Les trois experts finalistes du dernier Concours du meilleur sommelier de Luxembourg livrent un accord mets-vin mettant en valeur une belle bouteille de la Moselle.
On ne le dira jamais assez : la qualité des vins luxembourgeois les autorise aujourd’hui à agrémenter les plus belles tables. La rive gauche de la Moselle n’a à rougir devant aucune région viticole au monde, ses meilleurs vins sont de vraies bouteilles de gastronomie, produites par des vignerons engagés qui n’ont qu’une seule motivation : tirer le meilleur de leur terroir.
Pour réussir un beau vin, il faut que les étoiles soient alignées. D’abord, il est impératif d’avoir un terroir qui s’y prête. L’affaire se joue dans l’équilibre de plusieurs facteurs : le climat (la latitude, la topographie, l’ensoleillement, la pluviométrie…), le sol (et le choix de cépages qui vont s’y plaire) et la main du vigneron, sans qui rien n’est possible. Un mauvais vigneron sur un excellent terroir ne livrera jamais rien de bon.
Au Grand-Duché, ces trois axes sont désormais tous acquis. Le réchauffement climatique aide bien la Moselle, ses terroirs marneux ou argilo-calcaires sont ceux des plus grands vins et les vignerons sont de mieux en mieux formés. Il faut voir la nouvelle génération qui arrive avec de nouvelles idées et des pratiques novatrices, mais n’oublie pas le respect qu’elle doit à une identité locale sur laquelle il faut aussi s’appuyer.
Bien sûr, il reste toujours des vins de soif, mais, après tout, on n’ouvre pas de grandes bouteilles tous les jours. Elles ont aussi leur importance. Mais le haut du panier, lui, ne cesse de s’élever. Les meilleurs rieslings ou pinots noirs luxembourgeois font partie du gratin mondial, le snobisme qui fait qu’on les dénigre parfois ici n’a plus lieu d’être.
Et puis, ce qui ne gâche rien, leurs prix sont très mesurés. Les plus chers des vins luxembourgeois restent accessibles, au contraire des grands rieslings allemands ou des si beaux pinots noirs bourguignons.
Une production locale sous-estimée
Au Luxembourg, on s’est habitué à sous-estimer la production locale. Parfois, on a l’impression que les consommateurs locaux n’ont pas pris conscience du virage pris par les vignerons du cru.
Les rieslings d’Alice-Hartmann (Wormeldange) sont servis au Crillon ou dans les restaurants d’Anne-Sophie Pic. Les vins du domaine L&R Kox (Remich) sont bus sur de très belles tables à New York, et de plus en plus. Les pinots noirs du domaine Krier-Welbes (Ellange-Gare) sont les bienvenus dans plusieurs restaurants danois huppés, terre de gastronomie s’il en est. Ce ne sont que quelques exemples, mais ils sont parlants.
Alors, il est intéressant de converser à propos de ces vins avec les sommeliers étrangers qui travaillent au Luxembourg. Pourquoi étrangers? Parce que, tout simplement, les Luxembourgeois sont très peu représentés dans la profession. Voilà encore une énigme historique, mais passons, ce n’est pas le sujet ici.
Lors du dernier Concours du meilleur sommelier de Luxembourg, il se trouve qu’aucun Luxembourgeois ne se trouvait sur le podium. Le vainqueur est un Français, Grégory Mio, arrivé en début d’année seulement à la tête de la cave du Place d’Armes, et donc de La Cristallerie, du Plëss et du Café de Paris.
Il y a quelques semaines, il nous expliquait : «Le niveau des vins est indéniablement très intéressant. J’en ai dégusté qui m’ont beaucoup plu.» Depuis qu’il est arrivé, il part à la rencontre des vignerons pour découvrir la production nationale et il avoue être bluffé. Il met d’ailleurs un point d’honneur à les mettre en avant sur ses cartes, y compris à La Cristallerie où il en sert systématiquement au verre.
Des bulles, des blancs et des rouges
Zoran Matic, arrivé deuxième, est également un amoureux des vins luxembourgeois. Après les avoir longtemps servis au restaurant A Guddesch (Beringen), il les met aujourd’hui en avant dans l’offre du distributeur Ruppert, où il a créé et gère le département Vins. Lui aussi est un ambassadeur des vins mosellans.
Ce podium était complété par une sommelière, une ouverture rare qui ouvre un peu le champ encore trop masculin de la profession au Grand-Duché. Elle aussi vient d’arriver, puisqu’elle a suivi son mari… Grégory Mio! Elle travaille aujourd’hui à la vinothèque de La Provençale.
Les trois meilleurs sommeliers du concours ont accepté de jouer le jeu et nous conseillent ici une belle bouteille luxembourgeoise à boire avec un plat de haute volée. L’ambition de cet article n’est pas de livrer une recette, mais d’illustrer que ces vins locaux méritent d’être associés à des plats de grand standing. Ces propositions sont là pour donner envie de sortir des chemins trop classiques qui passent par des vignobles étrangers très connus.
Au Luxembourg, on produit des vins blancs, des vins rouges et des bulles. Tout pour accompagner chaque plat d’un grand repas. Et si, pour les fêtes, on ne jouait que la carte locale? Il y a de quoi faire, de quoi surprendre et de quoi passer un excellent moment… Pensez-y!
Grégory Mio
Le plat
Saint-Jacques normande snackée dans sa coquille, crème de choux-fleurs, choux-fleurs crus, noix, condiment citron et yuzu frais.
Le vin
L & R Kox (Remich), Orchard, Riesling, 2020
L’accord
Ce riesling issu d’un grand terroir magnifiera cette Saint-Jacques par son caractère incisif et tranchant, sans pour autant masquer ce mets délicat. Sa trame florale et iodée permettra un équilibre parfait avec la salinité de la Saint-Jacques et les notes végétales du chou-fleur ainsi que de la noix. La cuisson dans sa coquille permettra une texture maîtrisée, sans apporter de notes «grillées». Enfin, le condiment citron et le yuzu frais raviveront cet accord par le peps qu’ils offrent au plat.
Zoran Matic
Le plat
Noisette de chevreuil sauce grand veneur, gelée de groseilles, purée de betteraves.
Le vin
Domaine Schumacher-Knepper, Élysium 2020
L’accord
J’ai opté pour le chevreuil, un mets de fête à la chair tendre, particulièrement savoureuse et délicate. La cuisson, la texture et l’accompagnement auront leur importance.
Pour offrir un accord savoureux, je propose cet assemblage original de merlot et de pinotage alliant un nez complexe sur une palette aromatique de fruits rouges et noirs (framboise, cerise, mûre et prune), soutenue par quelques touches épicées, des tons terreux et des notes d’aromates.
Le vin est juteux, raffiné et élégant. Il présente des tanins soyeux et veloutés sur une belle trame acide. Ce vin et ce mets vont dans la même direction, chacun améliore l’autre, dans un même registre gustatif.
Jun Ruan
Le plat
Huîtres «Royale» n° 3 de chez David Hervé grillées au four, condiment asiatique (ail, échalotes, le tout sauté, assaisonné sauce soja, piment et ciboulette).
Le vin
Crémant de Luxembourg, Domaine Henri Ruppert, «La Brute Rosé»
L’accord
Ce crémant de Luxembourg rosé, issu d’un élevage long en barrique, uniquement à base de cépage pinot noir, est doté d’une structure généreuse et d’une mousse onctueuse. Cette complexité va lui permettre de se lier à merveille avec ce mets délicat qu’est une huître aux saveurs mordantes, sans pour autant enrayer sa fraîcheur.