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Comment sera le Luxembourg en 2050 ?


Photo : Alain Rischard

Luxembourg Stratégie, en charge de la prospective stratégique, travaille sur trois scénarios pour donner une orientation à long terme à l’économie nationale. Une stratégie d’avenir sera dévoilée fin mars 2023.

La plateforme Luxembourg Stratégie a été chargée, en février de cette année, de mener des études prospectives pour développer, à l’horizon de 2050, une économie compétitive, inclusive et résiliente. Les outils pour y parvenir? Un donut et un poisson. Le premier cherche à quantifier et illustrer les limites sociales et environnementales de la Terre. Le second doit servir de modèle pour établir si le Grand-Duché et son économie sont suffisamment résilients pour affronter les défis à long terme.

Le donut et le poisson à eux seuls sont néanmoins insuffisants pour se projeter dans le Luxembourg de 2050. Ils servent bien plus de cadre de référence pour l’établissement des scénarios d’avenir (lire ci-dessous), discutés et dévoilés hier au bout de deux journées d’une conférence intitulée «L’économie réelle : entre fondations sociales et limites biophysiques». Plus de 200 participants en ligne et 150 en présentiel ont assisté à ce rendez-vous, organisé à Belval, au pied des hauts-fourneaux ayant fait la richesse du Grand-Duché.

« Une aide à la décision politique »

«Luxembourg Stratégie a pour mission la conception de scénarios d’avenir, qui sont possibles et plausibles au vu des tendances globales, telles que les conflits géopolitiques, le changement climatique et le développement technologique», résume le ministre de l’Économie, Franz Fayot. Il ne tarde pas à prononcer le mot tendance de ces dernières années : la résilience. Dans ce cas de figure, la résilience économique, sans impacter négativement la planète et ses habitants.

Franz Fayot, le ministre de l’Économie, et Pascale Junker, la chargée de direction de Luxembourg Stratégie, ont dressé hier les premiers contours d’un Luxembourg respectant les limites planétaires et sociales. (Photo franz fayot)

«Notre mission est de fournir une aide à la décision politique en donnant une cohérence d’ensemble aux stratégies d’avenir sectorielles qui existent d’ores et déjà. Une masse d’indicateurs est prise en compte», poursuit Pascale Juncker, la chargée de direction de Luxembourg Stratégie, plateforme venue prendre le relais du processus Rifkin, une étude ayant visé à «préparer le pays, sa société et son économie à la troisième révolution industrielle».

Entre 770 000 et 1,2 million d’habitants

À quoi faut-il donc s’attendre en 2050? En maintenant le rythme de croisière actuel, alimenté par une croissance économique et démographique poussée, le Luxembourg deviendrait un pays à 1,1 million d’habitants, toujours bloqué en termes de mobilité et de logement, et avec une empreinte carbone, matérielle et écologique catastrophique. Ni le Grand-Duché ni l’UE ne réussiraient à respecter les objectifs climatiques.

Plus raisonnable semble le scénario misant sur un frein de la croissance. Les 770 000 habitants du Luxembourg seraient plus étroitement connectés avec la Grande Région, devenant un espace d’économie circulaire et de partage. Est visée une «une croissance qualitative mesurée par le PIB bien-être» et «respectant les objectifs de développement durable et un réchauffement ne dépassant pas +2 °C».

Mais il y a aussi plus grave : le Luxembourg compte en 2050 une population gonflée à 1,2 million d’habitants. La mobilité et le marché du logement s’écroulent, la sécurité sociale également. Seule une très forte croissance quantitative permet de limiter les dégâts, alors que les tensions battent leur plein à travers le monde. Les objectifs climatiques sont soi-disant jetés par-dessus bord.

La croissance aveugle remise en question

Une consultation du public, en décembre et janvier prochains, ainsi que deux études scientifiques compléteront le travail de prospective de Luxembourg Stratégie. Une stratégie d’avenir à valider par le gouvernement doit être présentée fin mars 2023. «Les scénarios établis constituent une base de discussion. Ils sont polarisants, justement pour provoquer une réaction et encourager la réflexion. Il ne s’agit pas de scénarios souhaités ou souhaitables, mais des scénarios envisageant toutes les possibilités. La stratégie finale va comporter plusieurs de ces éléments», explique le ministre de l’Économie.

Pascale Juncker s’avance déjà un peu plus en affirmant qu’une «croissance continue à 4,5 % par an ne résiste pas au test de résistance des limites biophysiques. Des risques existentiels en découlent». Plus que jamais, la croissance aveugle du Grand-Duché est, donc, à remettre en question.

Une «privatisation» de la politique?

STATU QUO En 2050, le Luxembourg compte 1,1 million d’habitants et attire toujours un nombre croissant de salariés, avec toutes les conséquences négatives sur la mobilité et le logement. La digitalisation et les nouvelles technologies sont au service de l’économie qui vise la croissance quantitative (PIB +2 %/an). L’UE tente de concilier transition énergétique et autonomie stratégique, sans toutefois parvenir à limiter le réchauffement à +2 °C. Les empreintes carbone, matérielles et écologiques grimpent. La gouvernance est à court terme. La tripartite est sauve.

CIRCULARITÉ BIORÉGIONALE Ce second scénario est caractérisé par la responsabilité sociale et environnementale. Le Luxembourg compte 770 000 habitants. La population et l’économie cessent de croître, ce qui enlève la pression sur le trafic, le logement, les systèmes de santé et d’éducation, ainsi que l’environnement et l’eau. Le niveau des salaires, pensions et de la couverture sociale stagne. La digitalisation et les technologies «sont au service du vivant». Il est misé sur une «croissance qualitative», reposant sur une réindustrialisation circulaire et une économie de partage à l’échelle de la Grande Région. La démocratie participative est un autre pilier.

LIBÉRALISME TECHNO-DIGITAL Baptisé «techno-optimiste», ce scénario prévoit un Luxembourg à 1,2 million d’habitants en 2050. Les marchés du logement et de l’emploi sont très précarisés. La poursuite de la croissance quantitative (PIB +4,5 %/an) permet un relatif équilibre des caisses de pensions et de sécurité sociale, mais alimente aussi une concurrence effrénée pour l’accès aux ressources. Le réchauffement dépasse les +2 °C. Le monde est fortement polarisé sous l’influence de forces économiques et militaires. Même une «privatisation» de la politique est évoquée.

3 plusieurs commentaires

  1. Il faudrait utiliser la richesse créé pour maintenir l’écologie et la société, par exemple utiliser l’argent pour construire des pistes cyclables, crééer des logements abordables et écologiques, revoir le tissu urbain pour laisser de la place à la nature tout en permettant des déplacements doux. Il ne faut pas oublier que si les transports en commun et les pistes cyclables étaient adaptés, les gens qui pourraient se passer de voiture en ressortiraient plus riches (et l’écologie en profiterait également). Par contre limiter la croissance sans rien faire d’autre me parait un mauvais pari donc nous sortirions tous perdants. Autre contraire il faut encourager la croissance dans des domaines durables (industries des énergies renouvealbles, construction durable, construction de vélos et d’infrastructures de transport en commun…).

  2. Je trouve ces scénarios très orientés. Il serait tres envisageable d’avoir de la croissance et une démographie croissante avec un impact par habitant limité. Si les Luxembourgeois avaient des transports en commun adaptés et des pistes cyclables dignes de ce nom (comme aux Pays-Bas par exemple), ce serait tout à fait possible.
    Le scénario de « circularité biorégionale » a du sens écologique, mais ne serait-il pas possible de le concilier avec la croissance, pour pouvoir aussi financer les retraites et la sécurité sociale?
    A contrario ce n’est pas en limitant seulement le nombre d’habitants que l’écologie se portera mieux si tout le monde continue d’utiliser sa voiture, a une grande maison loin de son lieu de travail, etc.
    Au contraire la densité peut permettre de limiter l’impact par habitant, mais il faut le faire de facon intelligente pour limiter les nuisances. Il faut prendre exemple sur les pays très denses mais agréables à vivre (Pays-Bas par exemple).

  3. Parfait parfait.
    Qui représente les territoires frontaliers qui devront envoyer 70% de la main d’œuvre en 2050 quels que soient les scénarios?
    Ils ne sont pas représentés.
    Annexions ?
    Codeveloppement ?
    De telles démarches au cœur historique de la construction européenne … souhaitons que celle-ci passe en-dessous des radars européens. Le ridicule peut tuer.

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