Virginie «arrondit les angles». Pedro est quelqu’un de bien quand il ne consomme pas de drogues, affirme-t-elle, mettant entre parenthèses les plaintes et les violences subies.
Le 7 décembre 2012, Virginie venait d’apprendre sa grossesse. Ce jour-là, une dispute a éclaté entre elle et son compagnon sous l’emprise de stupéfiants. Il a voulu me calmer et m’a plaquée sur le canapé en mettant son genou sur mon ventre», raconte la quadragénaire qui a perdu l’enfant. Pedro est accusé d’avoir provoqué une fausse couche, mais la jeune femme avance avoir déjà perdu l’enfant avant. «La grossesse était extra-utérine.»
Pedro, 30 ans, est accusé de coups et blessures, de menaces de mort ainsi que de séquestration. La jeune femme a multiplié les plaintes à son encontre, mais à la barre mercredi, elle «arrondit les angles».«Je ne sortais pas de mon propre chef parce que j’avais peur des conséquences quand il avait consommé de la drogue», dit-elle. La présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg n’est pas dupe. «Cela sert à quoi d’aller déposer plainte à la police, si vous refusez l’aide que les autorités vous apportent en retirant vos plaintes, ou en le reprenant à chaque fois ? Qu’on vous retrouve sur une table d’autopsie ?», lui explique la juge. Elle reproche à Virginie de chercher à minimiser les infractions «pour lesquelles il risque les plus grosses peines».
Virginie affirme croire en son compagnon. «Il va changer», elle en est persuadée. «Il ne va pas recommencer. Il va aller suivre une thérapie. Et s’il continue, alors chacun sa route.» La présidente l’a confrontée à ses dépositions à la police, pourtant elle continue de protéger son compagnon au prix d’incohérences et de contradictions flagrantes. La police a mal compris, elle n’a rien vu, s’est trompée… «Arrêtez de le regarder pour savoir si vous pouvez répondre à nos questions», la tance la présidente qui ne sait plus comment lui faire comprendre qu’elle doit se libérer de l’emprise de Pedro.
La réaction de Virginie serait typique des victimes de violences domestiques et de personnes sous emprise, confirme une employée d’abrigado où le prévenu allait consommer des stupéfiants. Elle a proposé son aide à Virginie à la suite d’une violente dispute avec son compagnon. «Elle n’est jamais revenue», note la jeune femme.
«Certainement pas un ange»
Pedro explique ne pas avoir suffisamment été aidé dans ses démarches pour retomber sur ses pieds et prendre en main son addiction. «J’attends d’être condamné pour pouvoir entamer des démarches. Pour le moment, en détention préventive, je ne peux pas», indique le jeune homme qui accuse son environnement de ne pas lui être suffisamment favorable.
Pressé de questions par le procureur, il a réponse à tout. Il ne vend pas de drogue, il l’échange contre des vélos et des trottinettes à des toxicomanes. Les 28 grammes d’héroïne trouvés sur lui ? Un Nigérian les lui avait donnés en garde. «C’est une pratique courante dans le quartier de la gare», assure-t-il. Quant aux menaces, aux accusations de séquestration et à certaines violences, il les rejette.
Le procureur a requis une peine de prison de 36 mois à l’encontre du prévenu. Il a retenu toutes ces infractions à sa charge, avec la circonstance aggravante qu’ils vivaient ensemble, à l’exception de l’avortement. Ne pouvant démontrer avec certitude que Virginie a perdu l’enfant qu’elle attendait en raison des violences subies, il a demandé au tribunal d’acquitter le prévenu sur ce point.
«Nous sommes en présence d’un cas classique de femme qui subit des violences domestiques, même si elle ne veut pas le reconnaître», note le magistrat. «Elle est prête à tout accepter et culpabilise qu’il soit en détention préventive. La seule solution pour toiser cette affaire est de se baser sur les dépositions de la victime présumée à la police immédiatement après les faits, qui sont corroborés par des éléments extérieurs.» Comme, entre autres, les constatations des agents de police qui décrivent des blessures et une femme en grande détresse, ou le passé judiciaire pour violences du prévenu.
«Il n’est certainement pas un ange», reconnaît l’avocat du prévenu. «Mais il n’a pas expressément ciblé le ventre de sa compagne. Je vous prie de l’acquitter de ce fait.» Ainsi que des faits de séquestration et de menaces. «La peur de la réaction de mon client n’est pas synonyme de séquestration ou de détention arbitraire», avance-t-il. Il n’y aurait pas non plus de preuves appuyant la vente de stupéfiants, même s’il a déjà été condamné par le passé pour ce type de faits, selon l’avocat. Il plaide la clémence et espère que le tribunal croira en Pedro comme Virginie croit en son intention de s’améliorer et de sortir de la spirale dans laquelle il est tombé.
Le prononcé est fixé au 27 avril prochain.