Les tarifs du train ont changé en Lorraine : l’usager occasionnel et les étudiants sont pénalisés. Pour le moment, la réforme ne touche pas les frontaliers. Le Luxembourg reste vigilant.
On reste dubitatif sur le dialogue franco-luxembourgeois à propos du train. Interrogés sur les modifications de tarifs lundi, les responsables de la région Grand Est nous ont répondu : «Nous sommes en discussion avec le Luxembourg pour faire converger les prix, une première réunion a déjà eu lieu.» Et du côté luxembourgeois : «Il n’y a pas encore eu de réunion. La région Grand Est a annoncé vouloir discuter des tarifs avec les CFL.» Voilà.
Pourtant, le dossier est important : le Grand Est a revu l’ensemble de ses tarifs, avec un gros point d’interrogation sur la capacité à rendre le train plus attractif. Un sac de nœuds que nous démêlons ici. Cette réforme intéresse quoi qu’il en soit le Luxembourg, dont le message, tant envers les Belges que les Français, est de tout faire pour développer les alternatives à la voiture.
La réforme côté lorrain
Le but : Harmoniser les gammes tarifaires sur l’ensemble du Grand Est : Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne. Auparavant, chaque région gérait les subventions qu’elle apportait à la SNCF pour faire baisser le prix des billets. La région Lorraine était celle qui proposait parmi les tarifs les plus bas.
Les points positifs : Le voisin français fidélise les habitués du train. Il simplifie la gestion des cartes commerciales et des abonnements, qui dépendent désormais uniquement de l’âge (plus ou moins de 26 ans). Les grands gagnants de la réforme sont les jeunes travailleurs, qui avant ne pouvaient plus bénéficier des abonnements étudiants alors qu’ils se lançaient dans la vie active. L’autre grand gagnant est le voyageur du week-end. Il est sûr de pouvoir voyager dans tout le Grand Est avec au minimum 50% de réduction.
Les points négatifs : Le voyageur occasionnel (qui ne prend même pas une carte commerciale) va disparaître. Même si le billet unitaire reste moins cher que la voiture aux frais kilométriques réels, les prix sont trop dissuasifs. Dommage : n’est-ce pas l’usager occasionnel qu’il faut séduire pour l’inciter à laisser sa voiture de côté ?
Le détenteur d’une carte commerciale âgé de plus de 26 ans est également sanctionné : avec ses 30% de réduction en semaine, il retombe à peine sur les prix pratiqués avant les augmentations. Dernier point : l’étudiant lorrain bénéficiait d’un abonnement nettement moins cher avec la défunte carte campus… Il est donc lui aussi lésé.
On s’est amusé à calculer ce que coûte la voiture par rapport au train, même en se basant sur les tarifs de train les plus chers…
Luxembourg : le billet de train le plus cher coûte 4 euros aller-retour valable dans tout le pays. Ce tarif unique bat forcément tous les trajets. En voiture, si on se base sur des frais kilométriques réels (essence, usure, assurance, décote, entretien) moyens de 0,35 euro/km, un Esch-Luxembourg aller-retour coûte 13 euros. Un Pétange-Clervaux aller-retour, 53 euros.
France : Un Nancy-Longwy à 44 euros en aller-retour en train revient à 120 euros en voiture (frais réels à 0,51 euro du kilomètre, ajustés aux prix français calculés par une agence gouvernementale). Un Metz-Nancy à 23 euros en train revient à 61 euros en voiture.
France-Luxembourg : le billet unitaire transfrontalier vaut 21 euros. Un Thionville-Luxembourg en voiture aux frais réels français revient à 36 euros.
La réforme côté luxembourgeois
Le contexte : On observe tous ces changements avec circonspection. Le ministre en charge des Transports, François Bausch, le répète : il faut favoriser les alternatives à la voiture! Dans une relation «gagnant-gagnant», le ministre s’est d’ailleurs dit prêt à financer certaines infrastructures liées au train (parking relais à Longwy ?). Dans le même ordre d’idées, il propose aussi des aides aux Belges sur la révision des tarifs d’abonnement. Les discussions n’en sont qu’au premier stade avec les Wallons : «Un financement est envisageable, mais non confirmé», nous glisse-t-on du côté du ministère.
La situation actuelle : Les abonnements des frontaliers français n’ont pas été touchés pour le moment, sauf pour les étudiants. Un abonnement Metz-Luxembourg annuel sans Mobilitéit Kaart luxembourgeoise reste à 85 euros par mois. Le même abonnement avec l’option M-Kaart luxembourgeoise (bus à l’arrivée, etc.) revient à 120-135 euros par mois, selon les modalités de paiement. Problème, contrairement à la France, il n’existe pas d’obligation de la part de l’employeur de prendre en charge 50% des abonnements de train. Pour les frontaliers qui utilisent voiture et train selon les jours, ça revient donc cher.
Le billet à l’unité «Lorraine-Luxembourg» reste valable : 21 euros l’aller-retour, avec accès toutes gares Luxembourg pendant 24 heures. Ce qui est déjà cher… «Une augmentation outre mesure ne serait pas propice au partage modal 75/25 (NDLR : 25% de transports en commun dans le pays d’ici 2020) et donc, non favorable du point de vue luxembourgeois», prévient-on du côté du département des Transports.
On retombe sur la même réflexion : ne faut-il pas tout mettre en œuvre pour convaincre l’usager frontalier occasionnel de prendre le train ?
Hubert Gamelon
Deux exemples concrets
Metz-Nancy (petit trajet)
Avant : abonnement adulte : 113 euros par mois, étudiant : 11,20 euros par mois.
Maintenant : abonnement adulte : 113 euros par mois, étudiant (moins de 26 ans) : 55,10 euros par mois. Billet unitaire : 23 euros aller-retour !
Longwy-Nancy (trajet long)
Avant : abonnement adulte : 228,90 euros par mois, étudiant 22,40 euros par mois.
Maintenant : abonnement adulte : 228,90 euros par mois, étudiant : 55,10 euros par mois. Sans abonnement : 44 euros aller-retour !
Remarque (ce qui n’existe pas au Luxembourg) : le travailleur français peut exiger de son employeur la prise en charge de 50% de son abonnement de train.
Chantiers à venir au niveau de Bettembourg
Face aux usagers et aux associations, la région Grand Est, la SNCF et les CFL ont présenté un état des lieux du réseau ferroviaire, jeudi soir. En Moselle, c’est évidemment la ligne qui relie Metz à Luxembourg qui a accaparé les discussions. L’accent a été mis sur les futures réalisations, comme la mise en place, à partir de juin 2020, de 25 nouvelles rames pour 28 millions d’euros.
Le dédoublement des voix entre Bettembourg et Luxembourg a aussi beaucoup fait parler : un barrage complet a été annoncé dans le cadre des travaux, d’une semaine en février (du 10 au 18 février) et de six semaines pour l’été 2018 (du 14 juillet au 24 août). Des mesures bis seront mises en place, mais les frontaliers vont devoir prendre leurs dispositions !
Une volonté de dialogue avec les usagers a été affichée. Ce qui n’empêche pas certains points de friction quand on évoque les problèmes récurrents de retards sur la ligne. Si la Région affirme que le taux de régularité du réseau global est de 95%, le score des trains transfrontaliers est moins impressionnant. «On est plus proche de 70%», selon les usagers.
Malgré cette bataille de chiffres, les choses avancent. Le travail en partenariat avec l’Association des voyageurs du TER Metz-Luxembourg (AVTERML) porte ses fruits. Deux annonces concrètes ont été faites : l’arrivée prochaine d’un fil Twitter et le retour du blog de ligne, tous deux permettant d’informer les voyageurs. Au-delà des retards, c’est le manque de communication qui est reproché à la SNCF.
Le Républicain lorrain et Le Quotidien