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Tir mortel à Bonnevoie : la personnalité du policier décortiquée


La victime avait essayé d’échapper à un contrôle de police. Un agent a fait feu après une poursuite à travers Bonnevoie.  (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Discipliné, autoritaire, secret, méfiant… La personnalité du policier qui a abattu un automobiliste le 11 avril 2018 à Bonnevoie a été passée au crible en ce deuxième jour de procès.

Qui est le policier inculpé d’homicide? Sa personnalité explique-t-elle son geste meurtrier? Pour les psychiatres et psychologues entendus hier après-midi à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le jeune homme de 26 ans est «une énigme». Le prévenu dit avoir agi en état de légitime défense. La voiture lui fonçant dessus et la rapidité des faits ne lui auraient pas permis d’autre réaction que de dégainer son arme et d’en faire usage. Le tribunal doit déterminer si l’ancien policier a agi de manière adéquate ou s’il s’est rendu coupable d’homicide volontaire.

Mardi, au premier jour du procès, un expert en accidentologie a présenté trois scénarios possibles, plutôt favorables à la défense, élaborés en fonction des indices relevés sur les lieux et sur la voiture de la victime. Ils permettent d’illustrer la notion de danger qu’a pu ressentir le prévenu dans la fraction de secondes lors de laquelle la voiture de la victime est arrivée sur lui.

Mercredi après-midi, ce sont les experts psychiatres et psychologues qui ont décrypté la personnalité du prévenu pour essayer de comprendre son geste. Tous sont unanimes quant à ses principaux traits de caractère et à «sa part sombre». Ils le décrivent comme étant un bon policier, méticuleux, discipliné, d’une intelligence largement supérieure à la moyenne, qui préfère affronter les situations plutôt que de les éviter. Mais il serait aussi un jeune homme méfiant, conservateur et secret, présentant une obsession du contrôle, pouvant se montrer agressif et manquer d’empathie.

Justicier ou policier acculé?

Ensuite, leurs interprétations divergent. Le premier expert envisage un «besoin d’action» : «À la lecture du dossier, on peut se demander s’il n’a pas joué au cow-boy» et d’ajouter que le prévenu «a eu une occasion de jouer au shérif. Il est policier, il a donné un ordre et il s’attend à ce qu’on réponde à son autorité».

Un autre avance que le prévenu «a estimé que le danger était suffisamment conséquent pour légitimer l’usage de son arme». Il se rallie à ses confrères et explique que le processus décisionnel «est à vitesse variable» en fonction de différents facteurs propres à chaque individu et à chaque situation. «Chacun traite les informations selon sa structure psycho-sociologique.»

Un autre élément interroge le tribunal et les experts : des photographies d’exécutions, de décapitations et de violences policières retrouvées sur l’ordinateur du prévenu. Téléchargées après les faits, elles noircissent la personnalité du jeune homme qui se défend de les avoir consultées puis sauvegardées et a refusé de les évoquer avec les quatre experts.

Si elles avaient pu lui servir d’exutoire ou à le rassurer sur la gravité de son geste, il l’aurait admis, explique l’un d’eux à la présidente de la chambre criminelle, dubitative. Un autre indique que toute scabreuse que soit leur nature, elles ne permettraient pas de conclure à des tendances sadiques du prévenu. «Si c’était le cas, il aurait pu faire usage de son arme à un autre moment que lorsqu’il a perçu un danger extrême», précise-t-il.

Une question de point de vue

Au final, la réaction de l’ancien policier – bonne ou mauvaise – aurait été conditionnée par sa personnalité et son vécu, se rejoignent les experts. Un autre policier aurait pu décider différemment de la réponse à donner à ce délit de fuite. Reste à savoir, appuie la défense assurée par Me Penning, si la rapidité des faits permettait d’agir autrement. Le film de la reconstitution des faits devrait éclairer les esprits, de même que le témoignage de l’enquêteur de l’inspection générale de la police.

Tout ne serait donc qu’une question de point de vue. La suite du procès permettra aux juges d’affiner le leur et de décider si le prévenu a voulu jouer au shérif sans mesurer la portée de ce désir, s’il a véritablement agi en légitime défense ou s’il a pris la mauvaise décision.