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Une année sur la Moselle, épisode 1


Ces douze derniers mois ont été chargés pour les vignerons. (Photo : archives yermat)

Ces douze derniers mois ont été chargés pour les vignerons. Un climat extrême, des coûts qui s’envolent, un changement à la tête du plus gros producteur et le retour possible du glyphosate : c’est beaucoup, mais ce n’est pas tout… la suite sera pour la semaine prochaine !

🔥 2022 : année sans eau

Chaleur et sècheresse, 2022 a été une année à l’exact opposé de 2021. Le département météo de l’administration des Services techniques de l’agriculture vient de livrer le bilan : 2022 a été l’année la plus chaude depuis que l’on enregistre ces données (1938), ex æquo avec 2020. La moyenne de 10,9° C dépasse de 1° C la moyenne de référence calculée sur la période 1991-2020.

Le pic des 30° a été franchi dès le 19 mai. Le 19 juin, 39° C ont été enregistrés sur la Moselle. Les grandes chaleurs continues de l’été (19,3° C de moyenne) ont fait souffrir les plantes qui se sont protégées en bloquant la maturité des fruits pour économiser leurs forces.

La chaleur est allée de pair avec la sècheresse. Cet été a été le plus sec depuis 1921. Dès la fin du mois de juin, les vignes âgées de moins de 3 ans montraient des stigmates du manque d’eau. En juillet, le déficit de pluie a été de 92 % (65 % en août). La vigne est une plante qui ne demande pas beaucoup d’eau, mais ces conditions l’ont placé à la limite de ce qu’elle peut supporter.

Si quelques vignerons se sont refusés a arrosé leurs ceps, beaucoup ont vidé des citernes entières tout l’été dans les rangées. Toutes les vignes plantées depuis 2008 ont donc subi trois années de faibles précipitations, leur croissance ralentie se remarque : elles ne sont pas aussi développées qu’elles devraient l’être.

Pour autant, les vignes âgées de plus de 20 ans s’en sont bien tirées. Elles possèdent des racines suffisamment longues pour aller puiser l’eau en profondeur et ont livré de très beaux fruits. Cette sècheresse a malgré tout eu un effet positif : l’absence quasi totale des maladies cryptogamiques (mildiou et oïdium). Les raisins qui sont entrés en cave étaient parfaitement sains. Tout est en place pour que les vignerons livrent un excellent millésime. Les vins rouges (pinot noir, merlot, saint-laurent…) promettent déjà énormément…

🚜 Vers un retour du glyphosate ?

Le glyphosate de retour à la faveur d’un point de droit ? Ce serait un très mauvais signal. Photo : Erwan Nonet

L’interdiction de la vente et de l’utilisation des produits contenant du glyphosate (essentiellement le Roundup de Bayer), portée par l’actuelle coalition gouvernementale, a été transcrite dans la loi au 1er janvier 2021. Cette nouvelle orientation n’a posé aucun problème sur la Moselle puisque la viticulture n’en utilisait plus beaucoup.

Seule une étroite bande était parfois traitée sous les pieds pour éviter que les herbes viennent amener de l’humidité sur les grappes, ce qui peut engendrer l’apparition de champignons. Certains vignerons ne s’en servent plus depuis plus de très longues années. Ils ont donc démontré qu’il était tout à fait possible de produire de beaux raisins sans glyphosate, considéré comme cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé.

S’il est possible, ce n’est pas simple non plus. Le désherbage mécanique implique l’achat de nouvelles machines onéreuses et il prend beaucoup plus de temps. L’Institut viti-vinicole de Remich note que la moitié du vignoble luxembourgeois a choisi ce désherbage mécanique plutôt que le désherbage chimique (avec d’autres désherbants que le glyphosate).

Mais le 15 juillet dernier, le tribunal administratif a retoqué l’interdiction du glyphosate. Plus pour une question de procédure et de légalité par rapport au droit européen que pour des questions éthiques et environnementales. Le conseil d’État estime illégale la possibilité du Gouvernement à interdire spécifiquement ce produit. Le ministre de l’Agriculture et de la Viticulture a saisi ce dossier. Une bataille judiciaire est engagée…

Pour autant, ce n’est pas parce que le glyphosate serait de nouveau autorisé que les vignerons l’utiliseraient. Les domaines réputés se passeront sûrement de la mauvaise publicité qui leur serait faite en cas de retour aux anciennes pratiques. Et il n’est pas interdit de penser que la profession inscrive son interdiction dans le cahier des charges de l’Appellation d’origine protégée. Elle en aurait le droit et en discute déjà.

🍷 Vinsmoselle fait sa révolution

Patrick Berg a été démis de la direction des Domaines Vinsmoselle au mois d’août après 7 ans à la tête du plus gros acteur viticole du pays. Josy Gloden, le président, a annoncé le 24 novembre que son successeur serait Aender Mehlen, qui est encore pour quelques semaines le Contrôleur des vins de l’Institut viti-vinicole (l’antenne du ministère de l’Agriculture sur la Moselle).

Aender Mehlen sera bientôt le nouveau directeur de Vinsmoselle. Photo : Tania Feller

En deux mots, il est l’homme qui détient les clés de l’Appellation d’origine protégée Moselle luxembourgeoise et qui représente le pays dans les instances européennes. Un très gros poisson, donc, puisqu’il est sûrement celui qui connaît le mieux la Moselle viticole et qu’il est parfaitement au courant des problématiques propres à Vinsmoselle. Ce profil a d’ailleurs fait l’unanimité au sein du conseil d’administration.

Sa nomination a pu surprendre, car la coopérative choisissait auparavant plutôt des profils de financier ou de marketeur, mais pas de pur spécialiste du vignoble. Il s’agit d’une nouvelle orientation très intéressante, qui montre que Vinsmoselle sait saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent, quitte à rompre avec des traditions bien établies. Aender Mehlen pourrait bien être l’homme du renouveau pour une coopérative qui avait sans doute besoin d’un bon coup de jeune et d’idées nouvelles.

💸 Les coûts de production s’envolent

Les vignerons sont comme tout le monde, ils reçoivent la hausse des prix en pleine figure. Sauf qu’en tant de producteurs, ils sont placés entre le marteau et l’enclume. Si l’inflation générale tourne en ce moment autour des 6 %, le prix de certaines matières premières a littéralement explosé en quelques mois. Pas de chance, beaucoup impactent les domaines.

Par rapport à 2021, celui du verre et du carton a pris 50 % et la courbe ne fléchit pas. Le prix des engrais a augmenté de 120 % et beaucoup de produits d’aide à la vinification sont dans le même cas.

Produire du vin n’a jamais coûté aussi cher et les perspectives ne sont pas fameuses. Photo : Erwan Nonet

La guerre déclarée par la Russie à l’Ukraine est la raison évidente de l’augmentation de certains prix (les deux pays sont de gros producteurs d’engrais, par exemple), mais elle a bon dos. Pour le verre et le papier, les augmentations sont aussi créées par le jeu capitaliste des quelques producteurs qui tiennent les baguettes de ce marché et en profitent pour réaliser d’énormes profits.

Alors que les vignerons ont dû beaucoup investir ces dernières années pour, notamment, acquérir les machines qui permettent de désherber mécaniquement plutôt que chimiquement, et que le poids des index se fait également sentir sur la masse salariale, ils doivent obligatoirement augmenter le prix de leurs bouteilles. Il faut reconnaître qu’ils le font sans exagération. Souvent, l’augmentation couvre à peine la hausse du coût des productions.