Christine Majerus se remet juste d’un rhume, mais garde sa passion intacte pour cette classique qu’elle disputera ce samedi et où elle avait pris la 11e place l’an passé malgré une chute.
Comment ne pas se souvenir de cette chute, qui comme dans un effet domino, une colonne de concurrentes placées en file indienne, allaient s’affaler? Nous étions à 18 kilomètres de l’arrivée. Christine Majerus se trouvait dans le sillage d’Ellen van Dijk alors que Marianne Vos qui finira deuxième sur le vélodrome de Roubaix, venait juste d’attaquer. Le peloton alors posté en chasse de Lizzie Deignan, partie en douce à quelque 82 kilomètres, ne reviendra jamais. Onzième à l’arrivée, Christine Majerus avait été brillante ce samedi 3 octobre sur le pavé boueux de l’Enfer du Nord. Elle y revient aujourd’hui dans d’autres conditions, mais évidemment avec une passion similaire, voire accrue!
Dans quelles dispositions êtes-vous à la veille de la course?
Christine Majerus : J’ai eu un léger contretemps ce week-end puisque je suis tombée un peu malade lors des dernières reconnaissances. J’étais en très en bonne forme jusque-là. Bon, on sait en tant qu’athlète, que c’est justement lorsqu’on est en forme, qu’on est susceptible d’attraper ça. J’ai tout fait pour rester en bonne santé, mais malheureusement, on ne peut pas tout contrôler. Bon, ce n’était qu’un rhume, ce qui est déjà bien. Du coup, j’ai dû adapter mon approche, car cela ne servait à rien de continuer à s’entraîner. Le risque est de s’entraîner mal et d’aggraver la situation. J’ai fait deux jours off pour donner du repos à mon corps. La reprise n’était pas glorieuse mais depuis deux jours, ça va un peu mieux. J’espère que ça va continuer à s’améliorer. Je ne serai pas à 100 %, je pense. J’espère être à 95 %. Sur un terrain comme Paris-Roubaix où il faut avoir des qualités techniques et des qualités physiques, sans quoi on ne peut pas faire une belle course. J’espère que tout cela réuni, je n’aurai plus à penser à ce rhume qui m’aura gâché la vie.
Contrairement à octobre dernier, le pavé sera sec…
Oui, ce sera une autre course que l’an dernier. Ce ne sera pas moins dur, ce sera juste différent. Il faudra une course un peu plus offensive. L’an passé, la sélection se faisait surtout par derrière avec les chutes. Ça revenait une fois. Deux fois. Puis, ça ne revenait plus. Quand c’est sec, du coup, c’est moins compliqué à rouler. Cela reste dur, c’est éprouvant, mais c’est moins technique. Ce sera plus difficile de faire une course par l’arrière. Cela nécessitera de faire une course plus offensive si on veut créer une course de mouvement. Il faudra voir comment je me sens dans des conditions comme ça. Je reste confiante, car je me suis bien éclaté lors des reconnaissances. Pour moi, ça ne change pas grand-chose au fond. J’y vais avec une confiance technique que d’autres n’ont peut-être pas. Je compte sur ça. C’est surtout ça mon point fort.
On sait que la fédération internationale (UCI) et les organisateurs ont évoqué la possibilité de déplacer le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, en fin de saison au calendrier. Cela vous inspire quoi?
À vrai dire, au final, cela ne fait pas vraiment de différence. J’estime qu’il peut faire du mauvais temps en avril également. Je pense que c’est le hasard qui fait que depuis une vingtaine d’années les Paris-Roubaix disputés en avril se courent sous le soleil. Cela ne fait pas de différence pour moi. Cela restera une course de mon calendrier.
C’est une course où c’est compliqué pour moi de prédire quoi que ce soit. Il y a tellement d’aléas qui peuvent arriver
Pour revenir sur cette édition 2022, votre équipe SD Worx possède plusieurs cartes, avec par exemple, Lotte Kopecky, Chantale Van den Broek-Blaak…
Oui et c’est bien pour ça que je ne suis pas très inquiète par rapport au fait que je me sente peut-être un peu moins bien. Dans notre équipe, on aura du monde pour aller jouer la gagne. Ce serait un peu frustrant de devoir ranger mes ambitions si je ne suis pas à 100 %. Mais je ne me fais pas trop de soucis pour l’équipe, on a de quoi faire.
Pouvez-nous évoquer l’adversité?
C’est une course où c’est compliqué pour moi de prédire quoi que ce soit. Il y a tellement d’aléas qui peuvent arriver. Il peut y avoir une outsider qui gagne. Je sais simplement que tout le monde est aussi motivé que l’an passé pour faire une belle course. Je sais que des filles comme Marianne Vos n’auront pas cinq, six ans de carrière pour inscrire leur nom au palmarès. Lucinda Brand vient de revenir sur la route, je pense que c’est clairement un objectif. Elle rêve, en tant que cyclo-crosswoman, d’inscrire son nom au palmarès. Il y a quelques grands noms qui ressortent. À moi de voir où je me situe dans tout ça. Après si on arrive au sprint contre Marianne Vos, c’est sûr que cela ne sera pas facile. Je reste aussi réaliste, même sans le rhume, je ne serais pas venue au départ avec l’idée fixe de pouvoir l’emporter, simplement avec l’ambition de pouvoir confirmer ce que j’ai fait l’an passé, où j’avais un top 5 dans les jambes. J’aurais bien voulu confirmer. Les conditions ne seront peut-être pas complètement réunies. Mais je reste confiante, ça s’améliore de jour en jour et je me dois de rester optimiste.
Quelle tactique adopter?
Il faudra rester concentré. Ne pas laisser trop de choses se passer sans réagir soi-même, comme nous l’avions fait l’an passé. La course nous avait échappée tout de suite, dans le premier secteur (NDLR : c’est là que Lizzie Deignan avait attaqué). Gardons ça en mémoire. Après il peut y avoir une outsider qui gagne, pourquoi pas moi? (elle rit).
Sans cette spectatrice et sans Amy (Pieters), je ne serais sans doute pas allée jusqu’à Roubaix !
Justement, en regardant les dernières classiques, on a l’impression que vous avez passé un palier de plus. Après votre travail de coéquipière, vous figurez encore sur le devant de la course. On se trompe?
Je pense en effet que j’ai réalisé un bon printemps. Est-ce que j’ai passé un palier, je ne sais pas. J’ai surtout essayé de ne pas me poser de questions. On me demande de faire mon boulot, je fais mon boulot. Cela m’a aidé de ne pas avoir besoin de réfléchir plus loin que ça. De me dire qu’à Paris-Roubaix, cela peut être mon tour, cela m’a aidé à ne pas trop réfléchir. Et faire ce que je dois faire pour mes coéquipières. Oui, c’était l’un de mes meilleurs printemps. Surtout Gand-Wevelgem et le Tour des Flandres, où avec le changement de parcours sur le final, ce fut l’un des plus durs de ces dernières éditions. Se retrouver à l’avant de cette course-là, à jouer aux échecs, car c’était un jeu d’échecs, notre tactique, j’étais très contente de pouvoir le faire. Et de rester en plus jusqu’à la fin avec les meilleures, cela m’a mis en confiance pour Roubaix. Après, il y a des choses que je ne peux pas influencer et la maladie en fait partie. Mais j’ai fait de mon mieux pour en sortir le mieux possible, c’est passé par tous les remèdes de grand-mère (elle rit). J’ai réagi assez rapidement par rapport à mon approche. Je reste confiante et cela reste la course la plus imprévisible du calendrier et j’espère que ça sera dans le bon sens pour moi!
Pour finir, quelle anecdote revient en premier lieu en souvenir de l’an passé?
Sur ma chute, je me suis vraiment fait mal. Lorsque j’ai regardé les images, j’étais couchée par terre et une spectatrice m’a aidée à me relever. Sans cette spectatrice, je ne serais pas reparti. Cela fait partie de l’esprit de Paris-Roubaix. Le public est là, sans barrière. Il nous soutient, nous relève. Je me souviens également qu’Amy Pieters (NDLR : sa coéquipière néerlandaise, toujours placée dans le coma après sa chute survenue à l’entraînement en décembre dernier), avait eu la gentillesse de m’attendre dans le Carrefour de l’Arbre, même si ça ne servait plus à rien. Sans cette spectatrice et sans Amy, je ne serais sans doute pas allée jusqu’à Roubaix!