sur les rails


Le Comité de coopération contre la violence va devoir adapter ses méthodes pour être plus efficace.

Les lignes semblent enfin bouger sur le front de la lutte contre les violences faites aux femmes. La ministre Yuriko Backes affiche sa détermination : elle a annoncé hier une stratégie globale inédite.

Présenté mardi matin aux députés, puis à la presse, le rapport annuel du Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence n’a, une nouvelle fois, pas permis de prendre réellement la mesure du phénomène au Luxembourg.

Après avoir décortiqué ses 42 pages, impossible de dire combien de femmes sont victimes de violence sur le territoire, ni même de quelle forme de violence – psychologique, sexuelle, économique, harcèlement, etc.

Une critique formulée par les parlementaires mardi, qui ont réclamé davantage de clarté, mais aussi par le Grevio, groupe d’experts européen chargé d’évaluer les mesures dans chaque État membre pour lutter contre la violence à l’égard des femmes.

En juillet 2023, il pointait déjà du doigt «la collecte de données administratives au Luxembourg qui ne satisfait pas la convention d’Istanbul», pourtant ratifiée depuis six ans.

Il y a des choses qu’on va faire différemment à partir de maintenant

Ces failles, la nouvelle ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité, Yuriko Backes (DP), compte bien les combler. Notamment à travers le déploiement d’un grand plan d’action national.

«Il y a des choses qu’on va faire différemment à partir de maintenant, la collecte de chiffres en fait partie. Notre stratégie globale contre la violence fondée sur le genre offrira aussi un cadre pour disposer de nouvelles statistiques», a-t-elle fait valoir.

Le chiffre : 88

C’est le nombre d’interventions pour violences domestiques qu’a effectué la police chaque mois en 2023. Soit 1 057 au total sur l’année, en augmentation de 7,5 % par rapport à 2022. Cela a donné lieu à 246 expulsions, comme en 2022, soit une vingtaine par mois. Globalement, le parquet indique avoir été saisi de 1 592 dossiers où apparaissait de la violence domestique l’an dernier. Le rapport complet sera bientôt disponible en ligne.

violence.lu

Le prisme du genre permettra d’obtenir enfin une vision plus nette et d’en finir avec certaines données qui questionnent. À commencer par ces 33 % de femmes auteures de violences présumées en 2023 (contre 31 % en 2022), un taux – unique au monde! – largement décrié par les associations, qui l’estiment biaisé.

Le gouvernement lui-même reconnaissant auprès du Grevio que «parmi les auteures de sexe féminin», il n’est «pas exclu que certaines soient également victimes».

Les victimes sont bien majoritairement des femmes

«33 % de femmes auteures, c’est un chiffre brut issu des interventions de la police», a nuancé mardi Laurent Seck, substitut principal au parquet de Luxembourg.

«Les agents constatent que l’homme et la femme ont tous deux reçu des coups ou blessures : au parquet d’établir qui a agressé, et qui s’est défendu. Si on regarde les condamnations, on voit bien que les auteurs de violences sont des hommes pour la plupart.»

Isabelle Schroeder, la présidente du comité, a insisté quant à elle sur le fait que ce rapport ne permet pas, à lui seul, de se faire une image fidèle de la situation.

«Les études du Statec montrent que les victimes de violences domestiques restent majoritairement des femmes. Et qu’une sur cinq a été victime avant l’âge de 15 ans, notamment de violences sexuelles. Ici, on parle uniquement des statistiques recueillies lors d’interventions et d’expulsions. Tout ce qui se passe en dehors n’apparaît pas.»

Les recommandations ont été prises en compte

Elle assure que les recommandations formulées par le Grevio sont maintenant prises en compte et figurent dans l’accord de coalition. Cette nouvelle stratégie nationale à construire ces prochains mois en collaboration avec les acteurs du terrain en est l’illustration .

«L’objectif est de couvrir les violences fondées sur le genre qui, effectivement, ne sont pas couvertes actuellement.»

Trois mesures concrètes à venir

– Le renforcement du cadre légal concernant la récidive

Pour la ministre, le seul recours au service Riicht Eraus de la Croix-Rouge, qui propose un suivi aux auteurs de violences, ne suffit pas. D’autant que 52 % des récidivistes ne se présentent pas aux rendez-vous.

«On est en train d’analyser ce qu’on peut faire aux niveaux juridique et législatif pour durcir les sanctions, car on voit bien qu’il y a un problème», précise-t-elle.

– Élaborer un plan d’action national «Violences fondées sur le genre»

Une vaste consultation auprès de 120 acteurs de terrain – administrations, communes, associations, syndicats, société civile – sera lancée cet été. «Il s’agit de recueillir le feedback de tous les acteurs impliqués et d’évaluer de manière approfondie où se trouvent les défis, les contraintes, pour proposer pour la première fois un plan d’action qui manque au Luxembourg.»

«Il est grand temps qu’on puisse le mettre sur pied», souligne Yuriko Backes, qui annonce des assises au mois de décembre sur le sujet. Les réponses aideront à fixer les priorités.

– Ouvrir un centre national pour les victimes de violences

Accessible 24 h/24 et 7 j/7, cette nouvelle structure unique, doublée d’un centre d’appel, assurera la prise en charge globale et l’accompagnement des victimes, ainsi que l’orientation vers les différents services existants. Réclamée de longue date par les associations, elle était aussi l’une des promesses phares du CSV lors de la campagne électorale de 2023.

Un groupe de travail interministériel, dirigé par le ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité, est chargé de construire un concept solide. «Là aussi, j’aimerais avancer vite, c’est important», insiste la ministre.

La ministre l’a dit et répété : elle veut «avancer vite». Des assises sont programmées en décembre.

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