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Une académie de patients experts ouvre à Steinsel : «Nos connaissances doivent être valorisées»


Susanna Van Tonder veut permettre aux patients d'avoir un impact réel dans la recherche médicale comme dans les politiques publiques. (Photo : didier sylvestre)

Transformer son expérience du handicap ou de la maladie chronique en expertise : c’est la promesse de l’Académie des patients experts, qui lance une formation inédite au Luxembourg.

C’est dans la tête de Susanna Van Tonder, psychologue et militante pour les droits des personnes en situation de handicap, qu’a germé l’idée d’ouvrir au Grand-Duché la toute première académie destinée à former des patients experts.

D’un projet à l’autre, cette jeune femme de 37 ans, atteinte de sclérose en plaques, a toujours refusé de laisser cette maladie invalidante la définir.

Après avoir lâché plusieurs de ses engagements associatifs et son poste de présidente du Centre pour l’égalité de traitement, elle a ouvert son cabinet de consultation à Steinsel cet été et relève un nouveau défi : offrir une formation ciblée aux personnes handicapées ou vivant avec une maladie chronique, afin de capitaliser sur leur expérience de patient.

Alors que ce 3 décembre marque la Journée internationale des personnes handicapées, Susanna Van Tonder dévoile ce nouveau challenge.

Comment est née cette Académie des patients experts?

Quand j’ai reçu mon diagnostic de sclérose en plaques il y a près de dix ans maintenant, j’ai cherché ce genre de programme au Luxembourg, sans rien trouver. Et puis, j’ai eu la chance de participer à une rencontre européenne entre patients à Prague. C’était la première fois que je ne me sentais pas seule avec ma maladie. Il y avait une patiente experte sur place qui donnait une conférence, j’ai adoré le concept.

L’idée de l’académie vient de là : des bases qui me manquaient à l’époque et sur lesquelles j’aurais aimé pouvoir m’appuyer, comme la prise de parole en public, par exemple. J’ai regroupé une série de compétences utiles et j’ai construit cette formation sur mesure.

Pouvez-vous expliquer la notion de patient expert, encore méconnue au Grand-Duché?

Les personnes en situation de handicap ou vivant avec une maladie chronique ont ce qu’on appelle «un vécu expérientiel» : elles connaissent parfaitement les traitements, leurs effets, le parcours de soins, le système de santé, etc. Ce sont toutes ces connaissances qui vont être valorisées pour en faire une vraie expertise.

Et bien sûr, ce savoir est précieux et peut contribuer aux évolutions et adaptations du système de santé public. Les patients experts ont ainsi la possibilité d’assurer des missions de consultance, de plaidoyer, de porte-parole ou de sensibilisation, et d’être rémunérées pour cela. Car s’engager à un tel niveau, c’est intense, et ce n’est pas fait pour tout le monde.

Est-ce qu’il y a d’autres domaines où ça peut être utile? 

Dans la recherche. Notre avis, en tant qu’expert sur la maladie, parce que nous vivons avec au quotidien, s’avère extrêmement important pour les chercheurs qui travaillent dans le milieu pharmaceutique. C’est un travail collaboratif : qui pourrait mieux connaître une maladie que les personnes qui en sont affectées?

Et dans les espaces de décision. Souvent, il y a un manque de représentation des patients dans les comités, en particulier des jeunes. Alors que c’est essentiel d’avoir leurs retours dans les instances consultatives ou les processus institutionnels. Le but, c’est qu’ils soient intégrés et partie prenante dans l’élaboration des politiques de santé publique.

Pouvez-vous décrire le contenu de la formation proposée? 

J’y ai mis tout ce qu’on a besoin de savoir pour être acteur de son parcours. Le premier module apprend comment présenter son vécu dans un discours structuré, et développer ses compétences en communication, gestion des émotions, et prise de parole inclusive.

Le deuxième se concentre sur la participation citoyenne et le plaidoyer : comprendre le fonctionnement du système de santé, identifier les lieux où l’expertise peut être mobilisée, collaborer avec des professionnels, des chercheurs, des institutions, comment participer à des panels, etc.

Une fois certifiés, ils peuvent
intervenir dans différents pays

Le troisième module aborde la résilience et la pair-aidance, et vise à améliorer la santé mentale et émotionnelle des participants, car le quotidien avec un handicap ou une maladie de longue durée est très dur. On les accompagne pour apprendre à gérer le stress, la fatigue, et on leur permet aussi d’échanger entre eux, de sortir d’un certain isolement.

Vous proposez aussi une déclinaison dédiée aux plus jeunes?

Oui, parce qu’ils subissent une double invisibilisation : ils sont stigmatisés au niveau social, et leur expérience est rarement prise en compte. Cette formation pour les 18-30 ans est donc adaptée et conçue comme un tremplin.

Une fois certifiés, quelles perspectives s’offrent aux participants?

En sortant de cette formation, les patients experts sont d’abord des multiplicateurs. Et puis, nous sommes en contact avec une société au Royaume-Uni qui s’occupe de placer des patients experts en fonction de leur profil pour intervenir dans différents pays. Avec une certification, ça ouvre davantage de portes. Côté Luxembourg, il y a des contacts à nouer avec les autorités.

Pour finir, quel est selon vous le chantier prioritaire aujourd’hui pour faire avancer l’inclusion?

L’emploi, sans hésiter. Sur le papier, c’est censé marcher, mais en pratique, on constate que c’est loin d’être le cas. Les moyens en place pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail ont du mal à être appliqués. Alors que la question des délais est cruciale, il faut parfois attendre jusqu’à un an pour obtenir des aménagements. Laisser une personne qui souffre du dos toute une année sans poste adapté? C’est intenable, y compris pour l’employeur.

Des incitations financières existent : l’employeur peut demander une participation immédiate aux frais de salaire de 30% pour l’embauche d’une personne handicapée. Or, dans les faits, ça prend six mois. Si ce mécanisme fonctionnait mieux, les entreprises hésiteraient sans doute moins à recruter des employés handicapés.

 

Deux formations prévues en 2026

  • Devenez un patient expert

En trois modules, cette formation gratuite en anglais – pour permettre une collaboration internationale – s’étale sur 18 ateliers répartis au fil de l’année en présentiel à Steinsel. Les cours ont lieu les samedis et sont assurés par Susanna Van Tonder et des experts externes. Ouverture des candidatures en ligne mi-décembre, places limitées à 10 participants. Informations par mail à patientexpert@patex.lu

  • Devenez un patient expert (18-30 ans)

En trois modules, cette formation gratuite en anglais – pour permettre une collaboration internationale – s’étale sur 18 ateliers répartis au fil de l’année en présentiel à Steinsel, et traite de problématiques centrées sur les 18-30 ans. Les cours ont lieu les samedis et sont assurés par Susanna Van Tonder et des experts externes. Places limitées à 30 participants. Candidatures ouvertes jusqu’au 31 janvier, informations par mail à nextgen26@patex.lu

patex.lu

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