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Retraites: les députés français rejettent de justesse une motion de censure contre le gouvernement


(Photo : AFP)

Les députés français ont rejeté de justesse lundi une motion de censure visant le gouvernement, déposée par une opposition ulcérée comme nombre de Français par le passage en force sur la réforme des retraites de l’exécutif, qui reste donc en place mais doit faire face à une colère sociale très vive dans le pays.

Cette motion de censure transpartisane déposée par le groupe parlementaire centriste Liot, qui avait le plus de chance d’être adoptée, a été rejetée à 9 voix près seulement. Elle a recueilli 278 votes sur les 287 nécessaires pour renverser le gouvernement d’Elisabeth Borne. Le « gouvernement est d’ores et déjà mort aux yeux des Français » après ce vote très serré, a lancé à l’issue de ce vote la présidente du groupe LFI (gauche radicale) Mathilde Panot.

Une seconde motion de censure, déposée par le Rassemblement national (RN – extrême droite), n’a, elle, aucune chance d’être adoptée et sera soumise au vote dans la soirée. Cette réforme des retraites, voulue par Emmanuel Macron, sera alors considérée comme définitivement adoptée par le Parlement, avant sa promulgation par le président, qui pourrait s’exprimer dans les prochains jours.

Ces motions sont consécutives au recours jeudi par le gouvernement à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption d’un texte sans vote si aucune motion de censure n’aboutit.

Les débats sur ces deux motions de censure avaient eu lieu dans l’après-midi dans une ambiance électrique, marquée par des députés qui ont quitté l’hémicycle à plusieurs reprises selon les orateurs. Premier à la tribune, le député Charles de Courson, du groupe Liot (Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires), a fustigé « l’injustice » du projet phare du second quinquennat d’Emmanuel Macron, dénonçant le « déni de démocratie » du 49.3. Le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans « cristallise les tensions, les inquiétudes et la colère de nos concitoyens », a-t-il estimé.

« Enlisement »

De leur côté, les députés RN ont dénoncé le « marasme » et « l’enlisement » de l’exécutif français. « Alors chiche, Monsieur Macron ! Allons à la dissolution », a ainsi lancé la députée Laure Lavalette. Après deux mois de concertations et une intense mobilisation syndicale et populaire contre le projet, le passage en force de l’exécutif avec l’usage du 49.3 a été vilipendé par l’opposition.

Depuis le 19 janvier, des centaines de milliers de Français ont manifesté à huit reprises pour dire leur refus de cette réforme. Les opposants la jugent « injuste », notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.

A la tribune à l’Assemblée lundi, la Première ministre Elisabeth Borne a dénoncé « l’antiparlementarisme » des oppositions et le « déchaînement de violence » de certains députés de gauche. Mme Borne a ajouté avoir « bien conscience de l’état d’esprit (actuel) de notre pays » et de « l’effort » que cette réforme « demande à bon nombre de nos compatriotes ».

La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables. Le gouvernement a fait le choix d’allonger la durée de travail pour répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. Nombre d’analystes estiment que cette réforme des retraites et la contestation qu’elle a entraînée laisseront d’ores et déjà une trace indélébile sur le second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Campus occupés

Pendant ce temps, les manifestations de colère et de blocages se poursuivent. Routes bloquées, transports perturbés, hall d’aéroport et campus occupés, actions de mobilisation dans les lycées… Des manifestations sur des échangeurs routiers ou sur les rocades de plusieurs villes ont entraîné des ralentissements ou des blocages de la circulation. A Paris, le ramassage des ordures est toujours perturbé malgré les réquisitions ordonnées par le préfet.

Des actions ont émaillé dans l’après-midi le lancement des épreuves de spécialité du baccalauréat, même si le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, a estimé qu’il n’y avait « pas de points d’inquiétude particuliers ». La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes d’annuler mardi et mercredi 20% de leurs vols à Paris-Orly et à Marseille-Provence (sud-est).

De nombreuses stations-service étaient affectées dans le sud-est du pays par des pénuries de carburants, sur fond de grèves des expéditions dans les raffineries. Et des étudiants parisiens ont voté lundi l’occupation de la faculté de Tolbiac. Une nouvelle journée de grèves et de manifestations est prévue jeudi à l’appel des syndicats.