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Typh Barrow à la Kulturfabrik : la voix singulière d’une artiste plurielle


"La musique, c'est mon exutoire. L'endroit où je peux ouvrir ma petite boîte noire, on en a tous une." Dans cette boîte, on trouve surtout de multiples nuances musicales qui font la richesse de Typh Barrow. (photos Alexandra Parachini)

Réservez votre 23 novembre, si vous êtes dans les parages de la Kulturfabrik. Si non, faites le déplacement ! Car celle que vous verrez et entendrez sur la scène eschoise vaut sérieusement le détour : Typh Barrow, une artiste belge à l’accent soul et pop, avec du talent à revendre mais qui se donne au public sans compter.

img_0216Ses mains se collent à une tasse de thé au fenouil. C’est bon pour la voix, le fenouil, paraît-il. La sienne, rocailleuse, rugueuse, vous accroche dès les premiers sons. Des aspérités qui traduisent la profondeur d’une artiste plurielle. Dont le timbre enveloppé de velours enivre lorsqu’il prend l’accent soul. Typh Barrow – auteure, compositrice et interprète bruxelloise de 31 ans – a ce je-ne-sais-quoi qui vous met dans un drôle d’état. Cette voix si singulière, que d’autres n’ont pas, elle ne l’a pas toujours assumée. Ce don du ciel est né dans la douleur, de cordes sensibles dont il a fallu faire sa caisse de résonance. Vibrante, inspirée.

Deux semaines avant de se produire à la Kufa, celle qui a intégré le casting des coaches pour The Voice Belgique (saison 8) est venue s’imprégner des lieux, histoire aussi de s’accorder « un petit break » entre les tournages de l’émission, « profiter de (s)es amis du Lux » et « donner envie aux gens de se déplacer ». En attendant, elle se raconte volontiers dans un échange ponctué d’un franc sourire, d’un verbe enchanteur et de notes d’humour.

Vous vous êtes fait connaître sur YouTube avec des reprises piano-voix parfois surprenantes : tubes dance des années 90, soul, hip-hop… Votre univers semble vaste, où vous situez-vous dans tout cela ?

Typh Barrow : Je n’ai jamais trop aimé me ranger dans une catégorie unique. J’ai grandi dans une pluralité de styles musicaux, mon père me biberonnait à la soul et au bon vieux rock américain. Avec mon frère, on écoutait du hip-hop, du rap, je suis notamment une grande fan d’IAM. Ado, j’écoutais aussi les musiques de mon âge, les Spice Girls, etc.

J’ai une formation classique et à 14-15 ans, je chantais dans des piano-bars. Le truc, c’est que j’ai une voix un peu spéciale, androgyne. Quand j’essayais de reprendre des titres de Céline Dion ou Mariah Carey, je n’y arrivais pas, ça ne m’allait pas. Donc j’ai commencé à composer, il a fallu que je me crée un répertoire et j’ai pioché dans tout ce que j’écoutais. Les gens qui viennent me voir en concert, je les emmène dans mon univers, c’est intuitif.

Cette voix rugueuse, spéciale comme vous dites, s’est révélée accidentellement, un peu par la force des choses. Ce qui aurait pu vous réduire au silence est finalement devenu votre signature…

Elle a longtemps été un gros complexe. Au solfège, j’étais dans le groupe des garçons. Petite, on me prenait pour un garçon, au téléphone j’avais une voix de garçon. Même mon père croyait souvent que c’était mon frère qui parlait ! J’ai un kyste assez rare sur les cordes vocales, un peu comme un marathonien qui aurait une malformation aux rotules… Soit on opérait, mais les chances de réussite restaient loin d’être évidentes, soit je l’acceptais. Je me suis dit : « ça fait partie de toi, de ton histoire »; pourquoi je n’apprivoiserais pas cette voix ? J’ai arrêté de lutter contre ma nature.

Les choses se sont mises en place le jour où j’ai décidé de faire de cette différence une différence positive. Il faut les cultiver, ces failles. Pour citer Leonard Cohen, « c’est à travers les failles que passe la lumière ». Du coup, ma voix et moi, on est devenues copines !

On vous compare souvent à Amy Winehouse. Vous trouvez-vous des points communs artistiques avec elle ?

Je trouve la comparaison exagérée car personne n’arrive à la cheville d’Amy Winehouse ! Je ne connais pas une chanteuse qui ne soit pas fan d’elle. Je me suis sentie bien quand j’ai découvert cette artiste et cette voix rauque. J’ai compris qu’on pouvait s’en servir. Après, bien sûr, je suis super flattée de la référence mais ça me met une petite pression vis-à-vis des gens qui ne me connaissent pas.

Vos textes, à l’image de Daddy’s Not Coming Back ou Your Turn, parlent beaucoup de rupture, d’absence, voire d’abandon. Vous semblez pourtant une personne joyeuse ! Pourquoi tant de peine ?

La musique, c’est mon exutoire. L’endroit où je peux ouvrir ma petite boîte noire, on en a tous une. Plus la part de lumière est grande, plus la part d’ombre l’est aussi. La mienne, je n’ai pas envie de la montrer au quotidien. J’ai trouvé un autre moyen de l’exprimer, même si tous mes textes ne sont pas sombres !

Certaines chansons cachent aussi des sujets sérieux. Taboo (extraite de son album Raw, toujours dans les bacs), en apparence légère et très dansante, est partie de l’homosexualité en discutant avec des amis gays, de ce qu’ils vivent encore aujourd’hui. C’est toujours un tabou au XXIe siècle, ça ne devrait plus l’être. Cette chanson parle au final de tous les tabous et célèbre les différences : de couleur de peau, d’âge, de sexe…

Serge Gainsbourg disait : « Prenez une photo de ciel bleu, il n’y a pas un nuage, c’est beau mais il ne se passe rien ». Si on prend les nuages avec, les orages et les tempêtes, c’est déjà bien plus intéressant.

Vous avez chanté en duo avec Maurane, juste avant sa disparition (elle est décédée le 7 mai dernier, NDLR). Vous devez en garder une fierté mêlée d’émotion…

Ce n’est pas vraiment de la fierté, je me suis sentie chanceuse. C’était les montagnes russes, ces deux jours-là (les 3 et 6 mai, à Incourt et Bruxelles). Je me retrouve avec une grande voix de la chanson française, qui m’a appelée en disant qu’elle aimerait chanter avec moi. J’étais hyper heureuse, elle aussi. Ce moment, j’ai l’impression de l’avoir rêvé, comme son départ… (elle s’interrompt, visiblement touchée)

J’en parle encore au présent. Ce qui est génial avec Maurane, c’est qu’elle est ultra accessible, bienveillante et très généreuse. J’étais intimidée. Mais en plus d’être une technicienne, elle a ce don, comme tous les grands chanteurs, de te mettre à l’aise. La façon dont elle te porte sur scène, quelle classe ! C’est une provocatrice d’émotions, j’en ai encore la chair de poule. J’ai l’impression de l’avoir toujours connue.

img_0214Cette année, vous devenez coach de The Voice en Belgique. Êtes-vous à l’aise dans ce rôle ?

J’avais déjà eu une petite expérience en tant que co-coach de B.J. Scott (lors de la saison 5, NDLR) et j’étais donc ravie quand la production a pensé à moi. C’est vraiment génial, l’entente avec les trois autres coaches est super, le rythme très dense.

La chose la moins évidente pour moi, c’est que j’ai tendance à me mettre à la place des talents. Quand tu ne te retournes pas sur une prestation, tu repenses à tes propres déceptions et à la petite amertume que ça peut laisser. Le premier soir, j’ai eu du mal à dormir sereinement. Après, il faut se dire que si la porte ne s’est pas ouverte cette fois-ci pour certains, ce n’était pas leur porte et d’autres s’ouvriront. Il ne s’agit pas d’échecs, mais d’obstacles à surmonter.

C’est en tous cas quelque chose qui touche à ma sensibilité. D’accord, c’est une émission télé, mais les candidats sont des êtres humains. Je suis là pour respecter leur identité, leurs univers. Là, on vient de terminer les blind, on va préparer les battles. J’ai hâte de travailler avec les talents de mon équipe, parler musique et les accompagner sur scène.

Entretien avec Alexandra Parachini

Typh Barrow, en concert vendredi 23 novembre (19h30) à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette.

 

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