Rien ne se fait du jour au lendemain en matière de politique de santé. La ministre en sait quelque chose, les patients aussi. La pandémie a freiné le programme, les longues discussions aussi.
Elle avait prévenu : «Je serai ministre de la Santé jusqu’au dernier jour de cette législature et j’essaie d’évacuer un maximum de projets sur lesquels on s’est engagés», déclarait-elle dans une interview accordée au Quotidien avant les élections en septembre dernier. Pas étonnant, dès lors, qu’elle présente le bilan de son ministère la veille de son départ puisque le nouveau gouvernement est annoncé pour la fin de cette semaine. Il faut reconnaître que la ministre de la Santé a eu de nombreuses occasions de rappeler le chemin parcouru depuis qu’elle occupe ce poste, ne serait-ce que pendant la campagne électorale.
La pandémie a considérablement perturbé la réalisation du programme gouvernemental en matière de santé, mais Paulette Lenert a su rappeler les bonnes performances du Luxembourg, saluées dans un rapport de l’OCDE. Cependant, ce ne sont pas les bonnes notes obtenues à ce moment qui a focalisé l’attention des patients, mais les délais extrêmement longs qui se posaient pour obtenir un rendez-vous chez un médecin spécialiste ou pour passer un scanner ou une IRM. Des efforts ont été faits durant cette législature pour augmenter les capacités, mais rien ne se fait du jour au lendemain, encore moins la construction d’un nouvel hôpital, sa modernisation ou ses extensions. Concernant les appareils, l’état des lieux livré hier par la ministre totalise pour la fin de cette année 14 scanners, 13 IRM et 8 mammographes. La loi sur le virage ambulatoire permettra d’augmenter ces chiffres et des demandes sont actuellement à l’étude pour de nouvelles antennes.
La digitalisation de la santé reste le grand chantier qui causé bien des soucis à la ministre pendant son mandat. Finalement, un département «Santé digitale» a été créé au ministère qui a commencé à travailler sur une stratégie nationale en la matière. Le sujet a fait l’objet de discussions qui ont fini par fâcher l’Association des médecins et médecins dentistes, (AMMD), qui avait claqué la porte.
Reste que l’AMMD reste déçue du résultat de la «table ronde santé» que l’association avait elle-même initiée. «Nous avons abordé beaucoup de sujets, mais malheureusement, au final, le gouvernement n’a pas tenu compte de nos positions», regrette Alain Schmit, son président. Il pense notamment à la complémentarité du secteur hospitalier et extrahospitalier, à la digitalisation, aux soins primaires et à la prévention, pour ne citer que ceux-là. «Le bilan est assez décevant», constate-t-il.
Pour l’AMMD, le développement de l’extrahospitalier, il fallait le discuter pour trouver une bonne connexion entre le développement d’une médecine à l’extérieur de l’hôpital, tout en conservant une médecine hospitalière suffisante et adéquate, voire meilleure. «Il s’agissait pour nous de décongestionner les urgences, les hôpitaux de manière générale, sans désosser l’hôpital», souligne-t-il.
Éviter une fuite des médecins
L’association des médecins regrette que la médecine spécialisée reste cantonnée au secteur hospitalier, avec pour résultat des flux de patients ambulatoires et stationnaires mélangés et «un accès de plus en plus compromis des patients à la médecine spécialisée», en dépit de trois lois votées qui n’ont rien changé. «Notre proposition consistait à permettre aux médecins de se constituer en société, tout en gardant la charge de maintenir une activité à l’intérieur de l’hôpital pour ne pas créer une fuite des médecins. Nous voulions en discuter, mais cela n’a pas eu lieu. On a fait comme si on en avait discuté, mais non, en réalité», affirme Alain Schmit.
Pour lui, le concept des sociétés de médecins pourrait améliorer l’accès à des professionnels hyper-spécialisés dans un domaine pointu et ils pourraient mettre à profit leur savoir, pas seulement à un seul hôpital, où le recrutement n’est pas suffisant, mais ce médecin spécifique pourrait avoir un agrément au sein des quatre hôpitaux, tout en étant engagé dans une société.
Le problème des antennes, telle que la loi le prévoit actuellement, ne convient pas à l’AMMD car les médecins ne peuvent pas vraiment choisir le personnel, ni le matériel, ni l’organisation, car c’est l’hôpital qui le fait. «On reste tributaire des ressources et des infrastructures des hôpitaux qu’on ne contrôle pas non plus», regrette-t-il, en ajoutant que cela prendra du temps avant que les hôpitaux ne créent leurs antennes.
Seul point positif à ses yeux dans le bilan de la ministre Paulette Lenert reste le système de garde, avec rémunération.
On saluera avec plaisir le départ e cette ministre qui fut non moins que catastrophique pendant l’épisode du covid.