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Mannequins dès 4 ans : en Chine, le boom malgré la controverse


Perçu comme un secteur lucratif, le mannequinat a entraîné en Chine une floraison d'écoles spécialisées. (photos AFP)

A 4 ans, ce sont déjà de petites vedettes : Yuki et Yumi, deux jumeaux chinois, se font maquiller dans un centre commercial de Pékin. Dans quelques minutes, ils défileront lors d’une compétition d’enfants mannequins.

Les cheveux parfaitement peignés, le frère et la sœur foulent le tapis rouge avec confiance. Ils ne sont déjà plus des débutants : depuis deux ans, les bambins prennent des cours privés pour apprendre à poser et défiler. Mais les journées peuvent être longues et la pression forte. Et si le mannequinat des enfants explose, cela ne va pas sans créer en Chine une certaine controverse.

Celle-ci a été relancée par la récente diffusion virale sur internet d’une vidéo montrant une mère de famille asséner un coup de pied à sa fille de trois ans lors d’un défilé de mode pour enfants organisé à Hangzhou. Le clip a entraîné un tollé sur les réseaux sociaux. Et est devenu en Chine le symbole des espoirs de réussite parfois excessifs placés dans les enfants – souvent encore uniques, après des décennies de contrôle de naissances.

Déplacement sur le lieu du défilé, habillage, maquillage, répétitions : pour Yuki et Yumi, les journées de travail peuvent durer 12 heures pour au final seulement une minute de présence sur le podium. Souvent accompagnés de dizaines d’autres enfants, ils doivent défiler sur le tapis rouge, prendre la pose devant des juges et attendre les résultats dans les coulisses. « Pour certains concours, ils doivent être présents en salle de maquillage dès 6h », explique le père des jumeaux, Xiao Liang. Mais la compétition proprement dite peut ne débuter qu’à 14h et ils finissent à 15h ou 16h. Donc le processus prend toute la journée. »

Les jumeaux stars des défilés, Yumi et Yuki Xiao. (photos AFP)

Les jumeaux stars des défilés, Yumi et Yuki.

Un filon (sur)exploité

Le mannequinat pour enfants représentait un marché mondial de plus de 40,5 milliards de dollars en 2018, selon le cabinet Euromonitor. En Chine, ce secteur est relativement nouveau, mais il grandit très rapidement.

« C’est super marrant à faire », déclare Yumi tout sourire. « J’aime être sur le podium », explique la petite fille. Parfois, elle et son frère sont payés pour porter des habits pour de grandes marques. Mais le plus souvent, ils écument les compétitions de mannequinat. Des centaines sont organisées chaque année en Chine. « Ils sont uniques : c’est rare d’avoir des enfants mannequins qui soient jumeaux fille-garçon », s’émerveille Xiao Liang. « Et on a vu qu’ils aimaient ça. Alors on leur donne l’opportunité de poursuivre dans cette voie », explique-t-il, disant désormais dépenser davantage pour financer la carrière de ses jumeaux.

Certains enfants mannequins peuvent parfois poser avec une centaine de vêtements différents en 12 heures pour le compte de grandes marques, avec une indemnité journalière qui peut atteindre 10 000 yuans (1 300 euros). Perçu comme un secteur lucratif, le mannequinat a entraîné en Chine une floraison d’écoles spécialisées. Créé en 2016, le Show Stars est l’un des premiers établissements à avoir ouvert à Pékin. Un cours particulier peut y coûter jusqu’à 800 yuans de l’heure (103 euros). Le nombre d’étudiants a plus que doublé depuis l’ouverture, assure le propriétaire, Lee Kun, un ex-agent de mannequins. Selon lui, la vidéo controversée de la fillette de trois ans frappée du pied par sa mère n’a rien d’inhabituel. « En tant que professionnel du secteur, je peux vous dire que c’est assez fréquent », dit-il. « Si les enfants n’écoutent pas leurs parents, les frapper c’est encore plus ou moins la norme. »

Des heures d'attente souvent, pour une minute sur le podium.

Des heures d’attente souvent, pour une minute sur le podium.

Risques psychologiques

En réaction à la vidéo, la municipalité de Hangzhou limite désormais le nombre d’heures de travail des enfants et interdit aux moins de 10 ans d’être ambassadeurs d’une marque. Il est déjà officiellement illégal pour les entreprises de recruter des moins de 16 ans. Alors la plupart des jeunes mannequins sont actuellement payés en secret. Le phénomène des jeunes « influenceurs », ces enfants payés par des marques pour faire la promotion de leurs produits sur les réseaux sociaux, entraîne également les parents à pousser leurs bambins à faire du mannequinat.

Ce qui n’est pas sans conséquence pour leur santé, selon des spécialistes. « Les moins de six ans sont en pleine croissance mentale. Ils ont besoin de pouvoir explorer le monde, d’avoir une certaine liberté », déclare Gong Xueping, un psychologue spécialiste des enfants. « Lorsqu’il travaille, le jeune mannequin doit montrer de nombreuses expressions différentes (…) qui sont peut-être contraires à ce qu’il ressent sur l’instant. Cela peut limiter l’essor de ses aptitudes émotionnelles et psychologiques. »

LQ/AFP

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