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Mondorf : c’était la dernière tournée au café Lorrain


Le café Lorrain est une grande famille à Mondorf, qui s'est réunie pour la dernière fois dimanche soir (Photo :DR).

André et Brigitte Michel en ont connu des fêtes dans leur café, à Mondorf-Les-Bains. Mais dimanche soir, le café lorrain s’est animé pour la dernière fois. Fermeture d’un établissement historique.

Il n’ouvrira plus ses portes. Cette foule bigarrée massée sous les parasols qui rit aux éclats et trinquent à tout-va participent en réalité à une fête d’enterrement. Il n’y a pas que de la joie qui déborde sur le trottoir et une partie de la chaussée, sécurisée pour l’occasion. Il y a de la tristesse aussi. Ci-gît le café Lorrain, dit aussi «Chez André».
Cela n’a rien de réjouissant, mais il fallait bien que cela se termine par une fête. Une dernière pour la route. Celle de Brigitte et André Michel, qui ont tenu les rênes de l’établissement durant ces 24 dernières années, est toute tracée et mène à une juste et paisible retraite. Celle des habitués est plus incertaine, voire chaotique et mènera inévitablement au dispersement de cette foule qui festoie au soleil couchant.
Ils sont venus nombreux pour la dernière tournée générale des patrons. Parmi les plus anciens, ils étaient nombreux à venir déjà avec leur père ou leur grand-père, dans ce café historique de la cité thermale qui affiche un siècle de tirage au compteur, si le patron a bonne mémoire, et pour sûr, il en a. Quand on accompagne le quotidien de centaines d’habitués avec qui on partage les petites histoires et les grands événements d’une vie, on a forcément des souvenirs plein la tête.

Un bistrot, un vrai

André, une retraite bien méritée... et les habitué(e)s ? (Photo : DR)

André, une retraite bien méritée… et les habitué(e)s ? (Photo : DR)

Les murs du bistrot aussi, s’ils pouvaient parler, pourraient en raconter. Avec ses trois compartiments, son mobilier en bois, son carrelage en petits damiers, ses banquettes et ses lambris déposés entre des murs blancs et framboise, le café Lorrain avait son style désuet bien à lui. Mais personne ne franchissait le sas d’entrée pour le plaisir de siroter un cocktail compliqué dans un décor design, mais pour y trouver sa place devant un café, une bière ou un verre de blanc de la Moselle et pour avaler une de ses bonnes tartines de jambon qui figuraient au menu de la petite restauration.

On ne sait combien d’omelettes Brigitte a préparées pour les associations locales en tous genres qui venaient le soir tard après leurs activités, sûres de trouver une table conviviale, accueillante. Où vont-elles se retrouver demain? Elles s’éparpilleront certainement dans les autres établissements parce qu’il faudra bien un point de chute.

Des copains pour ce dernier service
Sur la terrasse, devant le bar ou installés sur les banquettes, les clients célèbrent cette dernière soirée. Les patrons vident les fûts et les bouteilles, une équipe de copains conduite par Nathalie et Sébastien, du Chalet de Remerschen, assurent le service. Assise sur le rebord d’une fenêtre de la terrasse, il y a Nelly. «C’est le seul café où je pouvais entrer seule et prendre un verre sans avoir peur de n’être pas à ma place», témoigne-t-elle. Grand-mère comblée, elle avoue avoir «des centaines de souvenirs», amassés au fil des années, y compris avec ses petits-enfants dévoreurs de glaces. Brigitte et André entretenaient une ambiance familiale. Ici, les patrons serraient les mains et claquaient des bises pour accueillir les clients, souvent par leurs prénoms.
Olivier, coiffeur, la petite trentaine, avait pris l’habitude d’appeler «maman» une des serveuses du café, Corinne, en place pendant 21 ans. «Quand j’ai été muté dans le salon à Mondorf-les-Bains il y a six ans, j’ai poussé les portes du café pour y déjeuner et j’ai retrouvé l’ambiance des cafés de village de ma Champagne natale», témoigne-t-il.

gigi-cafe-2À l’amitié franco-luxembourgeoise !

«J’aime les gens simples et authentiques qui viennent ici, de France comme du Luxembourg», poursuit-il.
Plus loin, Marc et Sylviane sont des fidèles. Cette dernière vient depuis 20 ans au café Lorrain et y a rencontré celui qui partage aujourd’hui sa vie, autour d’une partie de belote.
Les joueurs de cartes vont devoir trouver d’autres tables, les habitués du matin d’autres présentoirs à journaux. Le petit café-revue-de-presse se dégustera ailleurs. Et où revoir à l’avenir toutes ces têtes connues que les clients avaient l’habitude de saluer? Personne n’a tiré de plan sur la comète en ce dernier jour de travail de Brigitte et André.
Tous les invités, parce que dimanche soir ils n’étaient plus clients, n’avaient qu’en tête d’offrir aux patrons une fête à la hauteur de l’événement. Et elle fut réussie.

Geneviève Montaigu