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Manifestations des agriculteurs : l’exception luxembourgeoise


De g. à d. : Charel Ferring, Luc Emering et Christian Wester ne voient, pour l’instant, aucune raison pour les agriculteurs luxembourgeois de se joindre aux mouvements européens.

Alors que les agriculteurs manifestent leur mécontentement dans plusieurs pays européens, le climat semble beaucoup plus serein du côté du Luxembourg, qui ne voit, pour l’heure, «aucune nécessité» de se joindre au mouvement.

Allemagne, France, Pologne, Pays-Bas… Le Luxembourg est aujourd’hui entouré de pays faisant face à la gronde des agriculteurs. Comment nos paysans perçoivent ce qu’il se passe chez nos voisins? Sont-ils, eux aussi, prêts à descendre dans la rue en soutien? «La situation est très différente chez nous», souligne d’emblée le président de la Centrale paysanne, Christian Wester.

Il faut dire que les agriculteurs avaient déjà battu le pavé, fin 2022, pour faire entendre leur voix face à la nouvelle loi agraire qui ne répondait pas à leurs attentes. Des centaines de croix vertes, coiffées d’une botte rouge retournée, avaient fleuri le long des routes du pays, avant une manifestation en bonne et due forme devant la Chambre des députés.

«Nous avions aussi nos difficultés à l’époque, mais nous avons été entendus», rappelle l’ancien président des jeunes agriculteurs, Luc Emering, aujourd’hui député DP à la Chambre, qui rappelle qu’un «bon compromis» a été trouvé avec la nouvelle loi agraire votée en juillet dernier.

«Ce n’est pas la catastrophe»

Pour lui, les agriculteurs luxembourgeois n’ont «aucune raison» de se joindre aux mouvements français, allemand ou néerlandais, même si certains ont hésité. «La grève est un droit fondamental, mais il faut un message concret pour que la population comprenne. Nous n’avons pas besoin de manifester pour le moment et nous n’allons pas le faire simplement parce que nos voisins le font», appuie-t-il.

Un sentiment partagé par les jeunes agriculteurs de l’ASBL Landjugend a Jongbaueren, qui se jugent «mieux lotis que nos voisins européens», tandis que la Centrale Paysanne voit surtout le monde agricole luxembourgeois dans une «phase de transition», en raison du vote récent de la loi agraire, qu’il faudra «évaluer ces deux prochaines années», explique Christian Wester.

Pour lui, les manifestations actuelles en Europe sont surtout dues à des décisions nationales, très différentes de celles du Grand-Duché. «Aujourd’hui, la plupart de nos agriculteurs ont des revenus tolérables. C’est surtout la hausse des coûts de production qui nous touche. Mais ce n’est pas non plus la catastrophe.»

Manque de soutien européen

Pour les trois représentants agricoles luxembourgeois, c’est avant tout la politique menée en Europe par les différents gouvernements qui ont conduit aux actions en cours actuellement. «L’Union européenne n’a pas réussi à soutenir les fermes et à aider les agriculteurs à se développer», regrette Luc Emering, qui juge d’ailleurs le milieu rural «très bien représenté» au Luxembourg, contrairement à d’autres pays.

«Le Luxembourg est petit, nous dialoguons beaucoup avec le ministère pour trouver des compromis, c’est très important», appuie, de son côté, le président de Landjugend a Jongbaueren, Charel Ferring.

Un monde agricole toutefois pas si rose au Grand-Duché : le secteur porcin souffre ainsi particulièrement depuis quelques années, alors que de «sérieux problèmes» relatifs aux constructions dans les zones vertes commencent à se faire sentir.

«Beaucoup sont fâchés avec le ministère de l’Environnement», alerte le député Emering, rejoint par les jeunes agriculteurs, qui, eux aussi, tirent la sonnette d’alarme : manque d’investissements, de visibilité à long terme… Difficile de se lancer.

«Comment allons-nous évoluer, développer nos fermes? Est-ce qu’on veut encore produire des produits au Luxembourg ou importer davantage?», se questionne Charel Ferring, qui rappelle que, chaque année, 50 agriculteurs cessent leurs activités au Luxembourg.