Jeudi, le Prince vigneron Félix avait quitté son domaine provençal — le Château Les Crostes — pour présenter ses vins dans la capitale. Un moment chaleureux où il a démontré avec aisance sa passion pour la viticulture.
Pouvez-vous nous décrire le cadre dans lequel évolue le Château Les Crostes?
Prince Félix : Nous sommes en Provence, à côté de Lorgues, au cœur de l’Appellation d’origine protégée Côtes de Provence. Nous possédons 220 hectares de terres, dont 55 de vignes sur un plateau calcaire. Autrefois, le domaine comptait exclusivement des oliviers, mais ils n’ont pas survécu à la vague de gel de 1956. Trente ans plus tard, un industriel parisien a vu le potentiel de ce terroir pour la viticulture et a investi pour replanter 50 hectares. Mon beau-père (NDLR : Hartmut Ladermacher) l’a racheté avec l’envie de produire ses propres vins, ce que ne faisait pas l’ancien propriétaire. C’est lui qui a mis l’accent sur les rosés. Et en 2013, ma femme Claire et moi avons repris la conduite du domaine avec l’ambition d’élaborer parmi les meilleurs vins de l’appellation et d’offrir aux amateurs une expérience totale. Nous avons ainsi ouvert le château au public pour y proposer des dégustations. Depuis peu, on peut même y loger.
Quels vins produisez-vous?
Les rosés (cinsault, grenache) représentent 80 % de la production, les blancs (ugni blanc, rolle) et les rouges (syrah, cabernet-sauvignon), 10 % chacun. Nous proposons également deux cuvées de vins effervescents : la cuvée Claire en rosé et la cuvée Gabriela, le prénom de ma belle-mère, en blanc.
Il y a peu de bulles en Provence, ces crémants ont-ils été créés avec une pensée particulière pour le Luxembourg?
Mon beau-père, qui est allemand et qui a cette culture des belles bulles, avait déjà lancé ces vins, mais il est évident qu’aujourd’hui, ces bouteilles résonnent d’une manière particulière pour moi !
Combien de bouteilles produisez-vous?
En ce moment, entre 300 000 et 350 000 par an. Nous sommes en train de renouveler le vignoble et nous arrachons 3 hectares chaque année. Avant de replanter, nous laissons le terrain en jachère pendant 12 mois, puis il faut attendre entre 3 et 4 ans pour vendanger. Nous produisons donc moins. Cette campagne s’achèvera en 2030, nous retrouverons alors notre rythme normal, autour de 400 000 bouteilles annuelles.
Profitez-vous de ces travaux pour modifier l’encépagement?
Oui, et d’ailleurs nous y sommes un peu obligés puisque nous n’avons pas le droit de replanter sur une parcelle le même cépage que celui qui vient d’être arraché. Nous en profitons pour accroître la production de blanc qui montera à 20 %. Les rosés passeront à 70 % et les rouges resteront à 10 %.
Quel est votre rôle au château?
Je suis en quelque sorte le manager général. Je prends soin de toutes les activités, la vigne comme l’hôtellerie. Je passe 5 ou 6 jours par mois au château et le reste du temps, je travaille depuis Francfort, où j’habite avec ma famille.
Plus jeune, vous imaginiez-vous dans ce rôle de vigneron?
Non, pas forcément, même si j’ai toujours adoré la nature. Il est clair que je suis un entrepreneur et c’est un magnifique cadeau que de travailler la vigne, de respecter la terre pour qu’elle nous offre ce qu’elle a de meilleur. En plus, je dois avouer que le cadre du château est idyllique. J’apprécie également ce métier, car il me permet de transmettre des valeurs à mes enfants, notamment sur le fait que lorsque l’on reçoit quelque chose, on doit en prendre soin. Cela commence avec leurs jouets!
Trouvez-vous une part de noblesse dans le travail de la vigne et dans le vin?
Absolument. Le vin est un produit noble, biblique. C’est une boisson qui est appréciée par beaucoup de monde et que l’on aime partager avec les gens que l’on aime. Avec un verre de vin, on peut discuter durant des heures avec ses convives, y compris sur le vin lui-même! Je suis d’accord : il y a de la noblesse dans le vin!
Dans votre famille, vous n’êtes pas le seul vigneron. Votre oncle, Robert de Luxembourg, dirige le domaine Haut-Brion, à Pessac, dans le Bordelais.
Oui, il produit de très grands vins. Nous échangeons régulièrement sur nos domaines, il me conseille. Ses paroles sont toujours très importantes pour moi.
Les prix de vos vins restent sages par rapport à beaucoup de vos concurrents, y compris en Provence.
Il était hors de question que, parce que je suis Prince, les prix s’envolent. Ce n’est pas du tout dans ma mentalité. Au contraire, mon souhait est de les maintenir accessibles, même si nous investissons pour augmenter leur niveau. D’ailleurs, si les gens achètent les vins du château sans savoir que je suis derrière, tant mieux! Je préfère que leur choix soit motivé par leur rapport qualité/prix plutôt que par mon nom.
Plusieurs de vos voisins vignerons sont des célébrités : George Clooney, George Lucas, Brad Pitt ou Tony Parker possèdent des domaines dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres autour de votre château. Le groupe LVMH de Bernard Arnault vient d’ailleurs d’acheter le château Minuty, très connu pour ses rosés, juste après avoir acquis les châteaux Jas d’Esclans et Galoupet, des pointures internationalement reconnues. Que pensez-vous de cet attrait pour les terroirs provençaux?
C’est intéressant, cela démontre leur énorme potentiel. Lorsque Bernard Arnault investit, c’est en connaissance de cause. Je considère que l’intérêt d’un homme d’affaires de son calibre est un indicateur supplémentaire de la qualité de notre terroir. Beaucoup de gens craignent l’arrivée de ces grands groupes, je peux le comprendre en partie, mais j’estime surtout que c’est une chance pour nous : notre reconnaissance et notre visibilité vont s’accroître. S’il y a des possibilités pour que l’on partage ensemble nos expériences, j’en serais ravi!
Il y a un phénomène pour lequel vous êtes aux premières loges en Provence, c’est le réchauffement climatique. Est-ce une source d’inquiétude?
Bien sûr. Chez nous, il n’a pas plu depuis décembre. Les nappes phréatiques ne se remplissent pas et si l’été est chaud et sec, nous rencontrerons des difficultés. L’approvisionnement en eau est la problématique essentielle. Le changement climatique est un phénomène complexe parce qu’il rend les choses encore plus imprévisibles qu’elles ne l’étaient. Nous constatons des successions de pics de chaleur et de froid, d’évènements violents avec d’impressionnantes chutes de grêle et des pluies diluviennes… S’adapter à un climat imprévisible, c’est impossible…
Enfin, vous êtes le vigneron luxembourgeois le plus connu, mais quelles relations entretenez-vous avec la Moselle luxembourgeoise?
Je suis le président d’honneur des vignerons indépendants luxembourgeois et j’en suis très fie ! Je suis toujours très content de les rencontrer. Mes terrains sont calcaires, avec des blocs de plusieurs mètres de diamètre, alors qu’ici, nous sommes sur des terres plus argileuses. Mes vignes poussent sur un plateau, un terrain plat, alors qu’elles sont sur des coteaux en pente le long de la Moselle… C’est ce qui rend nos discussions intéressantes! Pourquoi ne pas organiser des échanges? Mon équipe pourrait venir ici et les vignerons luxembourgeois découvriraient nos conditions de travail en Provence. Ce serait très intéressant! Je connais aussi très bien Antoine Clasen (NDLR : directeur général de Bernard-Massard) qui distribue mes vins au Grand-Duché et qui en produit également d’excellents. Les vins de Provence et les vins luxembourgeois sont complémentaires, ils s’accordent sur des plats différents. Ce qui fait que, oui, j’ai toujours des vins et des crémants luxembourgeois dans ma cave!
Distribué par Bernard-Massard
Jeudi, le directeur général de Bernard-Massard, Antoine Clasen, se tenait aux côtés de Félix. C’est même la cave de Grevenmacher qui avait organisé le rendez-vous. Si l’on trouvait déjà depuis de nombreuses années les vins du Prince Félix dans la vinothèque de Bernard-Massard, Antoine Clasen en est désormais l’importateur exclusif.
Au Grand-Duché, on trouve régulièrement le Château Les Crostes sur les cartes des vins des restaurants et c’est logique, puisque leur rapport qualité/prix est intéressant. Ce sont des vins sérieux, sans esbroufe, bien faits et très régulièrement primés dans les concours.
je crois avoir lu que la princesse Claire en avait hérité…
moi, moi,moi, … mon vin, mes vignes, mon équipe…. quel ego! il doit dire : notre, puisque c’est tout à son BEAU PÈRE !