Selon la Chambre de commerce, le «paquet de solidarité 2.0» ne lève qu’«un pan des incertitudes» qui pèsent sur l’avenir socioéconomique du pays. Les aides pour les entreprises sont qualifiées de «partielles».
«L’économie souffre d’une diarrhée.» Les mots choisis à la mi-septembre par Michel Reckinger, le président de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), résonnent toujours. Visiblement, la pilule prescrite par la tripartite est très dure à avaler pour son camp.
Dans un communiqué, l’association patronale «souligne avec force la charge financière supplémentaire considérable pour les entreprises», avec le versement de deux tranches indiciaires en 2023 et l’augmentation du salaire social minimum (+3,3 %), ainsi que l’explosion des factures énergétiques. De plus, des «risques de poussées inflationnistes supplémentaires dues à des facteurs autres que les prix énergétiques» pèseraient sur les entreprises.
Un accord tripartite, plusieurs bémols
L’index toujours autant décrié
Irritée, l’UEL estime que l’index «n’est (…) ni la solution au contexte actuel ni un mécanisme social». La Chambre de commerce en remet une couche en dénonçant que «la multiplication des tranches indiciaires – instrument particulièrement inapte à réagir à cette crise et socialement injuste – et l’effet boule de neige qu’elles entraînent, restent (…) un sujet de préoccupation majeur».
En fin de compte, les employeurs ont toutefois accepté de signer un accord tripartite, qui comprend «un ensemble de mesures devant freiner l’inflation», sans remettre en question l’indexation. «Avec cet accord, les entreprises ont voulu souligner leur solidarité à l’égard de leurs salariés et des ménages», souligne le communiqué. La principale contrepartie pour le feu vert patronal a été l’engagement du gouvernement à prendre en charge le coût d’une éventuelle troisième tranche indiciaire en 2023. La Chambre de commerce «table sur l’occurrence d’une 3e tranche», sur base de «simulations robustes», réalisées par ses soins.
Néanmoins, l’accord final ne serait en rien suffisant pour obtenir une prévisibilité sur une durée de 18 mois, comme l’avait réclamé l’UEL en amont de la tripartite. «Nous avons besoin d’un tel plan pour éviter que l’on doive recommencer de zéro une fois la crise terminée», avait mis en garde Michel Reckinger, pointant le risque que le Luxembourg se transforme en «terre brûlée». La prévisibilité obtenue ne serait que «partielle». «Si les mesures contenues dans cet accord ont le mérite de soutenir surtout le pouvoir d’achat des ménages et en partie les entreprises, (il) ne permet pas pour autant de donner une plus grande prévisibilité aux entreprises, ne levant qu’un pan des incertitudes qui pèsent sur l’avenir socioéconomique du pays», renchérit la Chambre de commerce.
En attente du feu vert de Bruxelles
À la sortie de la tripartite, le ministre de l’Économie, Franz Fayot, avait souligné «l’importance que les coûts salariaux restent sous contrôle». «Contrairement à ce que l’UEL a toujours revendiqué, le paquet prévoit des aides plus généralisées, car aujourd’hui, la situation est tout autre qu’au printemps. Beaucoup plus d’entreprises sont concernées par l’explosion des coûts. L’impact est plus fort», ajoutait le ministre. L’UEL admet au moins que «l’accord tripartite contient plusieurs mesures importantes pour aider les entreprises par rapport au prix de l’énergie ainsi que des mesures fiscales devant permettre à toutes les entreprises d’accélérer leur transition énergétique, écologique et digitale», qui sont détaillées ci-dessous.
Parmi les grandes incertitudes figure l’aval des mesures prises par la Commission européenne, très restrictive sur les aides d’État pour les entreprises.
Charges sociales
La tripartite a décidé d’abolir à partir du 1er janvier 2023 l’acompte à verser par le patron sur les cotisations de sécurité sociale. Cette mesure concerne à la fois les employeurs, les exploitants agricoles et les indépendants. La mesure doit permettre «une répartition plus équilibrée de la charge des cotisations de sécurité sociale à verser au cours des différents mois de l’année», précise l’accord signé entre le gouvernement et les partenaires sociaux.
La manne financière épargnée est censée contribuer à financer la tranche indiciaire régulière, qui doit tomber en février 2023.
Une aide «énergie» plafonnée à 2 millions d’euros
Décidé lors de la tripartite de fin mars, le régime d’aides accordé aux secteurs particulièrement touchés par la hausse des prix de l’énergie va être amendé afin d’en faire profiter un plus grand nombre d’entreprises.
Les entreprises «grandes consommatrices d’énergie» peuvent bénéficier d’une aide étatique d’un maximum de 2 millions d’euros. Il est prévu de revoir la période de référence, qui sert à déterminer «l’intensité énergétique» des entreprises concernées. Le gouvernement prévoit de considérer le mois pour lequel une demande d’aide est formulée sans devoir faire la comparaison par rapport à 2021.
Cette mesure fait partie intégrante de l’encadrement temporaire de crise de la Commission européenne, introduit dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine. Le gouvernement espère que les modifications proposées vont obtenir l’aval de Bruxelles. Les services compétents de la Commission européenne vont devoir trancher.
Pour les PME, une aide énergie de 500 000 euros
Comme précisé lundi par le ministre des Classes moyennes, Lex Delles, en marge de la présentation du bilan de la saison touristique, les PME sont éligibles à la nouvelle aide en matière énergétique décidée par la tripartite.
Plus précisément, ce sont les entreprises dont les coûts énergétiques représentent au moins 2 % de leur chiffre d’affaires qui peuvent bénéficier de cette mesure. «À partir d’une hausse de 80 % des prix de l’électricité ou du gaz par rapport à 2021, une subvention de 70 % du surcoût au-delà de la hausse de 80 % pourra être allouée», précise l’accord. La mesure sera en vigueur à partir de ce mois d’octobre et jusqu’à fin juin 2023.
Le plafond est fixé à 500 000 euros par entreprise.
Les entreprises de construction, de l’agroalimentaire et de transport peuvent profiter d’une aide maximale de 400 000 euros pour amortir le surcoût du diesel.
L’État a prévu une enveloppe de 150 millions d’euros.
De l’électricité à produire à l’aide du photovoltaïque
Le gouvernement compte inciter les entreprises à produire leur propre énergie. Il est prévu de lancer de nouveaux appels d’offres pour obtenir des subsides pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Le principe pour bénéficier de ces aides étatiques est que l’entreprise s’engage à autoconsommer – en intégralité ou partiellement – l’électricité ainsi produite.
«Cette façon de procéder va mettre les entreprises à l’abri des fluctuations des prix de l’électricité», indique l’accord tripartite. Cette mesure fait partie intégrante du volet «transition écologique» du paquet de solidarité 2.0. Encore une fois, le papier signé entre le gouvernement et les partenaires sociaux ne renseigne pas sur le montant de l’enveloppe nécessaire pour financer ces nouvelles aides.
Il est à rappeler que la TVA perçue sur les nouvelles installations photovoltaïques va baisser, à partir de janvier 2023, de 17 % à 3 %.
Congés spéciaux
L’État s’engage à prendre en charge à hauteur de 50 % le coût pour l’employeur des deux nouveaux congés spéciaux prévus par la directive européenne sur la «Work Life Balance».
Il s’agit du congé pour raison de force majeure liée à des raisons familiales urgentes et imprévues (1 jour par an) et du congé d’aidant pour les travailleurs qui apportent des soins personnels ou une aide personnelle à un membre de la famille ou à une personne vivant dans le même ménage (5 jours par an).
L’accord tripartite n’indique pas le montant de l’enveloppe financière. Le bilan de la mesure sera tiré fin 2023.