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Trafic de marijuana : « Si j’avais été un grand dealer… »


Le prévenu Frank V. est poursuivi pour avoir fourni 160 kg de marijuana au réseau de Boban B. (Photo : AP)

Le prévenu Frank V. conteste avoir été un fournisseur de Boban B. La drogue, c’est de l’histoire ancienne, dit-il. Sinon il n’aurait pas braqué une banque en 2013.

Sur les dix prévenus poursuivis pour avoir participé au vaste trafic de drogue chapeauté par Boban B., un seul avait préféré garder le silence à l’ouverture du procès : Frank V. (50ans), extradé spécialement des Pays-Bas pour ce procès, voulait d’abord entendre tous les témoins. Jeudi matin, au onzième jour du procès, le tribunal a entamé son audition.

Pourtant taciturne à l’ouverture de son procès, le prévenu a fait retentir, plus d’une fois, son rire depuis le box des accusés. Jeudi, le président a directement abordé ses écarts : « Plusieurs fois, vous vous êtes manifesté par votre rire. Qu’est-ce que vous trouvez si drôle ici? » – « C’était ma réaction par rapport aux incroyables déclarations des enquêteurs… tout ce dossier se base sur de simples déclarations et suppositions. »

« Je n’ai pas vendu de drogues à Boban »

Le prévenu Frank V. est poursuivi pour avoir fourni 160 kg de marijuana au réseau de Boban B. Le quinquagénaire conteste : « Je n’ai pas vendu de drogues à Boban B. La seule chose que je sais, c’est qu’un jour je l’ai rencontré à Bruxelles et je lui ai expliqué comment on cultive de l’herbe. Je lui ai tout de suite dit que je ne participais à aucun trafic de drogue en Belgique et aux Pays-Bas .» « J’ai pu lui dire comment marche une culture, mais les prix des boutures de cannabis, je ne les connais pas. Depuis ma dernière condamnation en 2003, je n’ai plus rien à voir avec ça », précise-t-il.

Pourquoi les prévenus Boban B. et Kevin K. reconnaissent-ils lui avoir acheté des kilos de marijuana? À cette question, le prévenu n’a pas livré de réponse jeudi : « Je ne peux pas vous le dire. Il faut leur demander. » La lecture de quelques passages de leurs dépositions par le président n’y changera rien.

« Trois jours pour 4000 plants, c’est impossible! »

« Si j’avais été un grand dealer avec plein de cultures en 2013, pourquoi aurais-je braqué un fourgon pour 3 millions d’euros? » « L’un n’exclut pas l’autre! », intervient le président. « Avec ce braquage, j’ai mis toute ma vie en jeu. Quand j’ai atterri en prison, j’ai laissé ma femme sans rien… Si j’étais un dealer, je ne serais pas cinglé de foncer avec une kalachnikov dans une banque» , reprend le prévenu. Au fil de ses explications, son ton est monté d’un cran. Il finit par se rattraper : « Je suis énervé parce que je suis en colère. »

Frank V. insiste sur son innocence. « Vous n’avez pas une seule preuve que je leur ai remis de la drogue! » Selon lui, les dépositions de Boban B. sur les cultures sont « totalement stupides ». « Il est impossible de mettre sur pied en trois jours 4 000 plants », lance-t-il. « De combien de temps a-t-on donc besoin? », le coupe le président. « Tout d’abord, on ne fait pas rentrer comme ça cinq personnes dans une culture. Car le but est de la garder secrète. Six à huit semaines sont nécessaires. Et après il faut encore attendre 10 à 12 semaines jusqu’à la première récolte. »

D’un seul coup, le prévenu est dans son élément. Un vrai moulin à paroles qui s’attaque aux déclarations des enquêteurs. Leurs informations sur la culture de cannabis, ils les auraient tirées d’internet : « On ne peut pas acheter directement de l’herbe dans une culture. » À la demande du tribunal, il explique encore qu’avec 4 000 plants de cannabis on peut récolter entre 60 et 100 kg. Et que pour la coupe les personnes sont généralement acheminées dans des véhicules fermés pour éviter qu’elles puissent localiser la culture. « Je vous parle de ce qui s’est passé en 2002. Les faits pour lesquels j’ai été condamné en 2003. De l’histoire ancienne », assure-t-il.

La remarque « maintenant nous avons un véritable spécialiste devant nous» le relance de plus belle. C’est en 1995 qu’il aurait débuté avec le cannabis. Il aurait eu son shop à 80 m de la police. « Aux Pays-Bas, on a grandi avec l’herbe! »

« J’ai la flemme! »

Mais dès que le président revient aux éléments du dossier et évoque l’importante culture de Court-Saint-Étienne (B), il se mure de nouveau dans le silence. Le président persiste : « Retournons à Trooz (B) où vous habitiez avec votre femme. Pourquoi Boban B. et Kevin K. s’y sont-ils rendus plusieurs fois? » – « Il vaudrait mieux entendre les deux d’abord », suggère Frank V. Le président s’y oppose et lui repose la question. « Non je ne vais pas parler, car j’ai la flemme! »

Il est midi, l’heure de lever l’audience. « Nous allons nous arrêter là. Car nous aussi avons la flemme », conclut le président. Mais pas question de terminer ainsi son audition : « On poursuivra demain (NDLR : ce vendredi matin).»

Fabienne Armborst

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