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Tentative de putsch meurtrière en Turquie : Erdogan reprend la main


Photo fournie par l'agence de presse présidentielle montrant Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 2 juillet 2016. (Photo : AFP)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan semblait avoir repris la main samedi matin après une tentative de putsch sanglante de militaires rebelles à laquelle se sont opposées des forces loyalistes et des dizaines de milliers de personnes descendues dans les rues du pays.

Les affrontements, avec avions de chasse et chars, ont donné lieu à des scènes de violences inédites à Ankara et Istanbul depuis des décennies. Ils ont fait au moins 265 morts dont 161 civils et plus de 1 400 blessés.

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Des dizaines de milliers de personnes, brandissant souvent des drapeaux turcs, ont bravé les militaires rebelles, grimpant sur les chars déployés dans les rues ou se rendant à l’aéroport d’Istanbul pour accueillir Recep Tayyip Erdogan, rentré précipitamment de vacances dans la mégalopole dont il fut longtemps maire et qui est son fief.

C’est peu avant minuit qu’un communiqué des «forces armées turques» avait annoncé la proclamation de la loi martiale et d’un couvre-feu dans tout le pays, après des déploiements de troupes notamment à Istanbul et dans la capitale Ankara. Les putschistes ont justifié leur «prise de pouvoir totale» par la nécessité d’«assurer et restaurer l’ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l’Homme et les libertés et laisser la loi suprême du pays prévaloir».

Mais Recep Tayyip Erdogan, cible ces dernières années de nombreuses critiques l’accusant de dérive autoritaire, a répliqué en appelant depuis Marmaris (ouest) la population à s’opposer au putsch, dans une intervention en direct à la télévision depuis un téléphone portable.

«Trahison»

«Il y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple» et «si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve», a-t-il lancé.

«Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés», a-t-il renchéri à son arrivée à l’aéroport d’Istanbul, dénonçant une «trahison» devant une foule compacte de sympathisants. Et de féliciter les Turcs pour être descendus «par millions» dans les rues, notamment sur l’emblématique place Taksim à Istanbul, noire de manifestants conspuant les putschistes.

Son Premier ministre Binali Yildirim a de son côté assuré que tout était «largement sous contrôle», des télévisions rapportant que le chef d’état-major des armées turques, le général Hulusi Akar, retenu par les putschistes dans une base aérienne de la banlieue d’Ankara, avait été libéré et conduit en lieu sûr.

De nombreux hauts responsables militaires s’étaient désolidarisés publiquement dans la nuit des putschistes, dénonçant «un acte illégal» et appelant les rebelles regagner leurs casernes. Plus de 1 500 militaires ont été arrêtés suite à la tentative de putsch, selon une source officielle, alors que 200 soldats, qui étaient retranchés à l’état-major, se sont rendus.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, la hiérarchie militaire a été purgée à plusieurs reprises. L’armée de ce pays clé de l’Otan, qui compte 80 millions d’habitants, a déjà mené trois coups (1960, 1971, 1980) et forcé un gouvernement d’inspiration islamiste à quitter sans effusion de sang le pouvoir en 1997.

Samedi au petit matin, des dizaines de soldats se rendaient aux forces de sécurité sur un des ponts sur le Bosphore à Istanbul, où les rebelles avaient dans la nuit ouvert le feu sur des civils. Alors que des tirs sporadiques résonnaient encore dans certains quartiers d’Istanbul et Ankara, le Parlement turc s’est réuni en session extraordinaire.

Dans la capitale, un avion avait largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel, aux abords duquel des avions de chasse F-16 ont bombardé des chars de rebelles, selon la présidence.

Recep Tayyip Erdogan, qui a déclaré que l’hôtel où il se trouvait en vacances avait été bombardé après son départ, a accusé les putschistes d’être liés à son ennemi juré l’imam Fethullah Gülen, un ancien allié exilé depuis des années aux États-Unis.

«Tentative idiote»

«Je réfute catégoriquement ces accusations», a rétorqué ce dernier dans un communiqué. «J’ai souffert de plusieurs coups d’État militaires au cours des 50 dernières années et trouve donc particulièrement insultant d’être accusé d’avoir un quelconque lien avec cette tentative». Les condamnations internationales se sont multipliées contre ce que le Premier ministre Yildirim a qualifié de tentative «idiote», «vouée à l’échec».

Le président américain Barack Obama a appelé à soutenir le gouvernement turc «démocratiquement élu», et l’Union européenne a demandé un «retour rapide à l’ordre constitutionnel» assurant «soutenir totalement le gouvernement démocratiquement élu, les institutions du pays et l’État de droit». Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont le pays vient de se réconcilier avec la Turquie, a demandé d’éviter «tout affrontement meurtrier».

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a jugé «crucial de réinstaurer le pouvoir civil et l’ordre constitutionnel rapidement et pacifiquement». En Iran, voisin de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a exprimé sa «grande inquiétude».

M.R/AFP