L’UE va perdre l’un de ses rares poids lourds politiques, avec le départ annoncé jeudi du président du Parlement européen Martin Schulz. Le social-démocrate sera candidat aux législatives allemandes de 2017 et pourrait même défier Angela Merkel pour la chancellerie.
«Je ne serai pas candidat pour un troisième mandat de président du Parlement européen. L’année prochaine, je vais me présenter comme candidat» aux législatives allemandes, prévues à la fin de l’été, a-t-il déclaré lors d’un point presse à Bruxelles. A 60 ans, il mènera la liste du parti social-démocrate allemand (SPD) en Rhénanie du Nord-Westphalie. Il pourrait même devenir le candidat de son camp face à la chancelière allemande Angela Merkel, du parti conservateur CDU, qui a annoncé dimanche vouloir briguer un quatrième mandat. «Ce n’était pas une décision facile à prendre», a déclaré Martin Schulz, les yeux rougis. «Il ne voulait vraiment pas partir, on lui a forcé la main depuis Berlin», a assuré une source parlementaire.
Président depuis 2012, Martin Schulz avait laissé planer l’éventualité – sans jamais l’affirmer directement – de briguer un nouveau mandat à la tête de l’institution, recevant notamment le soutien du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a dit jeudi «regretter» son départ. Il est «non seulement un Européen convaincu, mais aussi un Européen convaincant. C’est pourquoi nous en aurions encore eu besoin ici à Bruxelles, mais à Berlin il va aussi pouvoir être utile», lui a rendu hommage Jean-Claude Juncker.
Au crédit de Martin Schulz, la visibilité qu’il a su donner à sa fonction sur les scènes européenne et internationale au cours de ses deux mandats de deux ans et demi. Mais son style parfois brutal a aussi pu agacer et de nombreux députés européens étaient opposés à une nouvelle candidature. D’autant plus que l’Allemand était lié par un accord avec les eurodéputés de droite, qui avaient accepté sa réélection pour un deuxième mandat en 2014, contre la promesse qu’il leur céderait le poste en janvier 2017. Une réélection inédite, gauche et droite s’étant mis d’accord pour que la présidence revienne alternativement à l’un puis à l’autre camp, tous les deux ans et demi.
« Pont d’or »
«Schulz n’allait pas se contredire», a commenté une source parlementaire, selon qui son départ s’explique par «la combinaison de deux facteurs» : «pas beaucoup de partisans pour un troisième mandat» et l’«opportunité», voire «le pont d’or», qui lui est offert en Allemagne, où son avenir alimente les spéculations. Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, il pourrait remplacer son collègue du SPD Frank-Walter Steinmeier, très populaire ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel au sein de la coalition conservateurs/sociaux-démocrates, appelé en février à devenir président fédéral.
L’un des scénarios envisagés le verrait ensuite concourir pour la chancellerie, puis reprendre le portefeuille des Affaires étrangères dans l’hypothèse d’une nouvelle grande coalition. Le SPD choisira en janvier son candidat, position qui aurait logiquement du revenir à son chef, le mal-aimé Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l’Économie. Mais un sondage fin octobre se montre plus favorable à M. Schulz : 28% des Allemands estiment qu’il ferait un meilleur candidat que M. Gabriel, qui plafonne à 18%.
Quel que soit le candidat, la mission s’annonce difficile pour le SPD, régulièrement donné perdant par les enquêtes d’opinion face à Mme Merkel. Au Parlement européen, l’horizon s’est dégagé pour les candidats du PPE (droite) à la succession de Martin Schulz : le Français Alain Lamassoure, l’Irlandaise Mairead McGuinness, l’Italien Antonio Tajani et le Slovène Alojz Peterlé. Des noms «très respectés», selon le président du PPE, l’Allemand Manfred Weber, qui a par ailleurs salué «le travail» accompli par Martin Schulz.
«Le départ de Martin va considérablement changer la dynamique politique à l’intérieur des institutions européennes», a en revanche regretté l’italien Gianni Pittella, président du groupe Socialistes et Démocrates (S&D). M. Pittella réclame le respect de l’«équilibre politique» dans l’UE, où le président de la Commission Jean-Claude Juncker et celui du Conseil européen Donald Tusk sont déjà tout deux issus des rangs du PPE. «Un monopole de la droite au sein des institutions européennes serait inacceptable», dit-il.
Le Quotidien/afp