Virginia a accusé son époux de viol un jour après qu’il l’eut frappée. Aujourd’hui, elle lui a pardonné et regrette. Lui aussi. Il ne s’explique pas son geste et ne le conteste pas.
Manuel et Virginia, la cinquantaine tous les deux, se tiennent par la main et sont collés l’un à l’autre. Au fond de la salle d’audience, ils ont l’air de deux tourtereaux, fraîchement tombés amoureux. Pourtant, en 35 ans de mariage, le couple a connu des hauts et quelques bas. Deux bas en particulier les amènent face aux juges.
«Mon mari voulait avoir une relation sexuelle avec moi, mais je n’en avais pas envie. C’était en 2014 ou en 2015. Je ne m’en souviens plus très bien», a résumé Virginia à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg hier après-midi. La quinquagénaire est mal à l’aise. Des années après les faits, le couple s’est rabiboché et elle n’ose à présent plus incriminer son mari. Pourtant, le 27 août 2020, elle n’avait pas hésité.
Ce jour-là, Manuel lui aurait asséné un coup violent à l’épaule droite et aurait menacé «de l’éventrer» si elle prévenait la police. Aux agents venus la secourir, elle a accusé son époux de l’avoir violée des années auparavant. Elle ne se souvient plus de la date exacte, mais elle n’a pas oublié, même si elle a pardonné. «Il m’a menacée avec un couteau et m’a déshabillée», ajoute-t-elle. «Et vous vous êtes pliée au désir de votre mari», conclut le président de la chambre correctionnelle. «C’est mon mari», répond-elle. «Avec quelqu’un d’autre, j’aurais résisté.» Virginia a été victime de ce qu’on nomme un viol conjugal qui a été décriminalisé.
Sur le banc des prévenus, Manuel sort un mouchoir en papier de la poche de son pantalon pour essuyer ses larmes. «C’est un jaloux excessif. Avoir des relations sexuelles avec son épouse le rassure», conclut un expert neuropsychiatre. «Et ce, même s’il sait qu’il n’a aucune raison d’avoir peur qu’elle le trompe.» L’homme de 56 ans ne s’explique pas son geste. Il dit avoir laissé tomber le couteau au sol pour avoir les mains libres afin de déshabiller son épouse, «parce qu’elle ne voulait pas le faire elle-même». Il reconnaît l’avoir ensuite plaquée au sol, «parce qu’elle refusait d’aller jusqu’au lit».
«Aujourd’hui, tout va bien»
Interrogé sur les faits du mois d’août 2020, Manuel dit avoir seulement «mis la main sur l’épaule de (sa) femme pour qu’elle parle plus bas» alors que le ton était monté entre eux. Après ce geste, il se serait saisi d’un couteau «pour se trancher la gorge», parce qu’il avait déjà fait une erreur par le passé – le viol – et voulait «que cela cesse». «Aujourd’hui, tout va bien», assure-t-il en s’essuyant les yeux du revers de la main.
«Le prévenu voulait avoir la confirmation qu’il était le seul et unique homme de la vie de son épouse», avance le procureur, pour qui le mobile de Manuel n’était pas sexuel. Il retient le viol, les coups et blessures ainsi que les menaces et requiert une peine de 42 mois de prison contre le père de famille. Il ne s’est pas opposé à un sursis intégral étant donné son absence d’antécédents judiciaires.
«Il a demandé pardon à son épouse à de nombreuses reprises et elle lui a pardonné. Même si un tel geste ne peut être banalisé», note Me Scherrer, l’avocat de Manuel, qui plaide la clémence du tribunal. Il demande aux juges de ne pas le condamner à une peine qui mettrait en péril leur mariage. «Manuel ne conteste pas le viol et les coups et blessures volontaires, rappelle l’avocat. Mais il s’agit de faits uniques qui ne se sont pas reproduits.» La vie de couple serait à nouveau au beau fixe depuis les faits du 27 août 2020.
L’avocat conteste uniquement les menaces. Il argumente que Virginia connaissait suffisamment bien Manuel pour «savoir que son époux ne les mettrait pas à exécution».
Le prononcé est fixé au 4 mai.