Le mouvement antirestrictions continue à voler en éclats. Samedi, des fauteurs de troubles français sont venus prendre la tête du cortège. Accueillis à bras ouverts, leur présence a fini par poser problème.
«En route pour la guerre». Le message diffusé samedi matin sur le compte Facebook d’un certain «Mike Tres Encolere» ne pouvait être plus clair. On aperçoit trois individus assis dans un train. Le groupe s’identifie comme des adhérents au mouvement «Alsace révoltée». Ils ont débarqué sur le coup de 10 h 30 à la gare de Luxembourg.
Tout au long de la journée, des vidéos en direct sont diffusées sur leurs comptes Facebook. Ce sont eux, rejoints par des adhérents du «Bloc lorrain», qui se sont retrouvés en tête de la manifestation du «rassemblement national» qui entendait fustiger la «dictature sanitaire». Voir des casseurs potentiels venir faire du tourisme au Grand-Duché est un phénomène nouveau.
Officiellement, le «rassemblement national», qui s’est formé début décembre sur les réseaux sociaux, est dirigé par un «organisateur inconnu». Il n’est donc pas vraiment possible d’affirmer que les initiateurs de ce mouvement antirestrictions, à la base des graves débordements du 4 décembre, ont fait des démarches pour inviter les fauteurs de troubles lorrains et alsaciens à venir les rejoindre à Luxembourg.
En tout cas, ils ont été accueillis à bras ouverts, samedi. «On vient de Strasbourg, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges», affirme dans une des vidéos «Mike», après avoir été interpellé par une manifestante. Il s’avère qu’il s’agit de Célinie N., blogueuse pour le site «Les Médiateurs By Colères des Rues», basé à Paris.
«Le parcours n’est pas déposé»
«On nous a demander de nous lettre en tete de cortege esmt géré chose faites et personne regrette», souligne «Mike» plus tard dans un commentaire très mal écrit sur Facebook. Avant le départ, Célinie N. s’inquiète déjà un peu sur son live Facebook : «Il faut un peu calmer les amis français.»
Car au départ, elle a plaidé pour un cortège «propre, beau» qui doit «bien se passer». Elle ne cache pas que le «parcours n’est pas déposé», mais que la police a accepté de les accompagner de la gare au Glacis. «On part à 14 h 30», répète Célinie N. à plusieurs reprises. Il semble donc que cette Belge habitant le Grand-Duché figure bien parmi les organisatrices du «rassemblement national».
Elle appelle à plusieurs reprises «Sa Bo», qui n’est autre que Sacha Borsellini, un gardien de prison arrêté le 24 décembre par la police et entretemps suspendu par l’administration pénitentiaire. Célinie N. cherche aussi le contact avec un certain Ben, qui est en fait son mari, Ben S. Comme on le voit sur une vidéo, ce dernier est interpellé en fin de manifestation par les forces de l’ordre. L’événement Facebook annonçant la manifestation de samedi a été créé par Giorgio T.
Aujourd’hui, on sait que le cortège n’est jamais arrivé au Glacis, destination prévue par les organisateurs locaux du cortège emmené par les cagoulés venus d’Alsace et de Lorraine. «Je me suis pris le pétard. Ils ont carrément envoyé des pétards sur les policiers», s’énerve à hauteur du pont Adolphe Therese V., une autre blogueuse. Célinie N. rigole toutefois en lançant «On force le barrage ?». C’est ce que la tête du cortège va tenter une première fois. En vain.
Le cortège, qui se dirigeait tout droit vers le Glacis, s’arrête tout à coup à hauteur de la Banque de Luxembourg, en plein boulevard Royal. «Si vous voulez aller vous battre avec les flics, allez-y», crie quelqu’un sur le live Facebook de Célinie N. «Nous on n’est pas des criminels», peut-on aussi entendre.
Rapidement, la perte de contrôle est totale. «Ils ont envie de forcer le mur de policiers. C’est le gros problème du Luxembourg. C’est un gros merdier. Je ne suis pas d’accord avec cette dispersion», commente la blogueuse belgo-luxembourgeoise. Elle ajoute : «Ça va dégénérer, on dit bravo.»
«Vous êtes des idiots»
Ces quelques phrases illustrent parfaitement le double langage des manifestants. Des centaines de personnes, en partie avec des enfants, ont accepté de suivre aveuglément les fauteurs de troubles placés en tête du cortège. Au lieu de le quitter au moment où le visage de la manifestation a changé, elles ont continué à suivre les «amis français».
Il en est allé de même pour Célinie et ses compères, qui se sont réjouis d’avoir réussi à forcer le barrage policier et pénétrer ainsi au cœur du centre-ville. Les tentatives désespérées de freiner leurs «invités» ne servaient plus à rien.
Il est toutefois à souligner ici que les locaux ont calmé les principaux fauteurs de troubles au moment où ces derniers voulaient en découdre avec le double barrage policier désormais dressé à hauteur du pont Adolphe.
«Vous êtes des idiots. Cela n’apporte rien», lancent notamment Sacha Borsellini et Ben S. Ils n’ont pas hésité pour autant à accompagner les derniers fauteurs de troubles français jusqu’à Hollerich et Merl pour «bloquer, un peu pour le plaisir de bloquer», l’accès à l’autoroute A4.
«3 h de sauvage. On a tout niquer et les luxos super content de notre présence», fanfaronne «Mike Tres Encolere» en soirée. Avec ses amis, il ajoute, en légende d’une photo (voir ici), signé «strasantifaluxembourg» : «luxembourg tu nous a bien plu on reviendra le 15».
Le prochain «rassemblement national» est annoncé pour samedi 15 janvier, cette fois avec la Gëlle Fra comme point de départ.
Le ministre de la Sécurité intérieure réfute le reproche selon lequel les forces de l’ordre ont été débordées samedi. Pour contrer les fauteurs de troubles venus faire du «tourisme», le dispositif sera toutefois renforcé.
La police nous a confirmé dès vendredi qu’elle avait «connaissance du fait que des rassemblements (étaient) annoncés pour le week-end».Comme de coutume, une évaluation des risques aurait été effectuée en interne. Le dispositif mis en place repose sur cette analyse. «La manière de procéder au cas où une intervention s’avérait nécessaire doit être évaluée et décidée au cas par cas et dépend donc de chaque situation individuelle. Le principe général est celui de la désescalade.»
La désescalade a aussi primé samedi. «Nous avons convenu que si un rassemblement se formait quelque part en Ville, la police allait l’accompagner jusqu’à la zone de manifestation» située entre le Glacis et la place de l’Europe, a précisé, hier sur RTL Radio, le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox. Les forces de l’ordre avaient en effet bloqué tous les accès afin d’éviter que le cortège parti de la Gare ne se disperse dans la ville.
Cela a bien fonctionné jusqu’à hauteur de la Banque de Luxembourg. Tout à coup, les manifestants ont décidé de faire demi-tour. Un barrage improvisé à hauteur du boulevard Roosevelt a pu être percé rapidement et la voie était libre pour accéder au cœur du centre-ville. «La police s’est retirée pour se réorganiser», admet le ministre, sévèrement attaqué par le CSV et le Parti pirate. Henri Kox réfute toutefois le reproche selon lequel les forces de l’ordre ont été débordées.
Le ministre de tutelle de la police se dit cependant conscient d’avoir affaire à un «nouveau phénomène». Non seulement, les manifestations «sauvages», car non déclarées, se multiplient, mais, de surcroît, désormais, des casseurs potentiels venus de l’étranger viennent faire du «tourisme» à Luxembourg.
«Nous ne pouvons et n’allons pas accepter cela. Le dispositif policer sera renforcé en conséquence pour les manifestations à venir. La réaction sera ferme», souligne Henri Kox. Il est fortement probable que des renforts belges seront une nouvelle fois sollicités, comme cela a déjà été le cas à deux reprises en décembre. «Nous allons encore avoir recours à leur pompe à eau», annonce d’ores et déjà le ministre.
Par contre, les autorités ne disposent d’aucune base légale pour dissoudre une manifestation non déclarée. Il n’existe pas de loi spécifique et les règlements de police communaux ne prévoient que des amendes peu contraignantes. Une raison de plus pour renforcer le dispositif policier, note Henri Kox.
Le ministre de la Sécurité intérieure devra s’expliquer jeudi devant les députés. Il a aussi été interpellé hier par les députés libéraux Carole Hartmann et Claude Lamberty au sujet de la manifestation prévue lundi prochain devant l’hôpital Kirchberg.
Contrairement à ce que nous indiquions hier, ce n’est pas Jean-Marie Jacoby, le coorganisateur de la Polonaise solidaire, qui est à l’origine de ce rassemblement, mais une activiste belge. Cela n’empêche pas qu’il en est fait la publicité sur les réseaux sociaux des antirestrictions et antivax luxembourgeois.
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D’ailleurs, la presse suit les (mauvaises) décisions du gouvernement à l’unanimité. C’est quand même étrange pour un contre-pouvoir !
Je ne suis pas d’accord sur la violence, mais je suis en tous points d’accord avec leur protestation contre la tyrannie sanitaire, d’autant plus qu’elle n’a plus rien de sanitaire et tout de la tyrannie politique, ce qui nous ramène aux heures sombres d’il y a 90 ans dans un pays voisin.