[Made in Luxembourg] L’œuf et le vin

Dans la cave du domaine bio Sunnen-Hoffmann, à Remerschen, un riesling est élevé dans un œuf en béton. Une originalité qui porte beaucoup de sens et crée de très beaux vins.

Le produit

Traditionnellement, le vin est vinifié dans des barriques ou des foudres en bois, des cuves en inox, voire parfois encore en béton. Mais au domaine Sunnen-Hoffmann, à Remerschen, on peut observer un contenant plus original : un œuf en béton plein de riesling. Arrivé pour la récolte 2021 sur l’idée de la vigneronne Marie Kox, il a permis de créer une nouvelle bouteille sobrement nommée Concrete Egg (œuf en béton).

Cet œuf qui tient debout grâce à trois pieds n’est pas une coquetterie, mais une alternative qui séduit de nombreux producteurs partout dans le monde. «Le béton étant légèrement poreux, il permet la micro-oxygénation du vin, un peu comme le bois d’une barrique, mais sans apporter de goût, explique la viticultrice tout juste trentenaire. Le vin garde donc toute la pureté du fruit et aussi sa minéralité.»

La forme joue également un rôle, l’œuf créant un vortex naturel. Puisque le vin circule spontanément à l’intérieur, ce subtil brassage permanent le laisse au contact des lies fines qui lui procurent beaucoup de profondeur et de personnalité.

Même lors des années difficiles, les vins qui grandissent dans l’œuf s’en sortent très bien

À la dégustation, ce riesling se distingue des autres. Il est complexe, fin avec une grande longueur en bouche. «Même lors des années difficiles, je remarque que les vins élevés dans l’œuf s’en sortent très bien. Ils possèdent une dimension particulière et davantage de concentration», souligne Marie Kox. Depuis 2021, l’œuf ne reçoit que du riesling. Jusqu’en 2022, il s’agissait de vieilles vignes du Felsberg (Wintrange), mais en 2023, Marie a choisi une autre parcelle, plantée en 1978 sur le Hiischebierg à Remerschen.

Quel que soit son millésime, les premiers indices laissent entrevoir une grande période de garde. «La micro-oxygénation stabilise les vins, mais bien sûr, pour l’instant, je n’ai pas de références : il faut encore attendre», sourit la vigneronne qui a pris soin de mettre quelques bouteilles de côté pour les ouvrir dans plusieurs années.

L’expérience, en tout cas, est enthousiasmante. Elle encourage même Marie Kox à la développer. «Mais avant, il faut faire de la place!», lance-t-elle. C’est pourquoi elle va bientôt engager de grands travaux d’aménagement, qui lui permettront de rationaliser l’espace disponible, sans avoir à bâtir de nouvelles constructions.

Et quels vins mettrait-elle dans ces œufs? «Je verrais bien un cabernet blanc. Nous le vieillissons en fût et il me plaît beaucoup, glisse-t-elle. Et pourquoi pas un pinot gris, avec plus de complexité? Cela donnerait un vin gastronomique très intéressant.» Et un rouge? «Oui, avec un pinot noir, dans un bon millésime où le vin aura déjà de la profondeur, avance-t-elle. L’œuf permettrait de garder le goût et la vivacité du fruit, sans apporter de notes boisées.»

La productrice

Marie Kox fait partie de cette nouvelle génération de vignerons et vigneronnes qui permettent d’espérer le meilleur pour la viticulture luxembourgeoise. La jeune femme de 30 ans est arrivée au domaine Sunnen-Hoffmann en 2019, qui était alors dirigé par son oncle Yves Sunnen, le premier vigneron bio du Grand-Duché, et sa mère Corinne.

Ce domaine pionnier a non seulement marqué un jalon de l’histoire viticole locale, mais il s’impose aussi de très hauts standards de qualité. On se souvient de cette vidéo publiée sur le site de la Revue du vin de France où le meilleur sommelier du monde 2000, Olivier Poussier, s’enthousiasmait pour un riesling Vieilles Vignes 2014 : «Yves Sunnen fait des vins vraiment sublissimes […]. Le riesling étant dans une latitude nord, il est mûr, mais sans excès de maturité, avec des équilibres fabuleux. L’identité mosellane m’intéresse avec ce côté racé, pur, frais […]».

Marie, dont l’attrait pour le métier de vigneronne est venu progressivement, s’est formée en Autriche à Vienne (bachelor en œnologie), puis en France à Montpellier (master Vignes et Vin à Montpellier SupAgro). Ce cursus lui a permis d’apprendre le meilleur des deux cultures.

Lorsqu’en 2022, Yves Sunnen décide de partir à la retraite, c’est donc tout naturellement qu’elle prend la tête du domaine aux côtés de sa mère, Corinne Sunnen, la sœur d’Yves, qui y travaille également. Depuis le mois dernier, elle est devenue officiellement la propriétaire du domaine.

Où le trouver ?

Comme toujours, nous ne pouvons que conseiller de se rendre à la cave où vous pourrez rencontrer la vigneronne qui répondra à toutes vos questions. Le domaine (6, rue des Prés à Remerschen) est ouvert du lundi au vendredi de 8 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 17 h, et sur rendez-vous les week-ends et en dehors de ces plages horaires. Il organise régulièrement des journées de dégustation où vous pourrez découvrir les vins qu’il produit et ceux qu’il importe. Une boutique en ligne existe également (www.sunnen-hoffmann.lu).