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Médecins du monde interpelle les candidats aux législatives


Financée en majorité de dons et organisée par des bénévoles, l’ONG Médecins du monde attend une aide de l’État afin d’avoir plus de moyens. (Photo : didier sylvestre)

À travers son rapport d’activité 2022, l’ONG Médecins du monde souhaite être entendue par les candidats aux législatives afin de lutter au mieux contre l’inégalité d’accès aux soins qui ne s’améliore pas.

Trente-trois paires de lunettes prescrites, 55 consultations de pédicure médicale, 84 vaccinations, 683 rendez-vous dentaires, 2 876 analyses sanguines, l’hébergement de dix patients ou encore 70 affiliations à une couverture santé… Le champ d’action de Médecins du monde est vaste et la demande en hausse. «Notre activité continue de monter chaque année», déplore son président Bernard Thill qui a présenté, hier, le rapport annuel de 2022. Portée par 142 bénévoles, l’organisation médicale ne cesse d’œuvrer afin de soigner gratuitement des personnes exclues du système de santé.

Depuis sa création en 2013, l’ONG milite pour donner à tous l’accès aux soins, «un droit fondamental pas encore vrai au Luxembourg». Une adresse étant nécessaire afin d’être affilié à la sécurité sociale, les personnes sans abri ou sans domicile fixe ne peuvent donc pas en bénéficier. «Ces gens n’ont pas accès à la médecine préventive et il y a un risque qu’ils arrivent nous voir trop tard.» Pour éviter cela, 3 101 consultations médicales ont été recensées dans le rapport annuel, soit une trentaine de plus qu’en 2021.

Le nombre de bénéficiaires (1 145) a, lui, légèrement diminué après que le covid l’a quasiment fait doubler entre 2019 et 2021, passant de 771 à 1 391. Pourtant, parmi eux se trouvent de plus en plus de femmes, comme le souligne le premier rapport de l’Observatoire de l’accès à la santé de l’ONG publié en 2022. «Il y en a 32 % contre 21 % en 2019, c’est énorme et ça interpelle, car elles sont souvent dépendantes d’une tierce personne», souligne Sylvie Martin, directrice générale. Réalisé à partir des données de 2021, le rapport est un ouvrage majeur pour l’organisation, car «ce sont des chiffres que ne connaît pas la Statec puisque ces personnes n’ont pas accès aux offices sociaux et ne sont donc pas reconnues», rappelle le président. Grâce à cela, un profil type des bénéficiaires a été dressé : 97 % vivent sous le seuil de pauvreté, près de la moitié n’a personne sur qui compter et seuls 12 % ont un logement personnel. «On tend un miroir pour montrer la misère sociale.»

Des recommandations pour les législatives

À l’approche des élections législatives en octobre prochain, Médecins du monde en a profité pour dresser ses recommandations politiques. À ses yeux, l’un des enjeux centraux est l’hébergement de long terme pour les personnes vulnérables et malades. Une mission qu’elle occupe déjà en accueillant dix patients grâce au projet Escale, un service de prise charge médico-psychosociale installé dans une maison à Esch-sur-Alzette. Si l’accueil est prévu pour durer un an, la réalité est tout autre. «Il y a quatre personnes qui sont là depuis deux ans, car elles sont trop vieilles pour vivre dans la rue. Elles vivent avec un masque à oxygène», raconte Bernard Thill. Face aux besoins et à la liste d’attente pour avoir une chambre, l’ONG réclame donc la création d’un service long terme, ainsi que la possibilité pour les centres pour personnes âgées d’accueillir des sans-abri.

Afin d’alléger son accueil temporaire, l’organisation encourage également les prochains députés à légiférer sur l’actuel projet de la Couverture universelle des soins de santé (CUSS). Lancé en octobre 2021, ce dernier donne aux personnes vulnérables un accès aux soins, moyennant une affiliation à l’assurance maladie aux frais de l’État. «En résumé, ça évite d’avancer des frais médicaux coûteux.» Avec quatre autres ONG, Médecins du monde a été mandatée afin de monter le dossier d’affiliation de ses bénéficiaires, dont 80 % sont éligibles. En 2022, elle en a réalisé 70. Pas de quoi se réjouir. «On a une liste d’attente de 200 personnes qu’on a même dû fermer, on est loin du « U«  de universel», déclare, amère, Sylvie Martin.

«On est débordés, si vous voulez que le CUSS fonctionne, donnez-nous du personnel», lance indirectement son président aux politiciens. Encore en phase pilote, malgré une évaluation annoncée fin 2022 qui n’a jamais eu lieu, l’avenir du projet doit se dessiner lors d’une première réunion attendue le 10 juillet. En attendant, Médecins du monde se réjouit déjà de la prise de conscience nationale pour leur combat. «Avant, on disait qu’au Luxembourg tout le monde avait accès aux soins. Ces gens étaient invisibles.» Désormais, le sujet est connu. Pour preuve, avec ses 7 288 donateurs en 2022, il s’agit d’une hausse annuelle de 14 % et de 156 % par rapport à 2019.

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