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UEL : «L’accord tripartite tient toujours la route»


L’accord qui se trouve sur la table «n’est pas à remettre en question», estime Michel Reckinger, le président de l’UEL. (Photo : archives lq/didier sylvestre)

Le camp patronal est formel : le scénario du versement cumulé de plusieurs tranches indiciaires reportées à 2024 n’est pas viable. À court terme, l’accord tripartite tiendrait toutefois la route.

L’accord tripartite, signé le 31 mars, est-il déjà désuet? Non, répond Michel Reckinger, le président de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL). Les prévisions concernant l’inflation, revues à la hausse par le Statec (de 4,4 % à 5,8 % pour 2022), ne constitueraient pas une surprise. «Au moment des négociations, on était pleinement conscients que la situation risquait encore d’empirer. C’est triste comme constat, mais dans l’état actuel des choses, l’accord conclu tient toujours la route», souligne le patron des patrons, contacté, hier, par nos soins.

La principale interrogation qui entoure le paquet de mesures concerne l’index, et plus précisément les tranches indiciaires dues, mais qui devront être reportées de 12 mois. Prévue pour août, la deuxième tranche pour 2022 va désormais tomber en juillet. Alors qu’aucun index n’était prévu pour 2023, l’inflation passant de 1,3 % à 2,8 %, selon les estimations actuelles, va bien déclencher une tranche l’année prochaine. Une au minimum.

Les choses risquent de se corser en 2023

«L’accord est très clair sur ce point. Au cas où la situation viendrait à empirer courant 2023 ou si une tranche indiciaire supplémentaire était déclenchée en 2023, le gouvernement s’engage à convoquer une nouvelle tripartite», rappelle Michel Reckinger. L’avancement de la tranche d’août à juillet «ne constitue pas un problème en soi». L’index dû est toujours reporté à avril 2023. Néanmoins, le mécanisme de compensation mis en place par le gouvernement devra être avancé d’un mois, avec à la clé une dépense supplémentaire de 55 millions d’euros pour l’État

Les choses risquent de se corser en 2023. La tranche supplémentaire qui s’annonce désormais devrait être reportée à avril 2024. Qu’adviendra-t-il si d’autres tranches sont dues l’année prochaine, voire dès cette année 2022? L’accord tripartite prévoit que «toutes les tranches déclenchées et non appliquées (…) le seront au 1er avril 2024». Le camp patronal pourrait donc, le cas échéant, être amené à verser d’un coup une revalorisation des salaires pouvant varier entre 5 et 10 %. 

«On est au moins fixés pour 2022 et 2023. L’accord tripartite prévoit clairement qu’une seule tranche sera versée sur ces deux années», précise le président de l’UEL. Mais qu’en est-il du scénario des tranches cumulées à verser en 2024? «L’économie ne pourra pas supporter plus d’un index par an», martèle Michel Reckinger. Il précise toutefois que «ce scénario a été discuté lors de la tripartite. Un large consensus s’est dégagé sur le fait que si une telle accumulation devient réalité, il nous faudra trouver des solutions».

Qui va hériter de la patate chaude?

Reste à savoir si la patate chaude sera refilée au prochain gouvernement? À court terme, le camp patronal ne voit cependant pas le besoin de «renégocier l’accord» conclu. «Nous ne voyons pas vraiment l’intérêt d’une renégociation. Ce qui se trouve sur la table n’est pas à remettre en question. L’accord prévoit bien ce qui doit se passer au cas où la situation s’aggrave», réaffirme Michel Reckinger.

Pour l’instant, l’annulation de tranches n’est pas évoquée. Le gouvernement s’est engagé en la personne du ministre de l’Économie, Franz Fayot, à ne pas priver les salariés et pensionnés des revalorisations de 2,5 % qui leur sont dues en raison de l’inflation galopante. Le crédit d’impôt énergie, censé compenser le report des tranches, va varier entre 0 et 84 euros par mois, selon le niveau de revenu des personnes concernées.

«Une mauvaise approche
de la part du CSV»

L’UEL affirme «observer» les tractations sur l’accord tripartite qui ont actuellement lieu à la Chambre des députés, sans toutefois «les suivre dans les derniers détails». Michel Reckinger affirme toutefois avoir pris connaissance des réflexions du CSV sur le manque d’équité du crédit d’impôt énergie.

Gilles Roth, le coprésident de la fraction chrétienne-sociale, évoquait encore hier, dans nos colonnes, une différence de traitement d’un ménage qui rentre deux salaires de 3 000 euros brut et qui aura droit à un crédit d’impôt cumulé de 168 euros (2×84 euros), alors qu’un salarié vivant seul, touchant 6 000 euros, n’aura droit qu’à 66 euros de compensation.

«Il s’agit d’une mauvaise approche du CSV», estime le président de l’UEL. L’accord tripartite reposerait sur un compromis «qui vaut ce qu’il vaut». «Un tel accord ne peut jamais être à 100 % équitable», fait remarquer Michel Reckinger.

Le camp patronal est également peu enclin à s’expliquer devant la commission parlementaire «tripartite», comme requis par le CSV. «Le texte de l’accord est récent et la formulation de l’accord est assez claire. Il n’y a rien de plus à en retirer», avance le chef de file de l’UEL.

Est désormais évoquée la possibilité de convoquer la Chambre de commerce et la Chambre des salariés (CSL). Une option également douteuse aux yeux du patronat. «Les deux Chambres n’étaient pas en tant que telles présentes à la table des négociations», note Michel Reckinger. Il évoque aussi l’imbroglio qui se profile au niveau de la CSL : «A priori, la présidente, Nora Back, devrait se présenter face aux députés. C’est difficilement concevable». Nora Back est aussi la présidente de l’OGBL, seul syndicat à avoir rejeté l’accord tripartite. La CSL est coprésidée par le LCGB, qui a lui signé l’accord.