Élégants, fantastiques ou réalisés avec les moyens du bord, les cerfs-volants surprennent. On ne s’attend pas à trouver d’aussi beaux objets dans une galerie marchande.
Les cerfs-volants, objets poétiques ou chefs-d’œuvre d’artisanat, sont au cœur de l’exposition «Un ciel, un monde» dans la galerie marchande de la Belle Étoile du 18 juillet au 13 août. Le cerf-voliste français Gérard Clément a mis en scène 300 pièces de sa collection. Porteurs d’histoires, ils sont de fragiles témoignages qui ont traversé les époques et le temps, de la vie dans leurs contrées d’origine. Ils nous ont porté sur leurs ailes à la rencontre de leur collectionneur.
Comment devient-on collectionneur de cerfs-volants?
Gérard Clément : Mon aventure remonte à plus de 30 ans. J’ai eu un bébé. Je me suis dit qu’un cerf-volant pouvait l’amuser. Cela l’a laissé totalement indifférent. Pas moi. J’en ai construit un, puis un autre et encore un autre… Je suis rentré dans une association jusqu’à la mode du cerf-volant de sport à deux lignes. J’ai créé la première association de cerf-volant de sport, puis j’en ai présidé la fédération française.
Cela m’a amené à voyager et à rencontrer des gens. J’ai visité tous les pays où on fait du cerf-volant et j’ai constitué ma collection. J’en ai beaucoup, dont des modèles exceptionnels. La préservation m’importe. C’est un artisanat, pas uniquement un loisir. Il est représentatif de la société dans laquelle il évolue. On ne fait pas du cerf-volant en Europe comme on en fait en Asie. Et ils sont différents au Japon, en Indonésie ou en Corée. Chacun y met une dose de culture et d’histoire de son propre pays.
Les cerfs-volants évoquent les bords de plage ou la Chine. Mais ce ne sont pas les mêmes cerfs-volants. Quelles différences existe-t-il?
On les retrouve dans l’exposition. Sa présentation est basée sur des anecdotes comme Benjamin Franklin qui a inventé le paratonnerre grâce à un cerf-volant ou les expériences militaires d’ascensions humaines. Un cerf-volant chinois est une œuvre d’art, mais il faut aller au-delà de la beauté de l’objet. Je suis là pour donner des codes. Dans les décorations, dans les formes, il y a une histoire, des légendes, une symbolique. En Thaïlande, les cerfs-volants sont sexués, par exemple.
Trois cents cerfs-volants sont exposés. Est-ce l’entièreté de votre collection? Cela ne doit pas être facile à transporter…
Non, j’ai fait une sélection pour des raisons d’emplacement et d’agencement. Dans le grand hall, j’ai accroché des éléments de grande taille. La partie chinoise se trouve sur des panneaux et permet une lecture plus fine avec des explications. J’ai créé une mise en scène. Et puis, il y a le transport! Heureusement, tout se plie donc, en arrivant, normalement, tout se déplie.
Il y a des pièces de grande valeur à portée du public. Comme les cerfs-volants feuilles qui viennent des îles Célèbes en Indonésie. C’est comme une feuille morte. Vous la touchez, elle tombe en poussière…
Quelle est la pièce dont vous êtes le plus fier?
Beaucoup de pièces ont une histoire comme la manière dont je les ai obtenues. Je ne peux pas choisir. Il y a des aventures extraordinaires derrière chacune. Je suis allé chercher les cerfs-volants feuilles en Indonésie et j’ai pratiqué la pêche au cerf-volant avec les habitants des cités lacustres dans une pirogue. C’est inimaginable! Ils sont extrêmement éphémères et fragiles.
Les visiteurs découvriront un grand Edo japonais représentant un dragon que j’ai obtenu lors d’une vente aux enchères à un festival de cerf-volant au Japon pour un prix relativement conséquent. Ce cerf-volant est considéré comme une œuvre d’art. Au Japon, les créateurs de cerfs-volants sont considérés comme des artistes.
Il s’agit d’une pièce relativement ancienne. Le temps n’est-il pas l’ennemi du cerf-volant?
Ils souffrent avec le temps, l’humidité, la lumière, les insectes… Il est très difficile de les maintenir. Un des cerfs-volants feuilles – un modèle mythique, car il a les formes primaires des cerfs-volants – est fait en tronc de bananier que l’on a déroulé en bandes. Elles ont séché et se sont déchirées. Ce n’est malheureusement pas réparable.
La pratique du cerf-volant est-elle en vogue?
Oui et non. Quand j’ai commencé, les adultes qui en faisaient étaient considérés comme des attardés. Surtout les initiés qui fabriquaient leurs propres cerfs-volants. La pratique reste une niche. Aujourd’hui, la société a évolué et les matériaux aussi : on a à notre disposition du spinnaker, de la fibre de verre et de la fibre de carbone. Cela permet de construire des modèles plus légers, solides et sophistiqués. Cela a permis de déboucher sur des sports comme le kitesurf.
«Un cerf-volant vole toujours»
Qui ne s’est jamais énervé de ne pas parvenir à maintenir un cerf-volant en l’air? À entendre Gérard Clément, Il n’y a pas de mauvais cerf-volant, il n’y a que des mauvais pilotes. Donc, il n’y a pas de véritable conseil quant au choix du modèle, si ce n’est qu’il doit être léger et solide.
«Un cerf-volant qui décolle n’est pas une question de qualité, mais de feeling», explique le spécialiste qui affirme d’expérience qu’«un cerf-volant quel qu’il soit vole toujours». Mais pas dans n’importe quelles conditions. «Il faut le régler en fonction des conditions météorologiques. Quand vous les achetez, ils sont préréglés pour être dans une gamme de vent», poursuit-il. Pour ce faire, il suffit d’ajuster l’anneau sur la bride d’un centimètre maximum vers le haut ou vers le bas. «La longueur de la queue joue également un rôle», ajoute Gérard Clément.
Le cerf-volant doit donc s’adapter à son environnement et pas l’inverse. «Cela sous-entend que celui qui va le manier ait la réflexion nécessaire pour se mettre en harmonie avec la nature», note-t-il. «Les gens recherchent les plaisirs immédiats. L’objet apprend la patience.»