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[Made in Luxembourg] Vum Gréis, la ferme qui préfère jouer collectif


Yves Diederich et l’apprentie, Carla, au milieu de la ferme où tout le travail est fait à la main. (Photos : erwan nonet)

Fondateur de Vum Gréis, Yves Diederich a choisi de miser sur le maraîchage et la proximité avec les consommateurs, qui sont également membres de l’exploitation. Un modèle qui a fait ses preuves à l’étranger.

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Le produit

Yves Diederich produit une soixantaine de fruits et de légumes différents sur les 1,7 hectare de sa petite ferme de Berchem. Les terres, ici, sont pourtant loin d’être idéales pour le maraîchage. Le socle en argile, pas aidé par des décennies de monoculture, n’offre que peu des nutriments nécessaires aux plantes qui y poussent. Mais un sol, même pratiquement mort, peut se reconstruire avec du temps et des pratiques vertueuses.

«Je me suis adapté, sourit le fermier-jardinier. Nous recréons un sol nous-mêmes avec un plancher permanent de compost que nous enrichissons avec des produits organiques : des pellets de fumier, de la corne de vache broyée…» De fait, sur les 16 bandes de 30 m de long, les plantations ont toutes bonne allure : le procédé est efficace!

Le but premier d’Yves Diederich est de travailler avec la nature. Aucun produit phytosanitaire n’est utilisé. «Nous ne travaillons qu’en préventif avec pour but de créer un biotope qui fonctionne.» La diversité des espèces plantées diminue le risque de pertes dues aux ravageurs et, s’il faut combattre ces derniers, le fermier compte sur des alliés naturels. Il introduit ainsi régulièrement des insectes qui se chargent d’éliminer les menaces naturellement. La preuve dans la bande de fèves, où d’innombrables coccinelles débarrassent les plants des pucerons qui les avaient envahis. «Je suis content, elles sont venues toutes seules, sourit-il. Cela prouve que nous avons trouvé un équilibre.»

Tous les fruits et légumes qui poussent ici ont été sélectionnés pour leur goût, pas pour leur productivité. Ainsi, les petites fraises écarlates qui abondent dans trois bandes «viennent d’une ancienne variété que fait pousser la grand-mère d’un copain». Pour les 760 pieds de tomates, l’idée est la même. Les 17 variétés ont été choisies pour leurs qualités gustatives.

Le producteur

La ferme Vum Gréis a été créée en septembre 2018. Elle représente un vrai aboutissement pour son initiateur, diplômé du lycée technique agricole en 2000. Après des expériences en tant que greenkeeper dans un golf, puis de géomètre, Yves Diederich subit un grave burn-out qui le force à prendre du recul. Après de longues réflexions, il décide de revenir à sa première vocation : le maraîchage, «mais avec des gens autour de moi».

Il met en place une structure rare au Luxembourg, mais qui a fait ses preuves ailleurs (notamment en France) : une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Tous les produits qu’il fait pousser intègrent des paniers à 35 euros pièce que les membres viennent récupérer chaque semaine. Pour pouvoir en profiter, il faut donc s’engager sur toute la saison de production, qui court de la première semaine de mai jusqu’à novembre. Grâce à ce système, les revenus du fermier sont sécurisés. Sans cela, il n’aurait jamais pu se lancer. «Démarrer une exploitation de toutes pièces est pratiquement impossible au Luxembourg, souligne-t-il. Cela faisait plus de 30 ans que personne ne l’avait fait avant moi, cela signifie quelque chose.»

Les fraises viennent d’une ancienne variété que fait pousser la grand-mère d’un copain!

Toute la production est pensée pour remplir 140 paniers chaque semaine, mais à l’heure actuelle, Vum Gréis ne compte que 117 membres. « Nous sommes quatre AMAP au Luxembourg et, cette année, je crois que toutes recherchent encore des membres. L’inflation et le contexte international ne nous aident pas, même si le contenu de nos paniers coûte la même chose qu’au supermarché…»

Malgré tout, la ferme continue à se développer. Un étang a été creusé l’an dernier pour récupérer l’eau du lavage des légumes. Il permet d’arroser les plantes et de créer un nouveau biotope. «Nous avons vu des hirondelles venir y prendre l’argile pour construire leurs nids!» Cet étang va être agrandi, approfondi et un deuxième, plus grand et exclusivement réservé à l’arrosage, le secondera bientôt. Deux serres ont en outre été montées l’hiver dernier, grâce à un prêt octroyé par des membres. «Elles ont coûté presque deux fois plus cher que les deux autres que nous avons achetées il y a cinq ans.»

Où les trouver?

Pour profiter des fruits et légumes de Vum Gréis, il faut être membre à l’année. On peut alors venir chercher à Berchem son panier le vendredi soir, ou venir les cueillir soi-même sur place. «Les adhérents ont un code pour entrer dans le jardin et ils peuvent voir sur le tableau ce qu’ils peuvent prendre, explique Yves Diederich. Beaucoup d’enfants viennent avec leurs parents. Pour eux, c’est une chance de voir d’où viennent leurs légumes.» Actuellement, il prépare une cinquantaine de paniers et une soixantaine de familles préfèrent récolter leurs fruits et légumes.

Dans une AMAP, les risques sont partagés. Si l’année est difficile et la récolte moindre, les adhérents savent que leur panier peut être un peu plus léger que d’habitude. Par contre, en cas d’opulence, ils seront davantage garnis, pour le même prix.

Et puisqu’il n’est pas question de gâcher de si bons produits, lorsque les adhérents ne prennent pas tout, la maison relais absorbe les excédents.

À retenir

· Yves Diederich redonne vie à 1,7 hectare de terre pauvre et malmenée. Sans ménager ses efforts, avec les quelques stagiaires qui l’entourent, il fait pousser une soixantaine de fruits et légumes sans utiliser de produits phytosanitaires et en respectant de manière inconditionnelle l’environnement.

· Sa ferme est structurée sous la forme d’une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Pour profiter de la production, les clients sont tous membres de l’exploitation. Ils peuvent venir chercher chaque vendredi un panier tout prêt ou tout cueillir eux-mêmes.

·Créée en 2018, la petite ferme se développe chaque année. Cet hiver, un étang a été creusé et un deuxième (pour l’arrosage) le sera bientôt. Deux nouvelles serres ont en outre pu être installées grâce à un prêt octroyé par des membres.

Un commentaire

  1. Désillusion

    Super et mériterait d’être encouragé. Rappelons que notre autonomie alimentaire pour les fruits et légumes est estimée entre 3 et 5 pourcent selon une étude de l’uni.lu. Malheureusement, et comme l’explique si bien Yves Diederich, « «Démarrer une exploitation de toutes pièces est pratiquement impossible au Luxembourg … « . J’en ai fait l’expérience dans un domaine qui se situe dans la même ligne de pensée, la rénovation écologique et c’était un désastre. Le marché luxembourgeois est extrêmement monopolistique. Il faut aujourd’hui un sacré capital pour se lancer et l’Etat ne fait rien pour soutenir des activités dont le but premier n’est pas la recherche d’un gain maiximal. Notre société s’appauvrit.