Le jeune homme de 31 ans serait longtemps passé sous les radars de la police. Jusqu’en 2020. Une dénonciation met la puce à l’oreille des policiers. Un infiltré balayera leurs doutes.
Un agent de police infiltré, David, est parvenu à remonter le réseau de trafic de stupéfiants jusqu’à son chef présumé. L’agent appartient aux forces de police d’un pays européen voisin avec lequel la police luxembourgeoise a l’habitude de collaborer. Il est parvenu en quelques mois à gagner la confiance d’un des proches de celui qui était surnommé «le grossiste en blanche», en se faisant passer pour un braqueur qui avait de l’argent à blanchir et à dépenser, avant de finalement rencontrer le fameux grossiste une première fois le 7 octobre 2020, puis une dernière fois 20 octobre 2020.
Celui qui apparaît également dans le dossier en tant que «l’ami italien» a confié au policier infiltré «faire cela depuis douze ans» – dix ans, selon certains de ces clients fidèles – et «avoir construit un vrai empire» reposant sur plusieurs équipes de dealers, selon un commissaire en chef du service Méthodes particulières de recherche de la police judiciaire qui a fait le récit de cette infiltration à la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ces deux derniers jours.
David, une fois en cheville avec le principal accusé de cette affaire Bari, a essayé de lui faire importer 8 kilogrammes de cocaïne et de faire blanchir le faux butin d’un braquage par un de ses hommes de main présumés pour obtenir des preuves du trafic.
Le travail d’infiltration de ce policier est un des nombreux moyens employés pour faire tomber le réseau le 10 novembre 2020 et les jours qui ont suivi. Plusieurs avocats ont, hier après-midi, mis en doute la légitimité d’une telle méthode ainsi que la crédibilité des propos de l’agent concerné.
Après chaque rencontre avec un de ses deux interlocuteurs, l’agent rapportait le contenu de leurs discussions au commissaire en chef. Les éléments d’information récoltés par l’infiltré corroborent des éléments de preuve obtenus par la police judiciaire grâce notamment à des observations ou l’analyse des moyens de télécommunication des deux premiers protagonistes de l’affaire.
3 à 4 kilogrammes par semaine
Vingt personnes sont accusées à divers degrés dans cette affaire de trafic de stupéfiants et de blanchiment d’argent. La transaction entre l’infiltré et le principal accusé n’a jamais eu lieu. La pandémie et le confinement ont freiné le transit de stupéfiants d’un pays à l’autre.
Beaucoup de livreurs n’osaient plus prendre le risque de se faire repérer par la police et le prévenu ne voulait pas vendre de la cocaïne de moindre qualité à un prix plus élevé à ses clients de longue date. Il se serait refusé de proposer de la cocaïne à moins de 90 % de pureté et aurait confié au policier infiltré avoir importé de 3 à 4 kilogrammes de cocaïne par semaine aux grandes heures de son commerce.
Lors des perquisitions, les policiers ont saisi chez les divers protagonistes de l’affaire un peu plus d’un kilogramme de cocaïne, six kilogrammes de marijuana, quatre kilogrammes de haschisch, près de 40 000 euros en liquide, 55 téléphones mobiles, 17 voitures, 4 biens immobiliers, divers objets et plus de 500 000 euros placés sur des comptes bancaires.
Le «grossiste en blanche» était déjà tombé en France en 2017 pour trafic de stupéfiants à la suite d’une dénonciation. Depuis, il était devenu extrêmement prudent et ne s’entourait que de personnes de confiance. D’après les constations des policiers et les témoignages de certains clients, il aurait la plupart du temps lui-même procédé à la vente des stupéfiants à bord de sa voiture dans différents lieux. Il aurait lui-même décidé des lieux et des heures de ces rendez-vous auxquels il serait venu accompagné de son bras droit et homme de confiance.
Un des sept enquêteurs de la police judiciaire appelés à témoigner reviendra au cours des audiences à venir sur les curriculums vitæ des différents prévenus. Le procès hors norme mêlant trafic de stupéfiants et blanchiment de l’argent issu de ce trafic.
Deux procureurs se concentreront sur chacun de ces volets. Il est question de faux et usage de faux, escroquerie, recel, blanchiment et infractions diverses à la loi concernant la vente de stupéfiants, entre autres.