La date est connue. Mardi, la tripartite va se réunir afin de ficeler un paquet d’aides pour atténuer la flambée des prix. Une discussion majeure va concerner l’indexation des salaires et pensions.
Les patrons sont pour. Les syndicats contre. Et le gouvernement ? La manipulation de l’indexation automatique des salaires et pensions risque de dominer les pourparlers lors de la tripartite qui va réunir, mardi 22 mars, une délégation gouvernementale ainsi que les représentants du salariat et du patronat.
Avec l’inflation galopante (4,4 % en 2022), provoquée par la hausse des prix de l’énergie, il n’est plus à exclure que trois tranches indiciaires seront versées en l’espace de douze mois. Après les 2,5 % accordés en octobre dernier aux salariés et pensionnés, une prochaine tranche devrait tomber en avril. Le Statec met en perspective un nouveau déclenchement de l’index en octobre prochain.
Dans la foulée de la dernière tripartite, en décembre 2021, le Premier ministre, Xavier Bettel, avait lancé que «jusqu’à la fin de la législature en cours, ce gouvernement ne va rien toucher» au mécanisme de l’indexation. «Des divergences de vues existent, mais l’indexation reste un instrument unique pour compenser la hausse des prix», avait ajouté le ministre du Travail, Dan Kersch, entretemps remplacé par Georges Engel.
Au vu de la pression exercée par le camp patronal, les syndicats ne veulent plus trop croire à cet engagement. L’OGBL évoque une «ligne rouge» et annonce, sur Facebook, «s’opposer catégoriquement à toute tentative de manipulation de l’index».
«Nous sommes en échange permanent afin de définir une position commune entre les trois syndicats pour la tripartite», nous précise Nora Back, la présidente de l’OGBL. Le soutien intégral sur la question de l’indexation est d’ores et déjà acquis.
Dans un communiqué, la CGFP, le syndicat de la fonction publique, invite le gouvernement à «effectuer ses devoirs à domicile» avant de songer à «affaiblir ce mécanisme à un moment où la hausse des prix est massive». Toute manipulation équivaudrait à une «impudence» qui risque d’affecter la paix sociale.
Le patronat est égratigné au passage : «Au lieu de vouloir enlever ce mécanisme de compensation aux salariés, le patronat devrait sermonner ceux qui augmentent leurs prix dès qu’une tranche indiciaire est versée.»
«Pire que l’impact de la pandémie»
Le son de cloche est, sans surprise, fortement différent dans le camp de l’UEL et des autres organisations patronales. Une multiplication des tranches indiciaires risquerait ainsi de nuire à la compétitivité du pays. Des entreprises pourraient être tentées de quitter le Luxembourg.
«L’impact de multiples indexations en quelques trimestres aura des conséquences importantes pour le secteur financier», met ainsi en garde Guy Hoffmann, le président de l’Association des banques et banquiers du Luxembourg (ABBL).
L’ensemble des secteurs de l’économie nationale seraient impactés par la flambée des prix de l’énergie et l’inflation qui en découle. Industrie, artisanat, transport et donc aussi banques et assurances.
Sur les ondes de RTL, Michel Reckinger, le président de l’UEL, estime même que la situation actuelle serait «beaucoup plus grave que l’impact de la pandémie». «Il y a une urgence fondamentale pour l’économie. Beaucoup d’entreprises travaillent aujourd’hui à perte», ajoute le patron des patrons.
La revendication du camp patronal est donc sans équivoque : limiter l’indexation au versement d’une tranche par an, comme cela a déjà été fait par le passé (lire ci-contre).
L’équation à résoudre mardi va reposer sur les paramètres suivants : maintien intégral de l’indexation, avec en prime des compensations supplémentaires aux engagements déjà pris fin février (lire ci-dessous), ou manipulation de l’index, avec en contrepartie des mesures d’aides ciblées.
Les précédents de 1981, 2006 et 2012
Le principe sacré de l’indexation veut que salaires et pensions augmentant de 2,5 % dès qu’un seuil prédéfini est atteint, calculé sur base de l’inflation.
Introduit en 1971, l’index a déjà connu trois manipulations. À chaque fois, l’objectif était de limiter le nombre de tranches versées sur une année. En 1981, en pleine crise sidérurgique, la première manipulation a été actée. En 1982, l’inflation pointait momentanément à 9,4 %. Malgré le frein décidé, deux tranches ont été accordées en 1982 et même trois en 1983.
Aussi bien en 2006 qu’en 2012, il a été décidé de limiter l’indexation à une tranche par an. L’assainissement des finances publiques a motivé la manipulation sur la période de 2006 à 2009. L’inflation atteignait 4 % en mai 2008.
En 2011, après un échec de la tripartite, le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, annonce une nouvelle manipulation de l’indexation, à nouveau limitée à une tranche par an. La mesure, soutenue par une large majorité à la Chambre (53 voix sur 60), a concerné les trois années entre 2012 et 2014.