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[Série] The Righteous Gemstones, une famille en or


Avec The Righteous Gemstones, Danny McBride signe son œuvre la plus ambitieuse. (Photo : hbo)

Une famille de télévangélistes qui cache bien des secrets et des trahisons : c’est The Righteous Gemstones, dont la géniale saison 3, qui vient de s’achever, la place dans la lignée de Succession, l’humour bête et méchant en plus. Alléluia !

Danny McBride est un roi de la comédie, mais son amour du cinéma d’horreur lui a ouvert de nouvelles portes. Entre 2018 et 2022, il a redonné vie à l’une des sagas phares du genre, Halloween, le temps de trois films qu’il a coécrits avec le réalisateur David Gordon Green. Après le succès de la trilogie, le duo n’a pas l’intention de s’arrêter là. En octobre, est attendu dans les salles The Exorcist : Believer, toujours de Green sur une idée de McBride, qui reprend l’idée fondatrice du Halloween de 2018 : offrir une suite directe au film originel en faisant revenir son actrice principale. Et si John Carpenter s’était impliqué dans les nouveaux Halloween en composant la musique, aucun des deux producteurs n’a réussi à convaincre William Friedkin, disparu lundi à l’âge de 87 ans, de prendre part à la suite de son classique.

Quatre pleines décennies séparent Halloween (John Carpenter, 1978) de son «reboot»; The Exorcist : Believer, lui, arrivera en salles cinquante ans après le film de Friedkin, sorti en 1973. Il y a fort à parier que les histoires au long cours sont une passion que le McBride fan d’hémoglobine a transmise au McBride pitre. Avec The Righteous Gemstones, saga familiale présentant les luttes internes d’une smala dysfonctionnelle de télévangélistes multimillionnaires, qui vient de terminer la diffusion de sa saison 3 sur la chaîne américaine HBO (et Be TV au Luxembourg), Danny McBride prouve qu’il a bien plus à offrir que le lot de gags sous la ceinture auquel il nous avait habitués. Mieux : la série ne se contente pas de marcher dans les pas de Succession – qui s’est achevée en mai sur HBO, après quatre saisons et la réputation d’avoir transformé la dramaturgie des séries télé –, elle la dépasse déjà en tous points.

Mâle alpha

Danny McBride a créé seul The Righteous Gemstones; il coécrit et supervise tous les épisodes et, à l’occasion, en réalise quelques-uns. Et, bien sûr, il en est l’un des interprètes principaux. Son Jesse Gemstone, fils aîné de l’empire construit par ses parents, est né dans l’opulence et n’a aucune idée de ce qu’est la vie en dehors du quartier privé dans lequel il a, pour seuls voisins, sa sœur, son frère et son père. Son compte en banque a beau le placer aux antipodes des précédents «losers» magnifiques créés par McBride, le lien est vite tracé.

Kenny Powers, ex-star du baseball forcée d’aspirer à une vie normale (Eastbound & Down, 2009-2013), le vice-proviseur autoritaire Neal Gamby (Vice Principals, 2016-2017) et Jesse Gemstone sont tous, sous les traits de l’acteur, une satire de l’Américain moyen du sud des États-Unis, rustre et vulgaire, à la virilité, sinon exacerbée, du moins surjouée, et capable en un clin d’œil de changer ses manières pour celles d’un véritable gamin. «Tous ces mecs ont souscrit aux règles vieillottes qui sont supposées définir ce que devait être un mec», analysait récemment le principal intéressé pour le New York Times. «Ils s’y sont engagés, mais le fait est que la réalité ne correspond pas à l’illusion.»

Je ne me vois pas comme un mâle alpha, mais (…) il y a quelque chose qui me fera toujours rire dans le fait de me présenter comme un mâle alpha

La matrice de ce personnage, Danny McBride l’a déroulée dans son premier vrai rôle de cinéma, celui d’un professeur de taekwondo qui cache sa médiocrité derrière la promesse qu’il peut apprendre aux autres à se battre, dans le film The Foot Fist Way (Jody Hill, 2006).

Depuis, on l’a vu sous les traits d’un artificier impatient dans Tropic Thunder (Ben Stiller, 2008); d’un dealer tête brûlée dans Pineapple Express (David Gordon Green, 2008); ou encore d’un prince grincheux, héritier d’un royaume ravagé dans Your Highness (David Gordon Green, 2011). Même lorsqu’il joue son propre rôle dans la comédie apocalyptique This Is the End (Seth Rogen et Evan Goldberg, 2013), c’est pour apparaître coiffé d’un mulet et jouant une variation sur le personnage de Kenny Powers. Danny McBride reconnaît s’être pris d’affection pour cette figure. «Je ne me vois pas comme un mâle alpha, mais je sais qu’intrinsèquement, il y a quelque chose qui me fera toujours rire dans le fait de me présenter comme un mâle alpha», résume-t-il.

Avec lui, c’est «cinquante nuances de connard», chaque personnage lui permettant d’explorer une nouvelle facette du personnage : «l’ego» pour Kenny Powers, «le pouvoir» pour Neal Gamby et «la famille et la tradition» avec les Gemstones, tous plus détestables les uns que les autres.

Saga personnelle

Celui qui a été élevé dans une famille baptiste d’une petite ville de l’État de Géorgie s’est embarqué, avec The Righteous Gemstones, dans son œuvre la plus ambitieuse. Le bourgeois blanc, stupide, intolérant et narcissique n’est ici plus le seul protagoniste, mais l’un des rouages d’une histoire complexe qui s’étale sur des décennies.

McBride n’y raconte pas seulement les querelles de succession qui viennent saper l’équilibre fragile de la famille Gemstone (c’est le principal fil narratif de la troisième saison) : il s’intéresse à la constitution et l’agrandissement de son empire, au passé trouble du patriarche, Eli (John Goodman), qui aurait quelque chose à voir avec la constitution de sa richesse, et va même jusqu’à explorer l’enfance de Jesse, Judy et Kelvin. Tout est histoire de rancœurs, de secrets et de trahisons, que McBride aborde avec une finesse – et, parfois, une tendresse inattendue – qui n’a d’égale que la bêtise et la méchanceté de son humour.

Danny McBride dit avoir sa «propre relation à Dieu» et glisse ne pas avoir mis les pieds dans une église depuis l’enfance. Mais sa série, la plus personnelle qu’il ait jamais écrite, est née d’un choc qui l’a ramené à ses années de formation : en 2017, il quitte Hollywood et déménage par la même occasion sa maison de production, Rough House Pictures, à Charleston, en Caroline du Sud. À son arrivée, il dit avoir «été frappé par toutes ces églises (…) Ça m’a poussé à me demander ce qu’est l’Église aujourd’hui.»

Une série pensée en six saisons

De fil en aiguille, il s’est intéressé aux «megachurches», ces paroisses immenses, semblables à des stades, où l’on donne des messes devant un public de plusieurs milliers de personnes. Et ne cesse de creuser l’ironie et les contradictions de ce monde à part, quasi mafieux, dans lequel les Gemstones ne sont jamais à l’abri d’être la cible d’un journaliste un peu trop fouineur ou d’attirer les jalousies de puissants pasteurs rivaux. La dernière fournée d’épisodes en date introduit même le beau-frère d’Eli, Peter (Steve Zahn), un prêcheur excommunié à la tête d’une milice survivaliste.

Lorsque HBO avait donné le feu vert à la saison 2 des Gemstones, Danny McBride avait dévoilé le secret que toute la série était déjà planifiée dans sa tête, et que cette saga biblique devait courir sur six saisons. La saison 4 vient d’être validée par la chaîne, en pleine grève des scénaristes. On ne sait pas comment celle-ci pourrait affecter le bon développement de la suite de l’œuvre, depuis que Danny McBride, David Gordon Green et Jody Hill, les trois amis d’enfance derrière Rough House Pictures, ont déserté les studios de Los Angeles pour construire leur paradis audiovisuel qui consomme local. On peut déjà prédire, en revanche, que The Righteous Gemstones, qui vient d’atteindre un premier pic de génie avec sa saison 3 (et s’est enfin hissée parmi les séries les plus vues sur HBO), nous réserve encore le meilleur.

The Righteous Gemstones (saison 3), de Danny McBride. Be TV.

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