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Ordinateur quantique à Bissen : un compagnon pour MeluXina


Les domaines d’application sont multiples, ont expliqué lundi tous les intervenants lors de cette annonce : chimie, spatial, médecine personnalisée, intelligence artificielle… (Photo : hervé montaigu)

Le gouvernement a annoncé lundi avoir remporté un appel d’offres européen lui permettant d’installer et d’héberger un ordinateur quantique.

Le Premier ministre, Luc Frieden, l’avait évoqué dans l’accord de coalition 2023-2028 : le Luxembourg allait se doter «d’une stratégie dans le domaine de l’informatique quantique». Indispensable à l’heure où la souveraineté d’un pays se mesure aussi à l’aune de ses innovations technologiques. C’est donc en soulignant l’importance de l’événement que le ministre de l’Économie, des PME, de l’Énergie et du Tourisme, Lex Delles, a annoncé lundi l’installation d’un ordinateur quantique au Luxembourg, le pays ayant remporté un appel d’offres européen. «Une avancée majeure dans notre stratégie numérique, notamment en matière de données, d’intelligence artificielle et de technologies quantiques», a-t-il affirmé.

Baptisé «MeluXina-Q», ce calculateur quantique n’en est pour l’instant qu’au stade des balbutiements. Si son nom vous est familier, c’est normal : ce nouvel ordinateur quantique sera intégré au supercalculateur MeluXina, installé à Bissen. Cela signifie-t-il que trois ans après son inauguration, MeluXina est déjà dépassé ? «Aujourd’hui, il permet de traiter d’énormes volumes de données à des vitesses très élevées», précise Arnaud Lambert, CEO de LuxProvide, le centre de compétences national du supercalculateur. «Il est toujours dans le top 100 mondial. On a 2 250 utilisateurs et plus de 650 projets qui tournent dessus, autrement dit une énorme communauté à la fois d’entreprises et de recherche. (…) MeluXina, en tant qu’infrastructure, pointe jusqu’à 80 % voire 90 % d’utilisation de la machine.»

Et de se rappeler qu’en 2021, «le Dr Giorgio Parisi, prix Nobel de physique cette année-là, a tourné sur MeluXina une partie de sa recherche qui a mené notamment à des avancées spectaculaires dans le domaine quantique. Je ne vais pas dire (NDLR : qu’avec l’arrivée de l’ordinateur quantique) c’est un retour aux sources, mais en tout cas, on a une belle boucle», sourit-il. Et si le Luxembourg est choisi par EuroHPC Ju pour installer et héberger un calculateur quantique, c’est parce que le pays a «montré qu’on pouvait implémenter des technologies impactantes, avec MeluXina dont la renommée est grande au sein de l’Europe», précise-t-il encore.

Pas de «Made in Luxembourg», mais…

Concrètement, quelle est la différence entre un ordinateur classique et un ordinateur quantique? «Ce n’est pas une question facile, reconnaît Arnaud Lambert. Je vais prendre une analogie : le calcul classique, tel qu’il se pratique sur MeluXina, c’est une série de 0 et 1, donc noir ou blanc, qui va permettre de faire les calculs. Le quantique, c’est entre le blanc et le noir, on a toutes les nuances de gris. Et c’est ça la puissance du calcul quantique, c’est qu’en fait, à un état donné, on a multiples états entre ces deux-là et qui sont infinis.»

Les domaines d’application sont multiples, ont expliqué lundi tous les intervenants lors de cette annonce : chimie, spatial, médecine personnalisée, intelligence artificielle… la recherche scientifique comme l’industrie et le secteur public peuvent y trouver des solutions et repousser les frontières de la science et de la technologie, selon LuxProvide. «Le décodage de clés de cryptographie qui, aujourd’hui, nécessiterait des semaines, des mois ou des années, peut se faire potentiellement en seconde ou en jours avec la technologie quantique», indique Arnaud Lambert.

Le quantique, c’est entre le blanc et le noir

«Dans son ensemble, la recherche luxembourgeoise est bien préparée pour se lancer dans le développement de la technologie quantique», a ajouté la ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Stéphanie Obertin citée dans un communiqué, ajoutant que «de nombreuses compétences en matière de physique quantique existent d’ores et déjà. Et même si nous n’avons pas forcément l’ambition de construire un ordinateur quantique « made in Luxembourg », nous pouvons cependant développer ici au Luxembourg des innovations potentielles nécessitant une collaboration entre physiciens et spécialistes de l’informatique et qui permettront de faire fonctionner efficacement un tel appareil.»

Le septième en Europe

En attendant l’arrivée de MeluXina-Q, prévue dans le courant du premier trimestre 2026, trois simulateurs différents sont installés dans les locaux de LuxProvide, tournant sur MeluXina et pouvant offrir une capacité de 40 qubits (l’unité de calcul quantique). Des formations sont données à des chercheurs mais aussi à des entreprises, pour qu’elles puissent commencer à réaliser leurs premiers essais. Selon Arnaud Lambert, l’intérêt de ces dernières est croissant avec l’arrivée de l’intelligence artificielle.

Le Luxembourg va ainsi rejoindre la France, l’Allemagne, l’Italie, la Tchéquie mais aussi l’Espagne et la Pologne, des pays qui ont intégré à leur supercalculateur des ordinateurs quantiques. MeluXina-Q sera le 7e ordinateur de ce type en Europe, cofinancé par EuroHPC. «De ce type», mais pas identique. Sa particularité tiendra surtout dans la sécurité offerte. Il sera en effet hébergé dans un centre de données de classe 4 (le plus haut niveau de tolérance aux pannes) et géré par une société certifiée ISO 27001, c’est-à-dire, s’enorgueillit Arnaud Lambert, «garantissant à la fois la haute disponibilité du calcul et la sécurité des données qui est intrinsèque à tous ces projets».

Prochaine étape : des appels d’offres vont être lancés d’ici à la fin de l’année. Il est déjà prévu que cet ordinateur quantique soit élaboré à partir du silicium et que toute la chaîne de fabrication soit européenne. Son coût est estimé à 17 millions d’euros. Il sera cofinancé par EuroHPC JU et des contributions du gouvernement luxembourgeois. Les modalités de financement exactes seront indiquées dans les accords d’hébergement qui ne devraient pas tarder à être signés.

Un départ prudent

MeluXina-Q sera initialement doté d’une unité de traitement quantique (QPU) de 10 qubits, un chiffre relativement bas, mais qu’Arnaud Lambert, CEO de LuxProvide a tenu à expliquer, lundi : «On démarre à 10 qubits, parce qu’on sait que ça sera stable et opérationnel. Or il est indispensable que ça le soit. Ainsi on pourra travailler avec cette technologie et commencer à délivrer les premiers résultats. Et au bout de deux ans, on passera de 10 à 80 qubits, ce qui nous classera dans le haut (des performances des ordinateurs quantiques). C’est le seul projet, à ma connaissance, dans lequel on intègre dès le départ cette volonté de scale-up (NDLR : augmentation des performances par amélioration du matériel).»