Pour la première fois depuis 2017, le nombre d’interventions de la police et d’expulsions en lien avec des violences domestiques est en baisse. Le bilan est un peu terni par le nombre de récidivistes.
Au jour le jour, des drames se jouent derrière les murs des maisons et appartements du pays. Lors des 917 interventions enregistrées en 2021 pour cause de violence domestique, la police a identifié 1 712 victimes, dont 1 039 femmes et 389 mineurs d’âge. Les actes de violence ont été perpétrés par 1 365 auteurs, dont 924 hommes. À 249 reprises, une expulsion a été ordonnée par le parquet. En moyenne, ce sont donc deux à trois cas de violence domestique qui se produisent tous les jours. Chaque mois, 20 auteurs doivent temporairement quitter leur domicile.
Le bilan annuel dressé par le Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence indique une baisse des chiffres clés. «Les données brutes font état d’un recul, mais il est encore trop tôt pour parler d’une véritable tendance à la baisse. On constate toutefois que le dispositif mis en place fonctionne. La vigilance doit rester de mise», a résumé Taina Bofferding, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, au moment de présenter, hier, les statistiques sur la violence domestique.
• En 2021, la police a identifié 1 365 auteurs de violences domestiques (+0,65 % par rapport à 2020).
• Près de 70 % des auteurs étaient de sexe masculin et 32,31 % de sexe féminin.
• La catégorie d’âge la plus représentée parmi les auteurs est celle des 30-45 ans qui représentent un total de 43,96 %. Quelque 19 % des auteurs avaient plus de 50 ans. Il est à noter que 3,81 % étaient mineurs lors des faits.
• Le service s’occupant des auteurs a comptabilisé 49 nationalités différentes. Les Luxembourgeois sont suivis des Portugais et des Italiens.
Près de 50 % frappent à nouveau
Parmi les six priorités identifiées pour renforcer encore la lutte contre «un phénomène sociétal qui touche toutes les tranches d’âge et couches sociales» figure un renforcement de la prise en charge des auteurs. Le modèle luxembourgeois impliquant ministère, justice et acteurs sociaux se caractérise par son approche multidimensionnelle et complémentaire et se concentre sur l’encadrement à la fois des victimes et des auteurs. Taina Bofferding évoque même un «important travail de pionnier, qui intéresse fortement à l’étranger».
Pour l’instant, le suivi psychologique des auteurs expulsés n’est pas encore obligatoire. «Pour beaucoup, l’expulsion de leur domicile les secoue. Ils se décident à nous consulter et sont alors prêts à entamer un autre chemin. Mais pour d’autres, ce dispositif n’est pas suffisant», avance Laurence Bouquet, du Service de consultation et d’aide pour auteurs de violence, baptisé «Riicht eraus». Le bilan de 2021 renseigne quelque 20,5 % de récidivistes. Sont pris en compte les auteurs qui ont été expulsés au moins deux fois entre septembre 2013 et septembre 2021.
Laurence Bouquet complète le tableau : «Les récidives représentent 20,5 % des expulsions de 2021. Dans 25 % des premières expulsions, au moins une intervention policière pour violence domestique avait déjà eu lieu sans avoir mené à une expulsion. Ceci signifie que dans 45,5 % des expulsions, soit près de la moitié, l’auteur présumé était déjà connu pour des faits de violence domestique antérieurs.»
• En 2021, le nombre de victimes a légèrement augmenté à 1 712 personnes, dont 389 mineurs (22,72 %). Parmi les victimes, 60,69 % sont de sexe féminin et 39,31 % de sexe masculin.
• Les 35-45 ans et les plus de 50 ans sont les plus concernés (39,72 % de toutes les victimes).
• Le service des victimes a, lors de ses consultations, eu affaire à 44 nationalités. Les Luxembourgeois arrivent en tête, suivis des Portugais et des Cap-Verdiens.
• Les violences physiques avec blessures ont été recensées dans 91 % des cas traités par le service.
«Souvent, une séparation n’est pas possible»
Le parquet peut dresser un avertissement écrit aux auteurs tout en laissant l’affaire en suspens. Une vingtaine d’instructions judiciaires sont ouvertes, avec à la clé une arrestation, la présentation de l’auteur devant un juge d’instruction, l’obligation de porter un bracelet électronique, voire le placement en détention provisoire. Le fait qu’il existe des limites matérielles ne facilite pas le travail des acteurs sur le terrain. «Souvent, une séparation n’est pas possible pour des raisons sentimentales, mais surtout pour des raisons financières ou à cause d’un problème de logement», relate Laurent Seck, représentant du parquet de Luxembourg.
Selon le Service d’assistance aux victimes, l’inflation galopante risque encore d’accentuer la situation. «La hausse des prix pour l’énergie et les vivres va probablement créer des difficultés supplémentaires», évoque Olga Strasser. Un prochain défi majeur, après deux années de pandémie, attend donc les acteurs luttant contre la violence domestique.
Coups, menaces, armes blanches, viols…
Une expulsion temporaire du domicile est ordonnée si l’intégrité physique des victimes est mise en danger. La police rapporte, pour 2021, 465 délits en relation avec la violence domestique.
Ce sont majoritairement des coups et blessures entraînant ou non une incapacité de travail qui sont à déplorer (229 cas, 49,25 %). Les menaces écrites ou verbales sont en baisse pour se chiffrer à 56 cas en 2021 (12,04 %). S’y ajoutent 53 cas d’injures (11,4 %). Les actes de violence légers représentent 30 % des délits (30 cas).
Plus inquiétants encore sont les 48 cas où des menaces de mort ont été proférées (10,32 %). À 11 reprises, des menaces avec une arme blanche ont été constatées (2,37 %). Dans 6 cas, la police a dû constater une tentative d’homicide (1,29 %).
Outre les infractions citées ci-dessus, il est à noter que différents cas de violences sexuelles ont été recensés en 2021 dans la cadre de la violence domestique : 4 attentats à la pudeur, 8 viols et un viol sur mineur.