Le major Daniel Olsem retrace son parcours qui l’a amené à être aujourd’hui l’un des pilotes de l’A400M et le commandant de la 20e escadrille du 15e Wing Air Transport de Melsbroeck.
Ce matin-là, juste à côté des avions de ligne de l’aéroport de Bruxelles, l’A400M luxembourgeois vient de décoller pour réaliser l’une de ses nombreuses missions de logistique militaire. Le major Daniel Olsem, 39 ans, est lui resté au sol. Depuis 2022, ce Luxembourgeois est devenu le commandant de la 20e escadrille du 15e Wing Air Transport. Une fonction d’encadrant qui ne l’empêche pas d’effectuer certains vols à bord de cet impressionnant avion militaire de transport. «Piloter ce genre d’avion demande beaucoup de préparation et de rigueur. Car nous allons parfois dans des zones sensibles ou de conflit», confie-t-il.
Pouvoir être à bord de cet appareil reste une occasion exceptionnelle dans la carrière d’un pilote militaire. Pour arriver à ce stade, le major Daniel Olsem s’est formé pendant de nombreuses années. Des années d’études et des «sacrifices» qui l’ont amené à embrasser cette carrière hors norme. Car l’armée, le Luxembourgeois y a toujours pensé. «Au lycée, j’hésitais entre la médecine et l’ingénierie. Depuis mon plus jeune âge, l’armée m’avait toujours intéressé. C’était un pas que je n’osais pas prendre. À l’âge de 19 ans, je me suis engagé, au départ, dans une carrière d’officier à l’École royale militaire de Bruxelles», raconte-t-il.
Melsbroeck, une base qui n’a pas toujours été belge
La base militaire de Melsbroeck, située à quelques kilomètres de l’aéroport de Bruxelles, est l’une des composantes de l’armée de l’air belge. L’aérodrome a été construit durant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands. En 1944, après la Libération, il est utilisé par la Royal Air Force et l’Aviation royale canadienne. Durant la période de l’après-guerre, Melsbroek est même choisi pour devenir le nouvel aéroport international de Bruxelles. Un projet qui ne verra jamais le jour. En 1958, la base militaire est reprise par les forces aériennes belges. Elle abrite, de nos jours, le 15e Wing de transport aérien. Entre 700 et 800 personnes y travaillent. Des projets d’agrandissement et de transformation de la base sont en cours.
Au cours de ses études, il apprend que l’Armée luxembourgeoise souhaite créer deux postes de pilotes dans le cadre d’une coopération binationale belgo-luxembourgeoise. «J’ai toujours été fasciné par l’aviation. Le civil me tentait moins, car les formations sont très chères (…). Quand j’ai entendu parler de ce programme, je me suis dit qu’il fallait que je tente ma chance. C’est ce que j’ai fait et j’ai réussi à obtenir une place me permettant de faire mon transfert vers une carrière de pilote», explique-t-il.
Cinq années d’études difficiles, dont le major Olsem se souvient très bien. «La pression de réussite est énorme. Pendant la formation, on ne pense qu’à ça, et il est vrai que l’on ne voit pas le bout du tunnel. Car piloter ce genre d’appareil demande beaucoup de résistance au stress», confie-t-il. En février 2012, il intègre la base militaire de Melsbroeck et figure parmi les premiers pilotes du Grand-Duché à faire partie du bataillon belgo-luxembourgeois. «J’ai commencé à effectuer mes premiers vols sur le C-130 Hercules. Je me souviens que je le trouvais impressionnant, mais finalement, à côté de l’A400M, il est beaucoup plus petit», sourit-il.
«Il faut être conscient du risque»
À bord cet avion militaire, il réalise ses premières missions. Au départ, en tant que copilote d’escadron, puis des années plus tard, en tant que commandant de bord. En Afrique, en Europe, au Moyen-Orient, aux États-Unis, le pilote luxembourgeois s’occupe principalement d’effectuer des missions de logistique militaire. Des opérations variées qui peuvent parfois revêtir une dimension plus humanitaire. «La dernière mission opérationnelle que j’ai effectuée à bord du C-130 Hercules était une évacuation de ressortissants à Kaboul. C’est l’une des missions qui m’a le plus marqué, car même si elle était courte, elle était très intense».
Au Moyen-Orient ou en Afrique, le major Olsem a aussi été marqué par certaines missions, plus risquées. «Quand nous sommes en Irak, au Mali ou en Afghanistan, il faut forcément être sur ses gardes. Je me souviens d’une mission en Afghanistan où la situation politique était en train de se dégrader avec les talibans tout près de nous (…). C’est un métier où il faut être conscient du risque, l’accepter et essayer le plus possible de le minimiser.»
Notre unité ne dort jamais
À l’étranger, les pilotes, comme le major Olsem, peuvent parfois rester jusqu’à cinq semaines sur place. «Nous partons beaucoup, mais sur des périodes plus courtes que l’armée de terre qui, elle, peut effectuer des missions de cinq à six mois. En revanche, on peut littéralement nous demander de partir du jour au lendemain en mission. Notre unité ne dort jamais. Elle est opérationnelle 7 jours sur 7 et 24 h sur 24. Nous avons, tous les jours, au moins un équipage en stand-by, prêt à intervenir.» Des contraintes que ces militaires ont tous choisies par passion pour leur profession. «C’est toujours plus difficile pour la famille qui doit gérer nos absences.»
Depuis 2022, le major Olsem effectue principalement des vols de logistique sur l’A400M. «J’ai été formé pendant plusieurs mois sur cet avion. En tant que pilotes, nous devons régulièrement nous reformer. Nous avons la chance d’avoir sur la base un simulateur de vol spécialement conçu pour l’A400M. Auparavant, nous devions aller jusqu’en Espagne pour pouvoir l’utiliser. Car c’est là que se trouve l’usine de fabrication de cet avion», explique-t-il. Aujourd’hui, le rôle principal du major Olsem est de diriger et de planifier les différentes missions logistiques et opérationnelles de l’unité du bataillon belgo-luxembourgeois. «Forcément, on a toujours envie de repartir en mission, parce qu’on prend vite goût à l’aventure (…). Devenir pilote de l’A400M ou d’un avion militaire est un long et difficile chemin, mais il n’est pas, pour autant, impossible.»
L’A400M, un avion militaire multi-usage
Embarquez à bord de cet appareil, symbole de la coopération militaire belgo-luxembourgeoise.
Quarante-cinq mètres de longueur, 14 mètres de hauteur, 4 moteurs, 42 mètres d’envergure… L’A400M Atlas, construit par Airbus, possède des caractéristiques impressionnantes. À Melsbroeck, huit avions de ce type sont utilisés par l’unité binationale belgo-luxembourgeoise. Le Luxembourg, lui, en possède un à son effigie. Aux côtés des pilotes de l’armée de l’air belge, cinq pilotes du Grand-Duché font partie de cette unité binationale. «Le sixième pilote est en cours de formation aujourd’hui», précise le major Daniel Olsem. Des pilotes qui participent, tous, aux diverses missions de l’unité. «Que nous soyons Belges ou Luxembourgeois, nous sommes tous impliqués dans les mêmes opérations, et cela, en équipages mixtes. D’ailleurs, nous tournons beaucoup entre pilotes et membres de l’équipage», indique le major Olsem.

L’A400M a une charge maximale de 37 tonnes. Il peut transporter des cargaisons très lourdes, comme des hélicoptères ou des véhicules de transport militaire.
Transport de personnel, soutien logistique des forces armées, évacuation sanitaire… L’A400M est un avion multitâches qui sait surtout s’adapter aux conditions difficiles et aux terrains hostiles et dangereux. «Les fenêtres, la structure, tout est blindé pour permettre de protéger l’équipage (…). Avec cet avion, on peut même atterrir sur le sable.» Un appareil qui a aussi la possibilité de réaliser des largages de leurres, de militaires ou de colis. Dans le cadre de l’opération B-Fast, l’année dernière, un pilote luxembourgeois a participé au largage d’aide alimentaire au-dessus de la bande de Gaza.
Une procédure délicate, comme l’est également le largage de parachutistes. «C’est quelque chose d’assez impressionnant. Déjà en tant que pilote, nous devons descendre à une altitude de 330 mètres pour permettre le largage. Dans l’avion, les parachutistes sont tous attachés par un câble métallique. Avant le largage, nous alertons les militaires par un système d’avertissement lumineux. Le soutier va ouvrir manuellement la porte de l’avion. Le parachutiste se tient sur une plateforme coupée du vent. Il peut alors sauter et son parachute s’ouvre tout de suite. En quelques secondes ou minutes selon le nombre de militaires, on peut larguer tout un équipage de parachutistes.»
«Un vrai esprit d’équipe»
Quelle que soit la mission, faire partie de l’équipage de l’A400M reste avant tout «un travail d’équipe». «Dans le cockpit, nous avons deux pilotes, le commandant de bord et le copilote. Il se peut parfois qu’il y en ait trois, notamment pour certaines missions, mais c’est très rare. Puis, dans l’avion, il y a les soutiers, les loadmasters. Nous en avons trois du Grand-Duché avec nous», détaille le major Olsem.
Mais quel est le rôle d’un soutier? Responsable de la cargaison, du chargement et du déchargement, il doit réaliser, avant chaque vol, un «weight and balance sheet». «L’avion doit être chargé d’une manière spécifique. Le centre de gravité doit toujours rester dans les limites. On doit savoir comment il évolue en fonction de la consommation de carburant (…). C’est un vrai travail d’équipe où chacun doit réaliser sa tâche (…). Même au sein des pilotes, on remarque cela. Par exemple, pendant un vol, un militaire d’un grade supérieur ne sera pas obligatoirement commandant de bord, alors dès que l’on embarque, on respecte cette hiérarchie.»
