Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des commandos jihadistes qui ont attaqué Paris le 13 novembre 2015 et jugé dans un autre dossier à Bruxelles, a exprimé lundi dès l’ouverture de son procès sous haute sécurité son refus de répondre aux questions.
« Je n’ai pas peur de vous, je place ma confiance en Allah ! » Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des commandos jihadistes de novembre 2015 à Paris, a refusé de répondre et défié la justice lundi à l’ouverture de son procès à Bruxelles dans un autre dossier.
« Mon silence ne fait pas de moi ni un coupable ni un criminel, c’est ma défense », a argué Salah Abdeslam vers 11h lorsqu’a commencé son interrogatoire sur la fusillade avec des policiers survenue à Bruxelles à la fin de sa cavale en mars 2016. « Je n’ai pas peur de vous, je n’ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c’est tout, je n’ai rien à ajouter », a-t-il ajouté à l’adresse de la présidente du tribunal Marie-France Keutgen, en soulignant qu’à ses yeux « les musulmans sont jugés et traités de la pire des manières, impitoyablement ».
« Je ne souhaite pas répondre aux questions », avait opposé le Français d’origine marocaine dès l’ouverture de son procès peu avant 9h, alors qu’il était interrogé sur son identité et sa domiciliation, déclinant en outre l’invitation à se lever pour les premiers échanges. Il s’est dit « fatigué ».
Avant le début de l’audience, son avocat Sven Mary a aussi fait savoir que son client ne souhaitait aucune image de lui par les médias. Par ailleurs une association de victimes du terrorisme, V-Europe, a vu le débat sur sa demande de constitution de partie civile repoussé à fin mars, hors du cadre du procès. Cette demande a été contestée par Me Mary.
Le débat a pu reprendre après une courte suspension. Ce procès en correctionnelle n’est qu’un préambule à celui qui aura lieu en France pour les attentats qui y ont fait 130 morts. Mais il est très attendu pour savoir si le petit délinquant qui a grandi à Molenbeek, quartier populaire et métissé de Bruxelles, sortira de son mutisme. Un dispositif de sécurité hors norme était en place dans et autour du Palais de justice, un hélicoptère survolant l’imposant bâtiment du 19e siècle, tandis que des véhicules blindés de la police en protégeaient l’accès.
Salah Abdeslam, jugé avec un complice présumé de sa fuite, Sofiane Ayari, apparaît au cœur d’une cellule jihadiste impliquée dans au moins trois dossiers terroristes majeurs. Les attentats de novembre 2015 à Paris, ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles et l’attaque avortée dans le train Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 relèvent « peut-être d’une unique opération » de l’organisation jihadiste Daech, estime le parquet fédéral belge. Les faits jugés de lundi à vendredi – avec relâche mercredi – remontent au 15 mars 2016.
Jusqu’à 40 ans de prison encourus
Des enquêteurs français et belges avaient été surpris par des tirs pendant une perquisition de routine dans une des planques bruxelloises de la cellule, située rue du Dries à Forest. Trois policiers avaient été blessés et un jihadiste algérien de 35 ans, Mohamed Belkaïd, tué en leur faisant face avec une kalachnikov pour couvrir la fuite d’Abdeslam et de Sofiane Ayari. Cet épisode avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l’homme le plus recherché d’Europe, et dont l’empreinte ADN avait été découverte dans la planque. Il avait été interpellé avec son complice Ayari trois jours plus tard, le 18 mars, à Molenbeek, une arrestation considérée par les enquêteurs comme l’élément déclencheur des attentats du 22 mars 2016, quand trois kamikazes se sont fait exploser à l’aéroport et dans le métro de la capitale belge.
Ce procès avait été repoussé mi-décembre pour laisser le temps à Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam tout juste rappelé à ses côtés, de prendre connaissance du dossier. Ce pénaliste belge réputé l’avait assisté après son arrestation mais avait jeté l’éponge sept mois plus tard, convaincu que son client ne collaborerait pas avec la justice. Les deux prévenus sont jugés pour « tentative d’assassinat sur plusieurs policiers » et « port d’armes prohibées », le tout « dans un contexte terroriste », et encourent jusqu’à 40 ans de prison.
Salah Abdeslam sera par ailleurs jugé en France pour les attentats du 13 novembre, un procès autrement plus lourd, dont la date n’a pas encore été fixée. Sofiane Ayari est lui aussi suspecté dans l’enquête sur ces attentats parisiens, où il apparaît sous plusieurs fausses identités. La justice française le réclame, vraisemblablement pour l’inculper à son tour. Ce Tunisien de 24 ans, arrivé en Europe via l’île grecque de Lesbos en se mêlant au flot de réfugiés principalement syriens, fait partie de la dizaine de jihadistes que Salah Abdeslam a convoyés depuis l’Europe centrale entre août et octobre 2015. Il avait été pris en charge par Abdeslam à Ulm (Allemagne) le 3 octobre 2015 en compagnie de deux autres hommes dont Ossama Krayem, un des suspects-clés des attentats de Bruxelles.
Abdeslam avait été transféré fin avril 2016 à Fleury-Mérogis en région parisienne, où il a toujours été maintenu à l’isolement, sous vidéosurveillance 24 heures sur 24. Dès lundi soir et pendant la durée du procès à Bruxelles, il doit être hébergé dans une prison du nord de la France, à Vendin-le-Vieil, permettant de « dupliquer » ces conditions de détention.
Le Quotidien/AFP