Les dernières projections identifient deux dates critiques pour l’assurance pension : un déséquilibre financier dès 2041 et l’épuisement des réserves en 2047. Il reste du temps pour éviter le mur.
Le ministre de la Sécurité sociale, Claude Haagen, tient d’emblée à calmer les ardeurs : «Notre système de pension est financièrement solide et continuera de l’être dans les années à venir.» Les salariés ne doivent donc aucunement craindre pour leurs pensions. La réserve de 23,8 milliards d’euros constitue un gage de sécurité majeure (lire également l’encadré en bas).
Selon les scénarios établis par l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), la pression va cependant augmenter à partir de 2027. Les choses pourraient sévèrement se corser en 2041 avec un déséquilibre financier rendant obligatoire un recours à la réserve. Cette même réserve sera, sans aucun ajustement du système, épuisée fin 2047.
Les partenaires sociaux impliqués
Le bilan technique de l’assurance pension, présenté mardi et couvrant la période 2013-2022, livre les premières indications sur l’évolution à court, moyen et long terme du régime de retraite du secteur privé. Le premier enseignement majeur est que le taux de cotisation de 24 %, inchangé depuis 1990, va permettre de garder dans l’équilibre le système de pensions sur la période de couverture allant de 2023 à 2032. Autrement formulé : les cotisations que se répartissent salariés, patrons et État seront suffisantes pour financer les pensions dans la décennie à venir.
L’IGSS lance toutefois une mise en garde : en fonction de l’évolution démographique et économique du Luxembourg, le taux de 24 % ne pourrait plus être suffisant à partir de 2027. Le cas échéant, le déficit entre cotisations et prestations devra être compensé par la manne financière constituée par les excédents budgétaires antérieurs et surtout les recettes générées par le fonds de pensions. Le point de basculement pourrait intervenir en 2041 avec l’abaissement de la réserve sous le seuil légal de 1,5 fois le montant des prestations annuelles.
«Des défis se posent sur le long et surtout sur le très long terme. En fonction de l’évolution des réserves, il faudra trouver des solutions après 2032. En même temps, on veut disposer de projections à l’horizon de 2070», avance le ministre de la Sécurité sociale. Lundi, le Conseil de gouvernement a décidé de charger le Conseil économique et social (CES) d’établir un avis sur l’avenir du régime d’assurance pension.
«La demande est d’analyser le rapport de l’IGSS et de se pencher sur des pistes et propositions pour trouver les solutions. Il est crucial d’impliquer les syndicats et le patronat qui siègent au CES», souligne Claude Haagen. L’avis fera ensuite l’objet d’un débat à la Chambre des députés et par les forces vives de la nation. «Il est important d’agir dans le consensus», insiste le ministre.
Vers une hausse des cotisations ?
«Notre ambition n’est pas de prédire l’avenir, mais de disposer d’une analyse sur l’évolution de la situation financière et démographique de l’assurance pension», fait remarquer Kevin Everard de l’IGSS. Il existe toutefois une certitude : la croissance de l’emploi ne pourra pas compenser à l’infini la hausse du nombre de pensionnés. Les projections actuelles estiment à 2 % le besoin de financement supplémentaire.
Des ajustements du système pourraient permettre de décaler de quelques années les échéances critiques. Des mesures plus incisives, telles qu’une augmentation des cotisations, pourraient s’avérer nécessaires.
100 assurés pour 42,1 pensions
La croissance démographique et économique du Luxembourg génère, en toute logique, un nombre d’assurés et de pensionnés qui est en nette augmentation.
Entre 2013 et 2020, le nombre de salariés cotisant pour l’assurance pension est passé de 374 925 à 461 345 unités (54,2 % de résidents). Fin 2021, 473 508 assurés actifs étaient dénombrés. Sur la même période, le nombre de pensionnés a augmenté de 153 080 à 194 441, dont 57 % qui disposent d’une carrière migratoire. Ils ont donc travaillé au Luxembourg et à l’étranger. Près de 50 % des retraites sont d’ailleurs versées à l’étranger, dont 16,3 % en France.
Si en 2013, 100 assurés cotisaient pour 40,8 pensions ce ratio est passé à 42,1 en 2021. Le seuil des 50 % pourrait être dépassé en 2030 et atteindre les 96 % en 2070. Il s’agit d’une des évolutions qui nécessiteront, le cas échéant, des adaptations du système de pension.
Le cap des 200 000 retraités touchant une pension a été dépassé courant 2021. Au 31 décembre dernier, le Luxembourg comptait précisément 200 974 pensionnés.
Le dernier décompte des recettes et dépenses date de fin 2020. Les cotisations ont représenté 5,8 milliards d’euros (+44 % par rapport à 2013). Un total de 5,3 milliards d’euros ont été versés en pensions (+47 %). Ce bilan permet de continuer à nourrir la réserve globale qui, fin 2020, s’établissait à 23,8 milliards d’euros, soit l’équivalent de 4,8 fois des prestations annuelles.