Depuis son restaurant situé à Drauffelt, entre Wiltz et Clervaux, le chef Yves Radelet aime confectionner lui-même une quantité de produits, dont de délicieux fromages !
Le produit
«Je suis un cuisinier, mais je déteste acheter des produits : je préfère tout faire moi-même!», lance Yves Radelet d’entrée de jeu, dans un grand sourire. «Il y en a qui les font certainement mieux que moi, je n’en doute pas, mais c’est comme ça que je fonctionne.»
Le chef de l’année 2008 du Gault&Millau a commencé à réaliser ses propres fromages en 2000, lorsqu’il œuvrait à l’auberge de la Gaichel. Lui, l’un des tout premiers apôtres de la cuisine moléculaire, fabriquait donc aussi des produits traditionnels très artisanaux. «À l’époque, je faisais déjà mes propres charcuteries et mes yaourts et ce n’était pas si facile à apprendre, sourit-il. Il n’y avait pas YouTube!» Il prenait tous les conseils, testait beaucoup, jusqu’à trouver les bonnes formules.
Il était évident qu’il poursuivrait l’expérience à Drauffelt. Dans la petite fromagerie au sous-sol, il élabore toutes sortes de variétés à partir du lait qu’il va chercher dans une ferme voisine. Il en utilise entre 60 et 100 litres par semaine, selon ses besoins, ce qui lui permet de créer une dizaine de kilos de fromage. «Je travaille à l’ancienne, sans homogénéiser le lait, ce qui fait qu’il peut y avoir des variations entre chaque fromage, en fonction de ce qu’a mangé la vache», avertit-il.
Pâtes molles à croûte fleurie (type camembert, il les appelle Caprices), pâtes pressées cuites (type comté), pâtes pressées non cuites (type cheddar ou tomme), pâtes molles à croûte lavée (type munster), pâtes persillées (type bleu)… Yves Radelet sait tout faire! «Les pâtes pressées sont les plus simples à réaliser, mais elles nécessitent une grande régularité, comme en pâtisserie, souligne-t-il. Les plus difficiles, ce sont les bleus. Non seulement il y a plusieurs étapes complexes, mais on ne peut pas faire autre chose, sinon, tous les autres fromages deviennent aussi des bleus!»
Bien sûr, Yves Radelet ne produit pas chaque type de fromage toutes les semaines. Il décide en fonction de ce qu’il mitonne en cuisine et des associations qu’il imagine. «J’ai la chance qu’il n’existe pas d’AOP pour le fromage au Luxembourg, donc j’ai la liberté de pouvoir tout faire et de développer toute ma créativité», apprécie-t-il. Dans sa cave, un cheddar est par exemple en train d’affiner depuis un an, tandis que les excellents Caprices (nature, lavande ou noix) sont des classiques.
Le producteur
Yves Radelet est un grand nom de la gastronomie luxembourgeoise. Désigné Chef de l’année par le guide Gault&Millau en 2008, il s’est formé dans de beaux restaurants étoilés en Belgique avant d’arriver au Luxembourg. Après un passage remarqué à l’auberge de la Gaichel, il s’impose dans la capitale comme un des chefs les plus réputés et novateurs du pays. Il est notamment l’un des premiers à s’intéresser à la cuisine moléculaire.
Son déménagement à Drauffelt en 2013 marque un grand tournant dans sa carrière. Il s’installe dans une ancienne ferme qu’il rénove de fond en comble avant d’ouvrir en 2013 un restaurant de 78 couverts qui sert une cuisine haut de gamme, mais plus proche du sol et des terroirs.
Le chef a pu constater que tenir un restaurant en ville et à la campagne n’a rien à voir. «À Drauffelt, la clientèle est très familiale, avance-t-il. Beaucoup viennent y célébrer toutes leurs fêtes : fiançailles, mariages, baptêmes, communions… Le restaurant joue un rôle social bien plus développé qu’en ville.» Il apprécie cette clientèle, mais jure que la pression n’est pas moins élevée, au contraire. «Il faut du temps pour gagner la confiance, mais elle peut se perdre très vite, affirme-t-il. Les habitués reviennent parce qu’ils aiment ce qu’ils vont trouver chez moi, je ne peux pas les décevoir. En ville, quand les gens poussent la porte pour manger à midi, ils sont tellement pressés ou occupés avec leurs affaires qu’ils font à peine attention à ce qu’ils ont dans l’assiette.»
Les pâtes pressées sont les plus simples à réaliser, mais elles nécessitent une grande régularité, comme en pâtisserie
Pour autant, le caractère plus familial de son adresse actuelle n’a pas nui à son inventivité. Bien au contraire. La preuve? Dans le même bâtiment, Yves Radelet dispose de plusieurs ateliers. Dans l’un, il travaille sur des fraiseuses pour concevoir une vaisselle en bois de hêtre local (assiettes, moules à ravioles…) parfaitement adaptée à ses besoins. Dans l’autre, c’est une imprimante 3D qui lui permet de concevoir les moules qui personnaliseront à l’extrême ses créations. «Ces derniers jours, une musicienne est venue manger chez moi et j’ai créé des moules en forme de violon dans lesquels j’ai formé des chocolats», détaille-t-il. Il fabrique également lui-même les planches en plastique perforé sur lesquelles les fromages sont mis à sécher.
Il a travaillé ses compétences pendant la pandémie, alors qu’il avait davantage de temps que d’habitude. «J’ai développé mon activité de traiteur trois jours par semaine, mais il me restait du temps et je m’ennuyais… il fallait que je m’occupe! J’aime être libre, grâce à tous ces outils, je n’ai pas d’autres contraintes que celles que je m’impose.»
Où les trouver ?
Les fromages d’Yves Radelet peuvent être trouvés dans son restaurant, à Drauffelt, tout près de la gare CFL du village. S’ils ont été disponibles pendant cinq ans en supermarché, ils ne le sont plus aujourd’hui. «Le coût des matières premières a tellement augmenté qu’à la fin, avec les marges, ils étaient devenus bien trop chers, regrette-t-il. J’ai préféré arrêter parce que pour moi, ce n’est pas parce qu’un produit est naturel et local qu’il doit être hors de prix.»
À retenir
· Yves Radelet n’aime rien tant qu’élaborer lui-même ses produits. Depuis 25 ans, il crée ses propres fromages selon ses envies pour qu’ils s’accordent avec la cuisine du moment. Il confectionne toutes les variétés lui-même, dans la petite fromagerie située sous son restaurant.
· Le chef de l’année 2008 du Gault&Millau a écumé les meilleurs restaurants de Belgique avant de s’implanter au Luxembourg. Il a tenu des restaurants à la Gaichel et en Ville, puis s’est installé à Drauffelt, entre Wiltz et Clervaux, où il a transformé une ferme en restaurant à succès.
· Les fromages d’Yves Radelet ne sont disponibles qu’au restaurant, en vente directe. L’enchérissement des matières premières a rendu difficile leur distribution, les marges induisant des prix que le chef trouvait trop élevés.