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Stëmm vun der Strooss : «Ce qu’on a de nouveau, c’est déjà trop petit»


Pour Arnaud Watelet, directeur administratif et financier, la Stëmm doit avoir un second restaurant à Luxembourg afin de répondre à une croissance exponentielle de bénéficiaires. (photo Hervé Montaigu)

À travers son bilan d’activité 2023 présenté lundi, la Stëmm vun der Strooss alerte sur la hausse de la pauvreté au Luxembourg et cherche plus de moyens afin de pouvoir continuer de répondre aux besoins de tous.

On a de belles performances malheureusement. On aimerait en faire moins, mais on doit répondre aux besoins», annonce Arnaud Watelet à l’heure du bilan 2023 de la Stëmm vun der Strooss dont il est le directeur administratif et financier. Très vite, à la vue des chiffres de l’association qui œuvre pour l’intégration sociale, il est clair que la pauvreté a franchi un nouveau palier au Grand-Duché. «Déjà, nous avons servi 198 127 repas en un an, c’est quelque chose de monumental.»

Comme un symbole de la hausse de la pauvreté, le nombre de bénéficiaires mineurs a augmenté de 128 % en un an. Source : stëmm vun der strooss

À titre de comparaison, lors de la dernière année de référence avant le Covid-19, la Stëmm en avait servi 109 655. Le nombre de repas quotidiens a plus que doublé en quatre ans, passant de 720 à 449. Autre chiffre saisissant : l’explosion du nombre de bénéficiaires. «Nous sommes passés de 5 639 personnes en 2019 à 11 173 en 2023, c’est colossal.» Par rapport à 2014, la fréquentation actuelle a augmenté de 301 %.

«Il y a eu le covid, puis la guerre en Ukraine et l’inflation», tente d’expliquer Marcel Detaille, président de l’association. Autant de facteurs qui touchent les Luxembourgeois, au nombre de 1 123, que les pays aux alentours. Parmi les pays les plus représentés se trouvent le Grand-Duché et le Portugal, suivis de la Roumanie, l’Espagne et la France. «Nous sommes un pays attractif. Ce n’est pas un problème, mais nous arrivons au terme de nos capacités.»

Un deuxième restaurant nécessaire dans la capitale

Les restaurants sociaux sont le symbole de trop-plein. Interrogé sur d’éventuelles améliorations pour 2024, le président répond clair et net : «On a besoin d’un autre restaurant social à Luxembourg, car nous sommes au-delà de nos capacités». Bien qu’un troisième restaurant ait ouvert à Ettelbruck en février 2023, ceux d’Hollerich et d’Esch-sur-Alzette n’ont pas désempli. Au contraire, leur fréquentation 2023 a respectivement augmenté d’environ 1 000 et 1 500 personnes en un an.

«Sous deux ans, si nous n’avons pas ouvert une nouvelle structure de restauration sur Luxembourg, on ne saura pas en capacité de subvenir à ses vagues qui nous arrivent dessus. On sera dans l’impossibilité de servir tout le monde», prévient Arnaud Watelet.

Bien que rien ne soit fixé pour l’emplacement, la capacité du nouveau restaurant serait de 50 personnes. Une solution qui ne serait pourtant pas à la hauteur de la hausse de la demande. «Comme j’ai toujours dit, ce qu’on a de nouveau c’est déjà trop petit, l’évolution est comme cela», constate Marcel Detaille. La croissance étant si rapide qu’«aujourd’hui, le repas n’est servi qu’une fois par personne. Alors qu’il y a deux ans, il y avait du rab au comptoir».

À Esch-sur-Alzette, la cuisine et le restaurant devraient être réunis dans un même établissement d’ici 2025 afin d’accueillir toujours plus de clients. Forcément, l’accueil baisse en qualité face à l’afflux de bénéficiaires. À Hollerich, en moyenne 450 personnes viennent chaque jour se restaurer. Pour le personnel, dont la mission est «plus que de servir un repas», la tâche devient compliquée. Voire épuisante. «On a des équipes ultra-engagées, on répond coûte que coûte mais en fin de journée, on voit que c’est compliqué pour nos équipes d’accueil car la sollicitation est tellement forte», regrette le directeur financier et administratif.

«Il nous faut des bénévoles»

Parmi les signaux inquiétants, la présence des mineurs dans les restaurants préoccupe grandement la direction, tout comme Lydie Polfer, surprise par les chiffres présentés lors du bilan. Cette population, «anecdotique il y a deux ans», représente désormais 3,8 % du public, contre 1,3 % en 2021. Bien qu’ils soient souvent accompagnés par un parent, «un restaurant social n’est pas un lieu où un enfant peut se sentir en sécurité».

Marcel Detaille et Lydie Polfer. (photo Hervé Montaigu)

Pour Marcel Detaille, ces 219 mineurs supplémentaires en un an sont le symbole de la pauvreté au Luxembourg : «La pauvreté va vers le haut de la société. Avant, c’étaient des gens seuls dans la rue et maintenant on tombe sur des familles». Les moins de 25 ans sont également les nouvelles victimes (+57 %), notamment ceux qui «n’ont pas eu de suivi dans les écoles ni de certificats d’études».

Malgré tout, les 76 travailleurs sociaux et les 30 bénévoles ne démordent pas. Le nombre de consultations gratuites par des médecins bénévoles a augmenté de 12 %, l’accueil en ateliers thérapeutiques de 21 %, le nombre de douches gratuites de 19 %. Le Stëmm Caddy, qui récupère des denrées alimentaires destinées à être jetées pour en faire faire des plats, a aussi connu une belle année. En 2023, 189 tonnes ont été récupérées et «avec l’arrivée de la Banque alimentaire comme fournisseur de produits frais, on devrait faire 80 tonnes de plus en 2024».

La situation nationale reste néanmoins alarmante pour le président. «On est inquiets parce que l’inflation nous tombe sur le dos et les gens ont toujours moins d’argent pour finir le mois et c’est la raison pour laquelle l’augmentation de la clientèle va se faire», prévoit-il. La Stëmm tentera alors d’y répondre au mieux, en renforçant ses projets actuels tout en espérant l’arrivée d’un nouveau restaurant et de bénévoles. «On peut toujours faire plus, mais il nous faut des bénévoles car il faut de l’encadrement», lance Arnaud Watelet.

Un budget restreint en 2023

Comment supporter une augmentation de 3 808 bénéficiaires en un an? Pour la Stëmm, cela s’est fait difficilement. «Notre budget alimentation a forcément explosé à cause de l’inflation et du volume à produire. C’est environ 180 000 euros de plus qu’en 2022», précise Arnaud Watelet. Avec des repas vendus 50 centimes et qui coûtent entre 2 et 3 euros de matière première, «plus on vend, plus on perd», sourit le directeur financier. En tant qu’association à but non lucratif, cela ne pose pas de problème, bien que cette hausse ne fut pas dans les prévisions 2022. «Ce n’était pas prévu du tout, comme pour le coût de l’électricité et du gaz.»

Alors, au vu d’un «budget qui allait déraper très fortement», la Stëmm a réduit ses dépenses non nécessaires telles que les activités socioéducatives comme le carnaval ou Halloween. «Au final, on va remettre entre 150 000 et 200 000 euros récoltés par les dons afin de payer les factures de 2023. Mais si on n’avait pas freiné quand on a vu ce qui se passait, c’était 400 000 euros qu’on aurait dû mettre.» Dans ce contexte économique tendu, l’association a pu compter sur le ministère de la Santé, qui a versé 7 741 000 euros, ainsi que sur les dons historiquement haut, estimés à 1 million d’euros. «Cela fait aussi partie des records, c’est un très bon niveau. On voit que la population nous suit et nous aide.»

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