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[Musique] Awich, la sensation du hip-hop japonais


À 14 ans, Awich tombe sur un CD du rappeur américain 2Pac, dont les textes vont profondément l'inspirer. (Photo : afp)

Reine autoproclamée du hip-hop japonais, Awich a de nombreuses histoires à raconter, de sa découverte du rap américain lorsqu’elle était une adolescente rebelle d’Okinawa à la mort de son mari dans une fusillade aux États-Unis.

Alors que ses concerts au Japon attirent aujourd’hui les foules, Awich veut pousser ses fans à «accepter» leurs propres histoires, «parce que c’est ce qui m’a donné la force d’affronter le monde», dit-elle à l’AFP. La jeune femme de 35 ans – dont le nom de scène signifie «Asian wish child», ou «enfant désiré asiatique» –, rappe depuis l’école et a débuté dans des clubs underground d’Okinawa, le département le plus méridional du Japon. Mais elle a véritablement percé cette année avec la sortie de Queendom, son premier album paru sous un grand label (Universal Music Japan), des photos pour le magazine Vogue et un concert au célèbre Budokan de Tokyo.

La chanson qui a donné le titre de son nouvel album traite de son départ pour Atlanta à 19 ans, du décès violent de son mari et de l’éducation de leur fille au Japon. Ce morceau «représente ma vie, comprimée en quelques minutes. C’est donc un va-et-vient émotionnel, comme des montagnes russes, chaque fois que je me produis».

Sur scène, Awich déborde d’une joyeuse assurance, sa longue queue-de-cheval se balançant derrière son dos quand elle vante «l’énergie différente» qu’elle apporte à la scène musicale japonaise. Elle milite aussi pour le mouvement Black Lives Matter tout en pourfendant le stéréotype des jeunes filles japonaises «kawaii» (mignonnes).

Inspirée par 2Pac

Née sous le nom d’Akiko Urasaki, d’un père enseignant et d’une mère cuisinière, elle a grandi entre la profonde spiritualité d’Okinawa – la vaste maison ancienne de son enfance était entourée d’un cimetière – et la culture populaire américaine importée via la forte présence militaire des États-Unis dans l’île. Sa famille a été durement éprouvée par la Seconde Guerre mondiale. Son grand-père lui racontait comment, dans la période difficile de l’après-guerre, il se faufilait dans les bases américaines pour chaparder des boîtes de soupe et les partager avec les habitants pauvres de l’île. «Pourtant, quand vous êtes enfant (…) vous voyez des terrains de jeu sur les bases, c’est coloré, c’est grand et les gens sont ouverts et amicaux», se souvient Awich. «Nous avons des sentiments mitigés. C’est ça, Okinawa. Tout est contradiction.»

Enfant rebelle, elle passe fréquemment des nuits blanches à écrire «toute la nuit». À 14 ans, elle tombe sur un CD du rappeur américain 2Pac, dont les textes vont profondément l’inspirer. Cinq ans plus tard, elle part à Atlanta pour étudier. Là, elle épouse un Afro-Américain qui effectue des allers-retours en prison. Quand il meurt dans une fusillade, elle se retrouve désemparée avec leur fille d’alors à peine trois ans, Toyomi.


«Mère et sexy»

Le retour au Japon de la mère et de l’enfant est difficile. Awich dit avoir été confrontée «à la colère et au chagrin» jusqu’au jour où son père lui a expliqué que tous les Okinawaïens avaient perdu des parents et des amis pendant la guerre, mais que la vie devait continuer. «J’ai senti qu’en tant qu’Okinawaïenne, je devais aller de l’avant, et c’est le pouvoir que mon père et tous mes ancêtres à Okinawa m’ont donné.»

Toyomi, qui a maintenant 14 ans, rappe un couplet dans la chanson Tsubasa («Ailes»), qu’Awich a sortie en mai pour marquer le cinquantième anniversaire de la rétrocession d’Okinawa au Japon après l’occupation américaine. La rappeuse l’a écrite après la chute d’un hublot d’hélicoptère militaire américain dans la cour de récréation de l’école de sa fille. «Nous voulons nous libérer et voler aussi», disent les paroles qui décrivent des «ombres au-dessus de nos têtes» et un «bruit qui bloque nos paroles».

Awich sait également que la vie dans une société japonaise majoritairement homogène «peut parfois devenir difficile» pour les personnes d’origine étrangère. «Ma fille est métisse japonaise et noire. Elle avait des questions quand elle était plus jeune, et nous avons essayé d’y répondre ensemble. Tous les moules dans lesquels on nous a mis par le passé n’ont plus de sens aujourd’hui.» Être une femme signifie aussi que vous «n’avez pas à être comme ci ou comme ça. Vous pouvez à la fois être mère et sexy, extravertie et intelligente, créative et érotique. Vous pouvez être tout cela à la fois.»

Queendom, d’Awich.

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