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[Musique] Le nouveau départ d’Émilie Simon


Émilie Simon, qui, une fois encore, signe pour l’essentiel l’écriture, la composition et les arrangements, n’a pas hésité : elle a orné ses chansons de nouveaux arrangements, de changements de tonalité, et s’est offert le plaisir de modifier à l’occasion les mélodies. (Photo Barclay)

Vingt ans après son premier disque homonyme, Émilie Simon est de retour avec ES, un septième album qui réinterprète ce premier opus. En français et en anglais, douze chansons revisitées pour un objet indispensable !

Une coccinelle sur la pochette de l’album : le dos, au recto, le ventre au verso. Un titre simple, ES, les initiales d’Émilie Simon qui nous glisse là sa septième création. Plus précisément une recréation (un «rework», comme on dit dans la profession) du premier album homonyme de la musicienne, paru en 2003. Vingt ans déjà… «Mon tout dernier est aussi mon tout premier., écrit Émilie Simon dans le livret qui accompagne ES. Pour fêter les 20 ans de mon premier album, je vous ai préparé une nouvelle version du disque aux coccinelles (…) un jeu de miroir, 20 ans plus tard. Un avant-après. La règle du jeu était : si j’avais écrit ces titres aujourd’hui, comment sonneraient-ils?» Elle a parlé d’ES comme d’un «retour aux sources, une boucle qui se boucle, un nouveau départ avec celui qui a été mon premier départ», et se souvient : «Un premier album, c’est forcément magique, on ne connaît pas grand-chose, on fait tout de manière spontanée, on donne ce qu’on est, de façon presque inconsciente. On dessine tous les axes, on définit une trajectoire… J’étais jeune, il y avait tellement de joie, de candeur, de légèreté, d’enthousiasme…»

Petite sœur de Björk, héritière de Kate Bush

En février 2003, après sept années d’études de chant lyrique, diplômée de musicologie et experte en électro-acoustique et ingénierie sonore, la jeune musicienne et chanteuse originaire de Montpellier surgissait dans un PCF (paysage de la chanson française) qui commençait à tourner en rond. En ouverture de cet album, sur la pochette duquel elle apparaît le dos nu recouvert de coccinelles, elle attrape immédiatement l’auditeur avec Désert. Des mots directs et ciselés : «Oh mon amour, mon âme sœur / Je compte les jours, je compte les heures / Je voudrais te dessiner dans un désert / Le désert de mon cœur»…

D’autres titres comme Secret, Dernier Lit, Graines d’étoiles ou encore Chanson de toile posent et imposent cette chanteuse arrivée sans tapage. On la décrète sans attendre petite sœur de notre elfe préféré, l’Islandaise Björk, et aussi héritière de Kate Bush. «Ce sont des artistes brillantes qui ont marqué leur génération. Le dernier album de Kate Bush est incroyable. Donc ça ne me dérange pas, même si c’est facile comme comparaison… Et dès qu’il y a de l’electro, on me compare à Björk!» Chez Émilie Simon, il y a les mots, mais aussi la musique, aux allures d’OMNI (objet musical non identifié) avec, entre autres instruments, un «bracelet d’effets» fixé à son bras droit… Son premier album lui vaudra, en 2004, une Victoire de la musique.

Vingt ans plus tard, j’ai changé, le monde aussi a changé. Dans un album, on reflète son époque

Discrète, elle a acquis au fil du temps une place d’exception dans l’univers musical et sonore avec, aussi, des musiques de films, comme celle du documentaire de Luc Jacquet La Marche de l’empereur (lire ci-dessous). Elle travaillait, au temps de la pandémie de Covid-19, sur deux nouveaux albums. «Cet album n’était pas prévu! J’avais en tête ce vingtième anniversaire et je voulais marquer ça. J’ai donc enregistré Désert avec ma façon de travailler d’aujourd’hui. J’ai trouvé cela si fluide et intéressant que l’idée est née naturellement. Je ne suis pas quelqu’un qui regarde en arrière, mais je me suis prise au jeu et les morceaux se sont laissé faire. C’était très ludique. Je me suis retrouvée avec ce cadeau qui a pris de plus en plus d’ampleur…»

Émilie Simon, qui, une fois encore, signe pour l’essentiel l’écriture, la composition et les arrangements, n’a pas hésité : elle a orné ses chansons de nouveaux arrangements, de changements de tonalité, et s’est offert le plaisir de modifier à l’occasion les mélodies. C’était là sa façon de créer, de se recréer, pour mieux retrouver ses racines artistiques. Pour s’offrir (et nous offrir) un amusement musical sans limites, formidablement végétal, délicatement machinal. Ainsi, cette version 2023 peut paraître moins romantique, ce qu’admet l’artiste : «Oui, il est un peu plus sombre. La voix est plus grave, plus chaude… Ce qui est intéressant, c’est l’effet avant-après (…) Vingt ans plus tard, j’ai changé, le monde aussi a changé. Dans un album, on reflète son époque.»

Un voyage en douce rêverie

Alors, on ne conseillera jamais assez à tout auditeur de savourer sans modération sa reprise éblouissante du monument d’Iggy Pop and the Stooges, I Wanna Be Your Dog. On n’incitera jamais assez à aller acheter des fleurs en écoutant Flowers. On se glissera à jamais et sans retenue dans une Chanson de toile : «Je tisserai des chants au soir et au levant / Un point pour chaque étoile…».

Voilà quelque temps déjà, à la question : «Si, par le plus grand des malheurs, tu ne pouvais plus faire de musique, que ferais-tu?», elle répondit : «Je serais très malheureuse.» Par bonheur, Émilie Simon a continué la musique. Avec ES, on tient l’un des albums essentiels de l’année. Un des albums qui marquera la décade 2020. Parce qu’y flotte une si douce et tendre sensation de liberté. Parce qu’il propose un voyage en douce rêverie, entre trouble et mystère…

ES, d’Émilie Simon.
Émilie Simon sera en concert sur la scène du théâtre d’Esch le 11 juin, dans le cadre des Francofolies d’Esch-sur-Alzette.

Quatre BO pour le cinéma

Il y eut un aveu : «Être courtisée par des réalisateurs, c’est très flatteur. C’est très touchant de savoir que ma musique peut éveiller une évidence dans la vision de réalisateurs. En même temps, ce sont des univers qui se côtoient. Elles sont magnifiques, ces rencontres-là.» Depuis son premier album homonyme en 2003, Émilie Simon a travaillé pour le cinéma à quatre reprises.

Ainsi, dans la foulée de sa première Victoire de la musique en 2004, alors qu’elle travaillait sur la musicalité de l’eau et de la glace, elle est contactée par le réalisateur Luc Jacquet qui met en images un documentaire sur l’Antarctique. Et sortira la B. O. de La Marche de l’empereur, récompensée en 2006 par une nouvelle Victoire de la musique. Pour sa prochaine collaboration au cinéma, Émilie Simon glisse quelques-unes de ses chansons – Au lever du soir, Vu d’ici, Chanson de toile… – dans le drame Survivre avec les loups (2007), de Véra Belmont. Et la réalisatrice de l’inviter à signer la musique du film…

En 2009, son compagnon, également ingénieur du son et réalisateur, meurt en Grèce, victime du virus de la grippe H1N1. Émilie Simon lui rend hommage avec son cinquième album, Franky Knight (2011). Alors qu’elle travaille à ce disque, les frères Stéphane et David Foenkinos la contactent, qui adaptent le roman du second La Délicatesse. Et l’essentiel de Franky Knight devient la B. O. de La Délicatesse, un film qui évoque le deuil amoureux.

Et puis, en 2020, on retrouve Émilie Simon au générique d’un film américain. Et pas n’importe lequel : The Jesus Rolls, réalisé par l’immense John Turturro, qui présente là un préquel du cultissime The Big Lebowski des frères Coen. Pour l’occasion, la musicienne française a concocté une musique mêlant allégrement electro, mariachis et marimbas…

Quant à l’intérêt qu’elle éveille chez les cinéastes, Émilie Simon analyse : «À la base, je crée une musique très imagée. Je pense que c’est ce qui a poussé les producteurs à me solliciter pour écrire la musique de leurs films. Ma musique est très visuelle, c’est sûrement pour cela qu’une alchimie s’opère entre ma musique et les images…»

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