Les allergies aux pollens durent plus longtemps et débutent plus tôt. Le Dr Farah Hannachi, médecin-chef du service d’immunologie-allergologie du CHL, fait le point sur les conséquences sur la population.
Nez qui coule, yeux qui piquent, toux d’irritation, éternuements… la saison des allergies débute de plus en plus tôt. Le Dr Farah Hannachi, médecin-chef du service d’immunologie-allergologie du Centre hospitalier de Luxembourg (CHL), décortique cette évolution et donne les démarches à suivre pour les personnes allergiques.
Les alertes arrivent-elles de plus en plus tôt ?
Farah Hannachi : Les allergies aux pollens d’arbres arrivent de plus en plus tôt. C’est un phénomène que l’on observe déjà depuis quelques années au Luxembourg. Il s’agit de la catégorie des pollens de bétulacées, les pollens d’arbre en général. Ça a commencé avec l’aune et le noisetier et maintenant, on voit l’arrivée du pollen de frêne. Si le temps continue à être clément, nous allons bientôt avoir les pollens de bouleaux. Si l’on regarde dix ans en arrière, c’est souvent au mois d’avril que ce genre de phénomène se produit. Là, on est au mois de mars… Parfois, on enregistre certaines traces fin décembre, début janvier.
Des études ont-elles été menées pour comprendre ces tendances ?
Au Luxembourg, nous avons un détecteur à pollens depuis 33 ans. Nous avons aussi un deuxième détecteur automatique depuis trois ans qui alimente l’application Pollen.lu. Il y a deux ans, nous avons réalisé une étude comparative où nous avons regardé les 30 ans de pollens au Luxembourg. Nous avons alors dégagé cette tendance à la pollinisation de plus en plus précoce avec des concentrations de pollens et des pics polliniques de plus en plus importants.
Quels sont les impacts de ces pics sur la population ?
Les patients allergiques vont avoir des symptômes de plus en plus tôt et avec les concentrations plus fortes, ces symptômes peuvent être aussi de plus en plus intenses. Ce premier phénomène est à mettre en parallèle avec une population qui est de plus en plus allergique. Une étude récente du Luxembourg Institute of Health montre que 42 % de la population est atopique, c’est-à-dire à risque d’allergie. Du coup, vu que nous avons de plus en plus de patients allergiques et des saisons qui sont de plus en plus longues, nous avons une population qui est en plus mauvaise santé, avec des allergies plus locales et plus longues.
Face à ces allergies, quelles sont les solutions pour les patients ?
Grâce à l’application Pollen.lu, nous avons essayé de mettre en place des modèles de surveillance des pollens. Et sur cette même application, il y a une section « conseils« qui permet aux patients de parer à la situation. Lorsqu’on est allergique au pollen, la première chose à faire, c’est de s’en rendre compte en observant les symptômes. Est-ce qu’ils ont le nez qui coule, des éternuements, le nez bouché, les yeux et les oreilles qui grattent? Est-ce qu’il y a des signes de complication comme des sifflements, de la toux…
La première chose à faire, c’est d’essayer d’éviter de s’exposer aux pollens en période de pic. Par exemple, éviter d’aller faire un effort physique. Il y a aussi des petites astuces pour éviter l’exposition comme rouler les fenêtres fermées, avoir des filtres dans la voiture, mettre un masque à l’extérieur. En rentrant chez soi, on conseille de se laver le nez pour retirer le pollen qui reste coincé dans les fosses nasales, de prendre sa douche le soir pour enlever tous les pollens qui sont sur les cheveux, sur le corps.
Pour ce qui est des traitements symptomatiques, les patients ne doivent pas attendre d’avoir des complications avant de commencer le traitement. Le lavage de nez fait partie du traitement ainsi que les antihistaminiques et le collyre pour les yeux. Bien sûr, ils peuvent consulter un médecin et peut-être avoir des traitements inhalateurs.
La difficulté, c’est que les patients sont allergiques à plusieurs pollens
Il arrive régulièrement qu’on parle de désensibilisation lorsqu’on est allergique ?
C’est la troisième étape du traitement. Avant de penser à la désensibilisation, il est nécessaire d’avoir le mode de vie adapté, d’avoir compris son allergie, de prendre des mesures d’éviction, d’avoir déjà testé des traitements antihistaminiques, etc. Vient ensuite la désensibilisation. Il s’agit du seul traitement curatif dans les cas des pollens. Il permet d’agir sur la cause des allergies et ne va pas juste les soulager comme le font les traitements évoqués précédemment. Lors d’une désensibilisation, on va essayer d’éduquer le système immunitaire en donnant des quantités de pollen régulières pour habituer le corps. Le système immunitaire finit par accepter l’allergène, va diminuer l’allergie et parfois même la guérir.
Aujourd’hui, on peut guérir d’une allergie au pollen grâce à la désensibilisation ?
De nos jours, la difficulté, c’est que les patients sont allergiques à plusieurs pollens en même temps, on parle de personnes polyallergiques. La difficulté, c’est si l’on désensibilise, par exemple, le pollen de bouleaux, le pollen de graminées, lui, continuera à agir. On ne pourra pas guérir toutes les allergies. Il faut les envisager une par une.