À travers les premiers jours de travail d’un livreur, plongez au cœur d’une société de livraison de repas en pleine expansion au Luxembourg, Wolt.
Premier jour sur la place d’Armes en tant que livreur pour la plateforme Wolt pour Nour (NDLR : prénom modifié pour l’article). Sac bleu sur le dos, il se mêle à ses confrères qui travaillent pour des compagnies concurrentes telles que Wedely, MiamMiam ou encore Goosty. Certains patientent dans l’attente d’une nouvelle commande, d’autres s’activent aux comptoirs des enseignes de fast-foods ou de pizzas qui encadrent la place. Il est 14 h et l’homme de 43 ans a déjà réalisé ses trois premières livraisons.
Au Grand-Duché, ils sont une bonne centaine, comme Nour, à s’être tournés vers la société finlandaise. «J’ai récemment perdu mon travail d’ouvrier après un licenciement économique. J’ai découvert Wolt via des articles de presse sur internet. J’ai ensuite décidé d’aller parler à quelques livreurs qui m’ont tous dit que cette plateforme payait bien», détaille le père de deux enfants, qui compte sur cette nouvelle manne financière pour payer son loyer et nourrir sa famille. «J’espère gagner un peu plus que salaire minimum, sinon j’arrête», appuie-t-il. Comme 70 % de ses collègues, il a préféré choisir sa voiture pour travailler.
Pour entrer dans les rangs du service de livraison, Nour s’est rendu sur la plateforme de la société dédiée aux livreurs. «Sur notre plateforme, il n’y a aucun classement. Le premier dossier est le premier traité. Nous apportons une grande attention à la conformité des dossiers», indique Ludvig Helmertz, directeur général par intérim de Wolt Luxembourg. «Nous ouvrons les embauches en fonction du volume de commandes sur le secteur.»
Chez Wolt, les livreurs sont des travailleurs indépendants. Ils s’intègrent dans un schéma en triangle formé par eux, les clients et les restaurants. «C’est un triangle où toutes les parties ont la même importance», souligne Ludvig Helmertz.
«Chaque segment a une application qui lui est dédiée et nous les mettons en relation pour assurer le meilleur des services aux trois piliers. Nous avons des armées d’équipes produits qui travaillent chaque jour pour que ces outils leur simplifient la vie».
L’avantage de la flexibilité
Sur le terrain, lorsque le téléphone de Nour sonne pour l’avertir d’une commande, ce dernier a le choix de l’accepter ou de la refuser. «Ça me plaît, car je suis plus libre. Il n’y a pas de répercutions si je décide de ne pas valider», décrit-il. Durant la journée, ce sont ces dernières qui vont faire le salaire du livreur. Lorsqu’une demande s’affiche sur son téléphone, il voit le prix minimum qu’il obtient s’il s’engage à réaliser cette livraison.
«Ce prix minimum peut toujours être augmenté s’il prend deux commandes en même temps. Par exemple, dans un même restaurant pour deux clients différents qui vivent à proximité l’un de l’autre», illustre Ludwig Helmertz. À cela peut s’ajouter les pourboires donnés par les clients. À partir du moment où il valide une commande, Noor a trente minutes pour la livrer à bon port.
Autre atout de la plateforme : la flexibilité. «Je ne suis pas obligé d’être connecté en permanence à l’application et du coup, rien ne m’oblige à rester à proximité des restaurants», note Nour. Ludvig Helmertz appuie la volonté de Wolt que les livreurs ne travaillent pas 24 heures sur 24. En Europe, les livreurs de Wolt sont sur le terrain en moyenne 10 heures par semaine.
«Ils peuvent se connecter à leur application et être prêts à travailler tout comme ils peuvent être connectés depuis leur canapé. Pour donner un parallèle, on peut être connecté sur Instagram et ne passer qu’une seule heure sur l’application.» En résumé, Nour peut décider de travailler autant ou aussi peu qu’il le souhaite. Aussi, l’algorithme de la plateforme ne propose pas plus de missions à un livreur qui travaille plus qu’un autre.
Stress et poids de l’administration
Quelques jours se sont écoulés depuis la première expérience de Nour. Ce lundi, il pleut. Ses collègues lui ont assuré que les jours gris, les commandes étaient plus nombreuses, mais le téléphone reste terriblement silencieux. «Avec l’essence et la sécurité sociale à payer, je ne sais pas si je vais continuer ce métier très longtemps», souffle-t-il.
Le rythme aléatoire des commandes génère du stress, tout comme les salaires variables suivant les mois. Travailler dur les week-ends peut rapidement devenir une nécessité. Aussi, le statut d’indépendant ne permet pas de bénéficier de congé maladie et le pourcentage à verser à la sécurité sociale est conséquent.
Il y a énormément de bureaucratie pour obtenir le statut d’indépendant
Dès le début, obtenir le statut de travailleur indépendant a représenté un véritable chemin de croix pour le père de famille. La société de livraison, elle-même, a été surprise par le poids des démarches administratives au Luxembourg. «En Scandinavie, on peut décider de devenir livreur le vendredi soir, de travailler le week-end et d’être payé le lundi. Ici, il y a énormément de bureaucratie pour pouvoir obtenir le statut d’indépendant. Il faut entre 15 et 20 documents et payer entre 300 et 500 euros. Il y a beaucoup de barrières», constate Ludvig Helmertz.
Un métier mieux encadré
Des obstacles qui profitent à certains. En février 2023, l’OGBL tirait la sonnette d’alarme pour signaler l’exploitation de livreurs ou livreuses au Grand-Duché. Le syndicat indiquait que certaines plateformes, comme WeDely ou Goosty, travaillent avec de faux indépendants qui, bien que ne disposant pas d’un statut de salarié, se trouvent dans un lien de subordination très clair envers leur commanditaire.
«Cela crée de la précarité. Certains livreurs se retrouvent avec leurs comptes bloqués, sans travail du jour au lendemain. L’employeur prend la liberté de donner des ordres aux livreurs, évaluent leur prestation et les sanctionnent», liste David Angel, secrétaire central en charge du commerce chez l’OGBL. «Aujourd’hui, le plus important pour nous, c’est l’application de la directive européenne. Nous estimons qu’il faut faire vite pour la transposer au niveau national.»
Nos équipes ne sont pas là pour donner des instructions
Le 11 mars, un compromis était trouvé entre les États membres de l’UE pour renforcer la législation sur les travailleurs des plateformes numériques. L’objectif de cet accord est de clarifier leur situation et de renforcer leur protection sociale pour que ces travailleurs indépendants ne soient plus soumis à de nombreuses obligations salariales.
Du côté de Wolt, on tâche de respecter à la lettre le statut de travailleur indépendant. «Nous sommes une entreprise globale qui opère une trentaine de marchés, donc nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas être conformes», pointe Ludvig Helmertz. «Au Luxembourg, nous avons une équipe multilingue pour aider les livreurs partenaires, mais ces équipes ne sont pas là pour donner des instructions. Nous souhaitons rester dans les clous.»
Cap au sud du Luxembourg
Depuis son implantation au Luxembourg, le 29 février dernier, Wolt connait un succès retentissant. «Nous avons observé une croissance de 100 % de mars à mai, et 12 000 personnes ont déjà téléchargé l’application. Un score incroyable vu la taille de la ville», se réjouissait Ludvig Helmertz, directeur général. En mai, la société finlandaise se développait un peu plus au Grand-Duché en lançant Wolt+, service dont les membres bénéficient, pour 9,99 euros par mois, de la livraison gratuite et illimitée auprès de leurs restaurants, cafés et magasins préférés (liste des partenaires à consulter dans l’application).
Nouvelle étape ce mercredi 19 juin, Wolt se déploie dans le secteur d’Esch-sur-Alzette. «Les habitants de la ville du sud et des communes environnantes, comme Differdange, Schifflange, Mondercange ou encore Sanem, pourront utiliser l’application ou le site web Wolt pour se faire livrer en 30 minutes plus de 75 restaurants et d’autres produits à leur domicile ou à leur travail», indique la société dans un communiqué.