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Sam Tanson : «Il ne faut surtout pas que nous baissions les bras»


Pour Sam Tanson, l’urgence est de garder une Europe unie capable d’apporter des solutions durables aux crises qui secouent actuellement le monde.

L’ancienne ministre Sam Tanson, aujourd’hui députée et porte-parole des verts à la Chambre, revient sur l’élection de Donald Trump à la présidence américaine, un homme qui n’en a absolument rien à faire de la cause environnementale.

Quelle a été votre première réaction à l’annonce de la victoire de Donald Trump?

Sam Tanson : Je ne peux pas dire que j’ai été surprise. Je craignais que le résultat de l’élection aille dans ce sens-là. Mais quand même, c’est un choc. Qu’il parvienne à attirer un aussi grand nombre d’électeurs avec autant de casseroles, de déclarations aberrantes et de propos qui sont très loin de la vérité, ça interpelle.

Et puis, il faut également constater que ce que l’on a observé entre Donald Trump et Kamala Harris, on le voit aussi sur tous les continents en ce moment. Nous vivons une période assez spéciale avec une progression durable des inégalités, surtout depuis le covid.

Il y a un mal-être généralisé. Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Or ce type de situation a toujours été un terreau fertile pour les populistes, qui aiment les discours simplistes.

Que signifie ce constat pour l’Europe et le Luxembourg?

Les États-Unis sont la plus grande démocratie du monde, ces élections vont bien sûr avoir un impact sur nous. Aujourd’hui, est-ce que l’Europe va être capable d’être unie et de parler d’une seule voix? Est-ce que Trump réussira à nous diviser? C’est un défi énorme, d’autant plus que plusieurs chefs d’État ont des idées qui pourraient être proches des siennes.

Je pense aux Pays-Bas, à la Hongrie, à l’Italie… Et la situation est très incertaine en France, en Allemagne ou en Belgique. Que vont faire les États-Unis en Ukraine, alors que l’Union européenne n’a pas de véritable défense commune? Il est urgentissime que nous nous donnions les moyens de nous défendre nous-mêmes. Les questions ne sont pas moins grandes avec le conflit au Proche-Orient.

La situation est déjà extrêmement difficile. Ce serait vraiment un bon moment pour créer une vraie union entre Européens. Nous avons un rôle à jouer contre le populisme, tous les dirigeants doivent prendre leurs responsabilités.

La politique climatique a été la grande absente de la campagne américaine. On sait que Donald Trump ne croit pas au réchauffement climatique, mais Kamala Harris n’a pratiquement rien dit sur le sujet non plus. Qu’est-ce que cela vous inspire?

C’est vrai, mais avec toutes ces crises, l’inflation et un pouvoir d’achat en baisse, les gens pensent d’abord à ce qui leur semble être le plus immédiat. Malheureusement, la réalité nous montre que le changement climatique est déjà là et qu’il tue. Les inondations dans la région de Valence sont dramatiques et directement imputables au dérèglement climatique.

Je pense qu’il est plus que jamais important d’expliquer aux citoyens où se situent les réels problèmes et nous devons trouver les solutions qui permettront de les régler et d’améliorer la vie de ceux qui en ont le plus besoin. Et elles sont plus complexes que de construire des murs ou d’affirmer vouloir stopper toute immigration.

Mais, encore une fois, comme les populistes aiment les choses simplistes… L’Inflation Reduction Act (IRA) mis en place par Joe Biden a permis de soutenir la transition énergétique. Je crains pour son avenir…

En 2017, Donald Trump avait retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat et Joe Biden l’a de nouveau ratifié en 2021. Avec le retour de Trump, il ne fait aucun doute que les États-Unis vont en sortir à nouveau. Est-ce que l’accord rime encore à quelque chose si le plus grand producteur de pétrole au monde, le deuxième de gaz et le premier pollueur historique décide de le jeter à la poubelle?

Bien sûr, l’accord de Paris a encore un sens et il ne faut surtout pas que nous baissions les bras. Notamment parce que les États-Unis sont une démocratie et que le pays aura un nouveau président dans quatre ans. Bien sûr, nous allons perdre du temps dont nous ne disposons pas, mais Donald Trump ne doit pas empêcher le reste du monde d’agir en conscience.

Ce n’est pas une raison pour se laisser aller et se laisser emporter par des élans primaires. Il faut au contraire que nous poursuivions sur une ligne qui vise à sauver la planète, tout en favorisant l’inclusion. Nous devons trouver des solutions pour résoudre ces grands défis.

Pourtant, même en Europe, l’écologie ne fait plus beaucoup recette. L’avenir du Green Deal, par exemple, est très incertain…

On ne sait pas vraiment dans quelle direction va aller la nouvelle Commission européenne. C’est diffus… mais il y a des signes qui laissent craindre une influence de l’extrême droite, qui a fait une percée au Parlement et qui nie la réalité climatique. Ce n’est pas rassurant, il faut attendre de voir ce qui va se passer et rester vigilant.

Trump et le climat

À la veille de la COP sur le climat qui aura du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, un pays producteur de gaz et de pétrole, le système européen Copernicus a annoncé que 2024 sera une année record en termes de chaleur, au-dessus de la fameuse limite des +1,5 °C définie par les accords de Paris pour contenir le réchauffement climatique.

Donald Trump, qui porte son climatoscepticisme en bandoulière, a qualifié le dérèglement du climat de «canular inventé par les Chinois pour nuire à l’industrie américaine». En fait, l’environnement et le climat n’ont jamais été un thème de campagne, ni pour Donald Trump ni pour Kamala Harris, d’ailleurs.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump avait déjà abrogé plus de cent normes environnementales et une de ses premières décisions avait été de sortir les États-Unis de l’accord de Paris.

En lançant son «drill, baby, drill» (fore, chérie, fore) à de nombreuses reprises, il a déjà annoncé sa volonté de relancer massivement la production de gaz et de pétrole. Il considère l’Inflation Reduction Act (IRA) créé par Joe Biden pour soutenir la transition écologique comme «une arnaque verte».

Assez efficace, elle a pourtant permis de générer 300 000 emplois, amené 372 milliards de dollars d’investissement et a même beaucoup profité à l’Ohio, l’État du futur vice-président J. D. Vance et au plus grand soutien de Trump, Elon Musk, puisque l’IRA subventionne l’achat de voitures électriques.

Donald Trump souhaite également démanteler l’Agence de protection de l’environnement et l’Agence nationale d’observation océanique et atmosphérique.