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Remich : 18 mois de sursis pour « traite des êtres humains » dans un restaurant


Le tribunal de Luxembourg a condamné le couple de restaurateurs de Remich qui a fait travailler un immigré pendant 29 mois, 10 heures par jour, pour un salaire oscillant entre 500 et 600 euros par mois. (Photo : F. A.)

Un couple de restaurateurs de Remich avait « employé » un jeune homme originaire du Pakistan. Ce dernier travaillait en moyenne plus de 10 heures par jour et gagnait entre 500 et 600 euros par mois. Pour dormir, il dépliait un matelas dans le restaurant. Le couple s’est retrouvé poursuivi pour traite des êtres humains et trafic illicite de migrants. L’addition : 18 mois avec sursis et 3 000 euros d’amende.

« C’était une erreur d’engager des personnes sans papiers. C’était la première et la dernière fois. On ne recommencera pas», s’étaient défendus les deux prévenus, âgés de 37 et 42 ans, à la barre. Le parquet reprochait au couple de restaurateurs d’avoir exploité le jeune homme en situation irrégulière entre juillet 2014 et fin 2016.

Ce jeune homme originaire du Pakistan était arrivé après un long périple au Grand-Duché. «J’ai trouvé ce travail dans ce restaurant à Remich par un ami. Pendant plus de deux ans, j’y ai travaillé. Ils m’ont dit de dormir dans le restaurant. Je pensais qu’ils m’organiseraient les papiers», avait-il témoigné. Il n’aurait pas été le seul dans cette situation irrégulière. Un autre Pakistanais aurait été logé à la même enseigne pendant plusieurs mois.

Fin 2016, du jour au lendemain, les restaurateurs avaient décidé de mettre le jeune serveur à la porte. Il faut savoir que quelques jours plus tôt, un employé d’un autre restaurant de la famille, dans le nord du pays, s’était rendu à la police. À la suite de cet incident, la patronne du restaurant à Remich dit avoir pris peur. Elle craignait qu’une patrouille de police débarque dans son établissement pour un contrôle du travail au noir. À quelques clients fidèles, ils avaient envoyé des SMS leur demandant de dire qu’ils n’avaient jamais vu le serveur dans leur restaurant…

Le jeune serveur s’était toutefois confié à la police. Il avait dénoncé les faits. À l’arrivée de la police au restaurant, les patrons avaient indiqué ne pas connaître le plaignant. Mais ils avaient fini par ouvrir une porte où se trouvaient ses objets personnels. Sur le coup, ils n’avaient pas reconnu qu’il avait travaillé pour eux. Durant l’enquête, plusieurs clients avaient toutefois confirmé avoir régulièrement vu le serveur au restaurant à Remich.

La victime se voit allouer 5 000 euros

D’après l’avocat des restaurateurs, impossible de parler d’esclavagisme. Car ces derniers n’auraient pas été conscients de commettre une infraction. «Ils pensaient à une situation gagnant-gagnant : ils épargnent de l’argent, mais de l’autre côté, ils offrent une aide.» Enfin, Me Daniel Scheerer avait estimé que la localisation du matelas dans le restaurant était appréciée par le serveur, car dans cette pièce il avait une très bonne connexion au wifi.

Alors que la défense demandait une suspension du prononcé, le parquet avait requis 42 mois de prison et une amende appropriée pour chacun des deux prévenus. «Il y a bien eu traite des êtres humains et trafic illicite de migrants. Ils connaissaient sa situation illégale. Ils ont profité de lui en employant des manœuvres frauduleuses pour qu’il reste au Luxembourg», avait martelé le substitut principal.Dans son jugement rendu jeudi matin, la 12e chambre correctionnelle est restée bien en dessous de ses réquisitions. Elle condamne les deux patrons à 18 mois de prison avec sursis et une amende de 3 000 euros chacun.

La victime, quant à elle, réclamait 29 000 euros au titre du préjudice moral. «On lui a promis un travail et de régulariser sa situation administrative. Sur cette fausse promesse, on a attiré mon client et on l’a maintenu dans une situation d’esclavagisme pure et simple», l’avait défendue Me Arnaud Ranzenberger. Au final, le tribunal a déclaré sa demande fondée pour le montant de 5 000 euros. Le couple doit également lui verser une indemnité de procédure de 750 euros.
Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel.

Fabienne Armborst