Les statistiques en matière d’accidents sur le lieu de travail stagnent au Luxembourg. L’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB) est le partenaire incontournable de la campagne VisionZéro qui sera lancée la semaine prochaine. Entretien avec Bruno Renders, directeur général de l’IFSB.
Le Quotidien : La sécurité et la santé au travail, c’est toujours un éternel recommencement?
Bruno Renders : Oui, mais c’est ce qui rend la chose intéressante mais aussi parfois austère à expliquer, raison pour laquelle il faut y associer des innovations, des nouveautés et c’est ce que nous sommes en train de faire dans cette maison. Cette « semaine de Sécurité » est une forme d’innovation parce que la sécurité c’est un enjeu de tous les jours, de tous les instants et il ne faut pas relâcher les efforts.
La routine devient dangereuse car c’est à ce moment-là que l’accident peut arriver. Nous connaissons tous cela. Il faut donc réfléchir à des façons innovantes de présenter les choses.
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La fameuse sécurité 4.0…
Oui. Nous utilisons par exemple l’aspect ludique. Notre approche est une approche de terrain. La sécurité par la réglementation c’est une chose, c’est ce qui permet d’avoir un cadre et nous sommes les premiers à le respecter. Mais les autorités avec lesquelles nous travaillons prennent de plus en plus conscience qu’il faut aborder la sécurité d’une façon un peu différente, beaucoup plus tournée vers l’incitation, la prévention, la sensibilisation en général.
Nous ne pourrons pas lutter contre des comportements individuels mais contre des effets structurels, oui. En accord avec les ministères, nous avons déterminé une nouvelle manière d’aborder les marchés publics de la construction.
Il faut sortir une fois pour toutes de l’équation « prix le plus bas/délai le plus court » sinon nous aurons encore des accidents. Un moment donné, la mise sous pression des entreprises exécutantes de tous genres, architectes et ingénieurs compris, devient très problématique. Cette forme de dictature est le contraire de la prévention. Nous travaillons donc avec le gouvernement sur la mise en place de critères extra-financiers.
En quoi consiste cette nouvelle méthode pour les marchés publics?
C’est une méthode qui reconnaît une pondération entre le prix et des critères autres tels que la présence d’un délégué à la sécurité dans l’entreprise qui soit correctement formé. Nous pouvons exiger que les conducteurs de grues soient également bien formés à la sécurité. Ce sont en fait toute une série de choses qui sont réglementaires, mais qui bizarrement ne sont pas prises en compte dans l’attribution d’un marché.
On peut donc se retrouver face à cette dictature du prix le plus bas à deux entreprises, l’une qui joue le jeu et qui fait tout ce qu’il faut pour former son personnel à la sécurité et l’autre qui ne fait rien de tout cela. On est alors en présence d’un cas de distorsion de concurrence.
Votre bâtiment ici à Bettembourg est un exemple en la matière…
Oui. Dans cette maison, nous avons attribué les lots de marché avec un critère pondéré qui était de l’ordre de 75 % pour le prix et 25 % pour les autres critères, le tout basé sur la norme ISO 26000 qui est la norme du management du développement durable dans les entreprises. On s’est aperçu que ceux qui avaient soumissionné au plus bas prix n’étaient pas forcément les meilleurs et on a accepté de mélanger ces deux critères, de les pondérer avec les entreprises.
Nous avons fait du coaching pour leur expliquer comment remplir leur dossier et tout le monde a joué le jeu. Finalement, l’entreprise qui était troisième au niveau du prix est passée première car elle faisait beaucoup plus en matière de sécurité et de formation que les autres. Il faut valoriser ces entreprises.
Geneviève Montaigu